La Banque Nationale est sur la sellette car elle devra préciser bientôt ses pertes liées à la crise des titres de crédit, qui pourraient approcher les 400 M$, de l'avis des analystes.

La Banque Nationale est sur la sellette car elle devra préciser bientôt ses pertes liées à la crise des titres de crédit, qui pourraient approcher les 400 M$, de l'avis des analystes.

Car après l'annonce de la Banque de Montréal (BMO), vendredi à Toronto, la plus grosse banque au Québec est désormais seule parmi les grandes banques canadiennes à ne pas avoir divulgué l'ampleur des pertes spéciales qui seront inscrites à ses prochains résultats financiers.

À l'instar des autres banques, la Nationale doit divulguer ses résultats de fin d'exercice 2007, d'ici la fin novembre.

Les autres grandes banques, ainsi que le Mouvement Desjardins, ont déjà divulgué à leurs actionnaires ou sociétaires le montant de leurs pertes spéciales liées à la dévaluation de leurs placements en titres de crédit.

Une exception: la Banque TD, qui devrait toutefois échapper à des pertes importantes, selon les analystes, car elle s'était retirée du marché des titres de dette à risque depuis plusieurs trimestres.

La dévaluation de ces titres, faut-il rappeler, découle de la crise hypothécaire aux États-Unis, qui perturbe les marchés financiers et boursiers depuis des mois.

Au Canada, la dernière banque en liste, la BMO, a révélé hier une perte spéciale de 320 millions (avant impôt) qui sera inscrite à ses prochains résultats de quatrième trimestre 2007.

De ce montant, une part de 170 millions est attribuée à divers titres de crédit, comme des produits dérivés.

Quant au papier commercial adossé à des actifs (PCAA), la BMO estime à 135 millions sa perte de dévaluation, sans préciser toutefois ce que ça représente par rapport à son actif total en PCAA.

Avec cette divulgation de la BMO, et celle de 160 millions par Desjardins jeudi, les pertes sur titres de crédit qui sont connues à ce jour parmi les principales institutions financières au Canada frôlent les 1,8 milliard de dollars.

Mais la Banque Nationale manque encore à ce tableau, ce qui inquiète manifestement ses actionnaires depuis des semaines.

La valeur boursière de la Nationale a encore glissé de 0,5% hier à la Bourse de Toronto, gonflant à 15% sa dépréciation boursière depuis le mois d'août.

Ce qui préoccupe chez la Nationale, ce sont les deux milliards qu'elle a déjà déclarés en PCAA non bancaire, et qui font partie du marché pancanadien de 33 milliards de ces titres qui sont figés depuis la mi-août.

Il s'agit de l'énorme lot de PCAA non-bancaire qui touche aussi la Caisse de dépôt et placement, et qu'un comité spécial de restructuration tente de démêler depuis trois mois.

Pour le moment, ce comité dirigé par l'avocat et homme d'affaires torontois Purdy Crawford promet une solution pour la mi-décembre, après un premier délai.

Entre temps, la valeur marchande de ce papier commercial non-bancaire demeure une intrigue dans les milieux financiers canadiens.

Une «mini-Bourse» alternative lancée à cet effet cette semaine par Perimeter Financial, de Toronto, n'a pas encore produit d'indice probant.

L'écart entre les quelques prix d'offre et de demande pour certains titres de PCAA - de 30 à 40 cents par dollar de valeur nominale - demeure trop grand pour mener à des transactions.

Dans ce contexte, l'évaluation des pertes de la Banque Nationale suscite maintes spéculations. Ces derniers jours, des analystes bancaires sur Bay Street ont estimé des sommes avoisinant les 350 à 400 millions.

Pour sa part, une firme torontoise de recherche comptable, Accountability Research Corp. (A.R.C.), estime que les pertes spéciales de la Nationale pourraient approcher les 500 millions.

Dans un rapport consulté par La Presse Affaires, les analystes Mark et Al Rosen de A.R.C. parviennent à un tel montant en appliquant une dévaluation de 25% du PCAA non bancaire.

C'est une dévaluation plus forte que celle utilisée à ce jour par les entreprises ayant divulgué des pertes avec ces titres de dette.

Mais selon les analystes chez A.R.C., elle serait plus conforme aux règles comptables qui s'appliquent pour des actifs financiers dont la valeur marchande est inconnue, faute de transactions.

Aussi, selon Mark et Al Rosen, plusieurs entreprises non-financières qui ont comptabilisé des pertes encore limitées avec leur PCAA non bancaire devront sans doute s'amender à la hausse en préparation de leurs prochains résultats trimestriels ou de fins d'exercice 2007.

Parmi les entreprises qui détiennent du PCAA non bancaire, le rapport d'A.R.C. mentionne les québécoises Transat AT (154 millions), Groupe Jean Coutu (35,7 millions) et le détaillant BMTC (Brault & Martineau) (6 millions).

Le transporteur Air Canada, dirigé de Montréal, et sa filiale régionale Jazz en ont aussi pour 42 millions, mais ils ont déjà estimé une dépréciation de 5,6 millions.