L'année 2012, c'est loin, dit Nur Masripatin. Benoît Bosquet est bien d'accord.

L'année 2012, c'est loin, dit Nur Masripatin. Benoît Bosquet est bien d'accord.

L'homme travaille pour la Banque mondiale, un organisme qui a profité de la conférence de Bali pour lancer sa propre lutte contre la déforestation.

«La chose qui m'inquiète, c'est que l'on accouche d'un cadre de travail si compliqué qu'il ne se concrétise jamais», a-t-il dit à La Presse Affaires en parlant des négociations de l'ONU.

D'où l'idée de les devancer. D'ici le printemps, la Banque mondiale choisira une vingtaine de pays en voie de développement prêts à mettre la pédale douce avec leurs scies mécaniques en échange d'un peu d'argent.

Elle consacrera 100 millions US pour les aider à élaborer un plan de match contre la déforestation et monter un système capable de mesurer la progression du couvert forestier et les émissions de carbone.

Cinq pays seront ensuite choisis pour la deuxième étape: monter un mécanisme financier capable de vendre le carbone ainsi sauvé sur le marché. La Banque mondiale veut y consacrer 200 millions US, mais ce ne sera que «la pointe de l'iceberg», dit Benoît Bosquet.

«On ne sauvera pas les forêts du monde avec 200 millions de dollars, lance-t-il. Cet investissement se veut un catalyseur pour attirer le secteur privé dans l'aventure. Et il se montre très intéressé.»

Les entreprises qui achètent des crédits de carbone de façon volontaire existent déjà. La Bourse du climat de Chicago fonctionne ainsi.

«Il nous reste beaucoup à apprendre et nous allons certainement faire des erreurs. Mais nous allons apprendre et corriger le tir. Il faut aller de l'avant», dit M. Bosquet

«Ce marché va se mettre en place avant celui de l'ONU, croit Nur Masripatin. Mais il faut réaliser que ce sera un marché volontaire. Ce sera plus petit et les prix seront plus bas.»

Son message est le suivant: l'Indonésie a admis ses problèmes de déforestation au risque de nuire à son industrie forestière et de l'huile de palme. Aujourd'hui, elle a besoin de la communauté internationale pour sauver ses forêts.

«Ce qu'on essaie de faire, c'est de continuer notre développement économique, mais de façon durable pour l'environnement. C'est un grand défi pour un pays en voie de développement. Et pour réussir, nous allons avoir besoin de support extérieur.»

De Bali à BornéoUn autre homme a suivi de près les initiatives des Nations unies et de la Banque Mondiale à Bali. Marcel Silvius.

M. Silvius est un spécialiste de l'écologie tropicale pour Wetlands International, une ONG qui travaille à protéger les milieux humides de la planète.

L'organisation gère un projet de restauration à Kalimantan, la partie indonésienne de l'île de Bornéo.

En construisant des barrages qui ramènent l'eau dans des tourbières asséchées, son organisation affirme avoir déjà empêché l'émission de quatre millions de tonnes de CO2 dans l'atmosphère.

M. Silvius veut maintenant vendre ce carbone. En démontrant que la restauration est rentable, il espère provoquer un effet boule de neige. Des mécanismes comme ceux discutés à Bali l'aideraient grandement.

«Si la Banque Mondiale inclut les tourbières dans son mécanisme, nos projets vont devenir plus crédibles. Nous pourrons profiter des processus de vérification qu'elle mettra en place. Il y aurait plus de supervision et de transparence, ce qui amènerait de plus gros investisseurs», dit M. Silvius.

Mais l'idéal serait encore de voir un éventuel protocole de Kyoto 2 cautionner les projets de restauration et de conservation.

«Si vous obtenez une accréditation officielle des Nations unies, vos produits deviennent soudainement intéressants pour une large gamme d'investisseurs, souligne M. Silvius. Et vous ne parlez plus de marché volontaire: vous parlez de pays qui doivent réduire leurs émissions. Et ça, ça veut dire un prix à la tonne beaucoup plus élevé.»