Le monde de l'aéronautique a changé. Si les "donneurs d'ordre" que sont les Bombardier et autres grands acteurs installés au Québec ont déjà noué des liens d'affaires directs avec les PME, ils préfèrent maintenant confier des commandes à des intégrateurs.

Le monde de l'aéronautique a changé. Si les "donneurs d'ordre" que sont les Bombardier et autres grands acteurs installés au Québec ont déjà noué des liens d'affaires directs avec les PME, ils préfèrent maintenant confier des commandes à des intégrateurs.

Ces intégrateurs acceptent les demandes des grands fabricants et assemblent une partie des produits. Ils laissent souvent l'assemblage final de composantes et de pièces de l'appareil à la compagnie qui vendra ses avions aux transporteurs aériens.

De cette façon, les donneurs d'ordre économisent temps et démarches au quotidien auprès de centaines d'entreprises, sans oublier de l'argent. Au lieu d'avoir des milliers de fournisseurs pour un seul projet, elles peuvent se limiter à environ 500 partenaires.

"C'est clair que les Bombardier, Pratt & Whitney, Boeing et Lockheed-Martin veulent réduire la base des fournisseurs", constate Gilles Labbé, président et chef de la direction d'Héroux-Devtek. Sa compagnie effectue de l'intégration en plus de la fabrication de pièces.

"Elles demandent à des gens comme nous de prendre plus de responsabilités: de faire livrer des pièces et de fournir des services intégrés, ajoute le dirigeant. Ça peut prendre différentes formes: des pièces, des kits déjà assemblés ou des ensembles complets. Ça peut comprendre la conception et le développement."

L'industrie a dû apprendre à mieux regrouper son travail et à créer des intermédiaires.

"Si un fournisseur fait une petite pièce pour le train d'atterrissage, précise pour sa part Sue Dabrowski, directrice générale de l'Association québécoise de l'aérospatiale. C'est un intégrateur comme Héroux-Devtek qui en fera l'achat."

Selon M. Labbé, il est tout à fait normal pour un géant de gérer ses affaires ainsi.

"Mettez-vous dans leurs souliers, suggère le PDG. Ils recherchent des compagnies pouvant leur livrer la marchandise. Au-delà de savoir fabriquer une pièce, il faut savoir livrer un équipement complet."

Pour un constructeur aéronautique, il s'agit aussi de sécuriser son approvisionnement afin de pouvoir garantir aux clients des livraisons ponctuelles. La fiabilité se trouve donc parmi les grandes priorités.

"Pour le fabricant, c'est un grand risque de faire affaire avec vous si vous n'êtes pas habitué à faire un tel travail, soutient Gilles Labbé. Leur métier est de concevoir des avions et de les assembler, et nous, notre survie passe par la réponse aux besoins de ces clients-là."

Un changement important

Devant cette réalité, les PME doivent s'adapter afin de ne pas céder du terrain. Surtout en sachant que les intégrateurs peuvent se tourner vers n'importe qui dans le monde pour acheter leurs équipements.

Le secteur se mondialisant, les constructeurs regardent de plus en plus ailleurs pour voir si la pelouse y est plus verte.

"Les PME se sont formées autour des quatre donneurs d'ordre, raconte Sue Dabrowski. Avec Bombardier et les autres qui s'en vont ailleurs comme au Mexique, les PME perdent des contrats."

Il faut donc réagir vite et le besoin se fait déjà sentir.

"Le Québec manque d'intégrateurs, affirme Mme Dabrowski. Nous en avons seulement une douzaine. Nous allons donc à l'extérieur du pays pour trouver des partenariats. Le Québec est une porte d'entrée sur le continent."

Mais une PME peut-elle se convertir en intégrateur facilement? Par exemple, des compagnies comme Alta Précision ont uni leurs forces dans JSR2 Aérospatiale afin d'y arriver.

"C'est possible, répond M. Labbé. Mais ça demande des efforts. Héroux, il y a 20 ans, était vraiment un sous-traitant et fabricant de pièces. Aujourd'hui, nous faisons de tout. Il y a plusieurs éléments requis. Ça prend du savoir-faire. L'argent n'est pas le seul facteur important."

Évidemment, il faut au moins pouvoir investir et trouver du financement afin de lancer les activités et prendre sa place.

"Après cela, ajoute M. Labbé, il faut produire à un coût concurrentiel. Si le dollar canadien prend beaucoup de vigueur, des sociétés américaines deviennent plus concurrentielles, et n'oublions pas que des pays comme la Chine et le Mexique émergent."

Si le monde québécois des petites entreprises a déjà été alerté, certains dirigeants ont l'impression de pouvoir s'en sortir sans bouleversements.

"Quelques-uns ne croient pas encore être affectés, affirme Sue Dabrowski. D'autres sont visionnaires. Certaines PME cherchent des partenaires. L'AQA veut créer des occasions et éduquer les gens d'affaires sur ces possibilités."