Un promoteur convaincant. Et des millions de dollars en jeu. Dans une série sur trois jours, La Presse brosse le tableau des projets du financier Luc Verville, qui attire la confiance des investisseurs malgré ses deux faillites personnelles.

Un promoteur convaincant. Et des millions de dollars en jeu. Dans une série sur trois jours, La Presse brosse le tableau des projets du financier Luc Verville, qui attire la confiance des investisseurs malgré ses deux faillites personnelles.

Lundi, il était question de la vive dispute concernant la PME internet Capazoo World.

Aujourd'hui, La Presse fait le point sur un fiasco qui a frappé le comédien Gilles Latulippe et le fondateur de MAAX, Placide Poulin, entre autres.

Le fils de Gilles Latulippe, Olivier Latulippe, n'est pas le seul à avoir amassé des fonds pour Luc Verville. L'homme d'affaires Sébastien Mecca, de Montréal, est un autre de ces financiers qui ont servi d'intermédiaire à Luc Verville.

Son fils, Ian François Mecca, est venu raconter en Cour les infortunes présumées de son père dans le cadre de la poursuite contre Olivier Latulippe (note 2).

Sebastien Mecca aurait perdu plusieurs centaines de milliers de dollars suite «aux belles paroles de M. Verville», affirme son fils en Cour. Pire: les clients recrutés par Sebastien Mecca auraient investi 5,5 M$ dans les affaires de Luc Verville et l'argent a disparu, a raconté Ian Mecca.

Le jugement ne précise pas qui sont ces clients de Sebastien Mecca qui ont tant perdu. Au téléphone, Ian Mecca n'a pas été en mesure de nous en dire plus à ce sujet; son père n'a pas rappelé La Presse.

Toutefois, d'anciens clients de Sebastien Mecca le traînent devant les tribunaux pour les pertes subies dans leurs investissements à la Barbade (9 et 10).

Or, l'une des deux adresses où leurs fonds ont abouti à la Barbade est la même que celle des fiducies offshore de Luc Verville, mentionnée dans d'autres poursuites. L'adresse en question est le 2002, Worthy Down, Graeme Hall, Christ Church, Barbados.

À quel genre d'immeuble correspond cette adresse? S'agit-il d'un édifice de bureau du quartier d'affaires? Non, le 2002, Worthy Down est situé dans un quartier résidentiel modeste de la Barbade, loin du centre-ville.

Selon les photos qu'un ancien client de Sebastien Mecca a fait prendre de l'endroit, le 2002 Worthy Down est ni plus ni moins qu'un très modeste plain-pied, qu'il qualifie de «siège d'affaires douteux» dans sa poursuite (10).

Acamex, l'antenne de Laval

Par ailleurs, les diverses poursuites nous permettent d'en savoir plus sur la circulation des fonds vers la Barbade.

L'argent des investisseurs aboutissait rue Worthy Down dans deux entités, essentiellement: Crystal Ontrack Trust pour les clients de Luc Verville et Opus Capital pour les clients de Sebastien Mecca.

Dans le cas d'Opus Capital, les fonds des investisseurs étaient recueillis par l'entremise de représentants de la région de Montréal, notamment Frank Mastrocola et Roberto Pistilli (10 et 11).

Dans un témoignage déposé en Cour, Roberto Pistilli explique qu'il offrait à ses clients d'injecter de l'argent dans Opus en retour de forts taux d'intérêt, dans un contexte de minimisation des impôts.

Avant d'être transférés à la Barbade, les fonds transitaient d'abord par les Bahamas, a-t-il expliqué.

Opus avait Sébastien Mecca comme principal dirigeant, soutient M. Pistilli, qui affirme n'avoir jamais vu ni brochures, ni prospectus, ni états financiers de Opus Capital, de la Barbade (11).

Autre renseignement intéressant: Opus avait une antenne de financement à Laval, baptisée Acamex Capital. Cette entreprise, également dirigée par Sebastien Mecca, «était, essentiellement, la division canadienne de Opus Capital», selon Roberto Pistilli.

Or, Acamex a elle aussi viré au désastre. L'entreprise de Laval a déclaré faillite en 2004, laissant une cinquantaine de petits investisseurs sur la paille.

