Sans broyer du noir, les entreprises canadiennes envisagent l'avenir avec un peu plus d'inquiétude qu'il y a trois mois.

Sans broyer du noir, les entreprises canadiennes envisagent l'avenir avec un peu plus d'inquiétude qu'il y a trois mois.

La plus récente Enquête trimestrielle sur les perspectives des entreprises (EPE) menée par la Banque du Canada auprès d'une centaine de sociétés révèle qu'elles sont désormais plus nombreuses à prévoir une baisse de leur chiffre d'affaires au cours de l'année qui vient.

Depuis le quatrième trimestre de 2001, la majorité d'entre elles prévoyaient des ventes accrues ou égales à l'année précédente. Cela dit, les pessimistes dépassent de peu les optimistes.

Dans son analyse des résultats, la banque centrale en conclut que «l'expansion des ventes se poursuivra sensiblement au même rythme que pendant les 12 derniers mois». Elle précise aussi que les optimistes se recrutent parmi les entreprises «moins exposées à la conjoncture américaine».

En décembre, 6 entreprises sur 10 jugeaient qu'elles auraient des difficultés à faire face à une hausse inattendue de la demande.

Il s'agissait d'un sommet, depuis le début de l'EPE, en 1998. Dans l'enquête menée au cours du mois dernier, cette proportion est tombée tout juste au-dessus de 4 sur 10.

L'hiver dernier, 4 sur 10 admettaient faire face à des pénuries de main-d'oeuvre. La proportion est ramenée à 3 sur 10.

«L'économie canadienne est en train de passer d'un état de demande excédentaire en celui d'offre excédentaire», fait remarquer Jacqui Douglas, stratège chez TD Valeurs mobilières.

Cela dit, près de la moitié des entreprises sont toujours d'avis qu'elles devront grossir leur effectif au cours de la prochaine année.

À peine 12% prévoient l'alléger. Le marché du travail restera donc tendu et la consommation, sans doute robuste.

Pas de récession

Voilà pourquoi bien des économistes sont d'avis que le Canada ne sera pas entraîné en récession par les déboires de son grand partenaire commercial américain.

Selon Jeff Rubin, économiste en chef chez CIBC Marchés mondiaux, les prix élevés des produits de base et de l'énergie favoriseront le secteur canadien des ressources et assureront un solide rendement de l' économie canadienne.

À la différence de leurs voisins du Sud, les Canadiens ne souffrent pas encore vraiment de la poussée du prix des aliments. CIBC croit que la croissance économique s'élèvera à 1,6% cette année en moyenne avant de rebondir à 3%, l'an prochain.

En comparaison, l'expansion américaine sera limitée à 0,9% et 2,3% seulement, ce qui suppose une légère récession durant le présent semestre, selon le scénario de CIBC.

La firme torontoise croit comme la majorité des observateurs que la Banque du Canada abaissera à nouveau son taux directeur de 75 centièmes d'ici l'été avec une baisse probable de 50 centièmes dès le 22 avril. Le taux directeur a été fixé à 3,5%, le 4 mars.

À l'issue de la réunion du Fonds monétaire international et des ministres des Finances du G7 à Washington au cours du week-end, le gouverneur Mark Carney a presque télégraphié la baisse prochaine du taux directeur.

«La plus grande économie du monde ralentit et il se peut que la reprise qui va suivre soit plus mitigée», a-t-il dit.

Abordant la présente crise du crédit, il a émis l'avis qu'elle ne sera pas terminée de sitôt et va déboucher sur «un monde avec beaucoup moins de levier».

Il a aussi prédit que les écarts entre les titres sûrs et plus risqués resteront plus élevés que ce qu'ils étaient avant l'éclatement de la crise, l'été prochain.

Pour le troisième trimestre d'affilée d'ailleurs, plus de deux entreprises sur cinq déclarent que leurs conditions de financement se sont resserrées. Pendant quatre ans avant la crise, un plus grand nombre avait jugé que le crédit s'était relâché.

Ces difficultés accrues expliquent en bonne partie pourquoi les entreprises sont partagées presque également entre celles qui vont augmenter et celles qui vont réduire leurs investissements en machinerie et matériel. Certaines affirment avoir beaucoup investi l'an dernier, alors que d'autres ont le souci de ménager des liquidités.

La flambée des prix de l'énergie et des produits de base les porte à croire enfin que le prix de leurs intrants va au mieux rester stable cette année. Elles restent en majorité d'avis cependant que le taux d'inflation oscillera entre 2% et 3%.