Rarement, sous la gouverne de David Dodge, la Banque du Canada aura-t-elle été confrontée à une décision aussi difficile à prendre que celle attendue mardi.

Rarement, sous la gouverne de David Dodge, la Banque du Canada aura-t-elle été confrontée à une décision aussi difficile à prendre que celle attendue mardi.

Les autorités monétaires doivent décider si le taux directeur de 4,5% fixé depuis juillet est toujours de mise pour faire face à des perspectives économiques qui s'assombrissent, alors que les pressions inflationnistes paraissent s'alléger.

Plusieurs voix se sont fait entendre ces derniers jours pour réclamer une baisse de taux, mais le statu quo semble encore justifié selon la majorité des observateurs.

Jeudi, le Comité de politique monétaire de l'Institut CD Howe de Toronto se prononçait à cinq voix contre quatre pour la reconduction du taux directeur.

L'aréopage formé de cinq économistes universitaires et de quatre des milieux financiers était encore plus partagé sur la suite des choses. Certains voient le taux cible de financement à un jour ramené à 3,50% l'été prochain, d'autres prédisent qu'il aura alors grimpé à 4,75%.

Si les deux plus grands apôtres des baisses de taux sont issus des milieux financiers, il est intéressant de constater aussi que les deux voix favorables à une augmentation à moyen terme sont issues de milieux différents.

Les 15 économistes financiers sondés par l'agence Bloomberg sont aussi divisés. Neuf d'entre eux préconisent le statu quo, mais personne n'est d'avis qu'un resserrement soit à l'ordre du jour.

Quand on y regarde de plus près encore, on s'aperçoit que les positions sont aussi volatiles que les marchés boursiers, monétaires et obligataires des derniers jours.

Sondé le 16 novembre par Bloomberg, Ted Carmichael, de JP Morgan Canada, prévoyait une baisse de taux de 25 centièmes. Jeudi, il informait le CD Howe que la Banque centrale devrait l'abaisser de 50 centièmes.

Vendredi, après la publication des chiffres sur la croissance surprenante de 2,9% de l'économie au troisième trimestre, il informait ses clients qu'une baisse de 25 centièmes était à prévoir mais que ce sera une décision serrée.

Le statu quo

Parmi les tenants du statu quo, plusieurs sont d'avis que la Banque devra se résoudre à alléger le loyer de l'argent. Elle peut cependant se permettre d'attendre jusqu'à sa prochaine réunion, à la fin de janvier, qui coïncidera avec le chant du cygne de David Dodge.

Ce n'est que vendredi que Statistique Canada publiera les données de novembre sur le marché du travail. Même si tout indique que la création d'emplois fut faible, la robustesse des derniers mois (114 000 nouveaux emplois en septembre et octobre) et les pressions à la hausse sur les salaires qui en découlent dictent la prudence.

En outre, le marché de l'habitation se porte bien tant pour la maison neuve que d'occasion, avec des prix en hausse de 10% sur l'an dernier.

Enfin, ceux qui réclamaient à cor et à cri des baisses de taux pour affaiblir notre monnaie ont perdu de leur strident. Depuis son sommet de 110 cents US atteint durant quelques heures pendant la nuit du 4 au 5 novembre, le huard s'est replié au niveau de la parité, une zone beaucoup plus acceptable à la Banque centrale. Son scénario économique d'octobre était fondé sur un taux moyen de 98,5 cents US.

Les partisans d'une baisse de taux soutiennent avant tout que l'inflation n'est pas plus une menace.

Vrai, l'indice de référence (sans composantes volatiles) est passé en octobre sous la barre des 2,0%, mais l'indice de base des prix à la consommation (IPC) est encore à 2,4%. (Il existe une grande ambiguïté entre la position de la Banque qui vise 2,0% pour le rythme d'inflation de base et son discours qui s'attarde surtout à l'indice de référence.)

Le point de la TPS

Ces mêmes partisans font aussi valoir que l'abaissement d'un point de pourcentage de la TPS dès le premier janvier ralentira la progression de l'indice de base. Après tout, une première baisse en juillet 2006 n'avait-elle pas décéléré durant un an l'avancée de l'IPC de 0,5 point de pourcentage?

Depuis la sortie impromptue, jeudi, du président de la Réserve fédérale Ben S. Bernanke, aucun doute n'est encore possible. Le taux directeur américain va baisser le 11 décembre.

Si la Banque du Canada ne prend pas les devants demain, alors les taux américains seront plus faibles que les nôtres ce qui risque de relancer le huard, et aggraver la balance commerciale.

Enfin mais surtout, il faut tenir compte de la gravité des perturbations sur les marchés monétaires.

Si les banques canadiennes ont fait pour la plupart leur mea culpa, le marché canadien n'est pas immunisé contre les difficultés des banques étrangères plus exposées à la crise américaine des hypothèques à risque.

À trois reprises à chacune des deux dernières semaines, la Banque a dû injecter des liquidités de plusieurs centaines de millions.

Les intervenants se méfient toujours les uns des autres. Une baisse de taux est perçue comme un élément susceptible de rétablir la confiance.

Bref, quelle que soit la décision de la Banque du Canada, elle ne fera pas l'unanimité et ne sera pas sans conséquence pour la suite des choses.