Au total, ces investisseurs ont perdu 2,4 M$, selon les documents du syndic de faillite, qui ne font aucune mention de Luc Verville (12).

Acamex amassait des fonds pour financer des projets risqués. Les sommes recueillies de chacun des investisseurs étaient bien souvent de moins de 50 000$, selon les documents du syndic de faillite.

Or, dans un tel cas, il appert que l'entreprise aurait dû produire un prospectus, selon la Loi sur les valeurs mobilières du Québec.

«Aucun prospectus n'a été déposé auprès de la CVMQ ou de l'AMF. Nous n'avons aucun émetteur du nom d'Acamex Capital», a indiqué Frédéric Alberro, porte-parole de l'AMF.

Luc Verville n'était pas un dirigeant d'Acamex. Cependant, Acamex, Luc Verville, Sébastien Mecca et Placide Poulin avaient tous recours à un avocat fiscaliste commun pour leurs affaires respectives: Serge Racine, qui travaille dans les bureaux de Séguin Racine, à Laval.

Joint au téléphone, Serge Racine affirme n'avoir jamais aidé ces clients à placer de l'argent dans un paradis fiscal. Il nie même être au courant de tels investissements à la Barbade.

Serge Racine affirme avoir aidé Luc Verville à monter certaines structures corporatives, dont Financière Hastings. Quant à Sebastien Mecca, Serge Racine dit l'avoir conseillé en lien avec ses investissements dans Hastings Aviation, l'entreprise de Luc Verville qui a viré à la catastrophe.

«À ma connaissance, M. Mecca était aussi un prêteur et investisseur dans la société d'aviation. Il se posait des questions», a dit M. Racine, selon qui les conseils à M. Mecca ne concernaient pas la Loi sur les valeurs mobilières.

Nous avons tenté de joindre Sébastien Mecca par l'entremise de son fils et de son avocat, entre autres, mais il n'a pas rappelé. Nous avons réussi à parler à son fils, Ian Mecca, mais ce dernier a été peu loquace sur les pertes présumées (5,5 millions) des clients de son père.

Sources et références

(1) Poursuite en cours de Plarida contre Stéphane Rail et TD Securities. Défense de Stéphane Rail de février 2007, Cour supérieure, Beauce, 350-17-000 053-044.

(2) Jugement de la Cour supérieure, Longueuil, Nathalie Tardif contre Olivier Latulippe, février 2007, 505-17-002 084-053.

(3) Poursuite pendante de Hermann Cloutier contre TD Evergreen et al, Cour supérieure, Québec, 200-05-016 533-023.

(4) Proposition concordataire de Hastings Aviation, automne 2001, 500-11-016 563-013

(5) Entretien avec Pierre Morency, consultant de Luc Verville dans la proposition de Hastings Aviation, novembre 2007

(6) Relevés de compte et documents de Nathalie Tardif transmis à La Presse

(7) Poursuite de Louis-Robert Lemire contre La Financière Hastings et Crystal on Track, Montréal, 500-05-064 626-011

(8) Entretien téléphonique avec l'avocat Serge Racine, janvier 2008

(9) Poursuite en cours de Carole Pharand contre Sébastien Mecca et Frank Mastrocola, Laval, 540-22-010 062-064

(10) Poursuite pendante de Luigi et Francesca D'Alessandro contre Mecca, Mastrocola, Bridge Management Barbados et Opus Trust Barbados, Montréal, 500-17-033 631-063

(11) Interrogatoire de Roberto Pistilli, février 2005, dans le cadre d'une poursuite en cours de Carmine Petosa et al contre Roberto Pistilli et al, Montréal, 500-17-021 322-048

(12) Documents de faillite d'Acamex Capital, octobre 2004, Laval, 540-11-003 490-044

(13) Communiqué de presse de la CVMQ, 16 décembre 1999

(14) Avis de faillite de Luc Verville, 4 novembre 2003, et jugement de libération de faillite, septembre 2005, 450-11-000 220-032

(15) Actes de vente, registre des immeubles, Stanstead, Canton de Magog