Réputés pour conduire leurs affaires dans l'ombre, les fonds d'investissements privés sont désormais sous les projecteurs en Grande-Bretagne. Faisant l'objet de trois «enquêtes» simultanées, ces fonds, qui multiplient les rachats d'entreprises, tentent de se défaire de l'image de requins de la finance qui leur colle au portefeuille.

Réputés pour conduire leurs affaires dans l'ombre, les fonds d'investissements privés sont désormais sous les projecteurs en Grande-Bretagne. Faisant l'objet de trois «enquêtes» simultanées, ces fonds, qui multiplient les rachats d'entreprises, tentent de se défaire de l'image de requins de la finance qui leur colle au portefeuille.

L'industrie a elle-même entrepris une consultation pour s'autoréglementer tandis que le ministère des Finances britannique scrute ses activités. Quant au Comité du Conseil du Trésor, composé de parlementaires, il a entrepris une enquête publique sur le sujet.

Pourquoi toutes ces investigations? «C'est simple, les rachats sont devenus de plus en plus importants ces derniers temps, explique le député libéral démocrate Colin Breed, qui siège sur le Comité du Conseil du Trésor. Les transactions ont impliqué de grosses entreprises bien connues.»

Vrai que les fonds d'investissements privés (private equity funds) ont réalisé de spectaculaires prises de contrôle ces derniers temps en Grande-Bretagne. Un exemple? Les pharmacies Boots ont été rachetées par KKR (Kohlberg Kravis Roberts) pour plus de 24 milliards US plus tôt cet année.

Plus les fonds se montrent actifs, plus ils attirent l'attention sur leurs méthodes. En gros, on leur reproche de ne pas payer de taxe ou presque, de plomber de dettes les entreprises qu'ils achètent, de manquer de transparence et de traiter les employés comme du bétail.

La recette des fonds d'investissements privés est relativement simple. Ils empruntent de fortes sommes pour acheter des entreprises généralement cotées en Bourse. Ils les retirent ensuite du marché et leur prescrivent un remède de cheval afin de les rendre plus productives.

De deux à cinq ans plus tard, ils revendent généralement ces entreprises à profit. Et comme ces profits sont considérés comme des gains en capital, ils ne paient pratiquement pas d'impôts en Grande-Bretagne (environ 10%).

La question de la taxation est sans doute la plus controversée. Certains dirigeants de fonds d'investissements privés reconnaissent d'ailleurs que le système de taxation est inéquitable.

Le directeur de SVG Capital, Nick Ferguson, a même admis que certains directeurs de fonds richissimes paient moins d'impôts que leurs femmes de ménage.

Ce constat est de plus en plus répandu en Grande-Bretagne. Le député Colin Breed, comme la plupart des membres du Comité du Conseil du Trésor, argue d'ailleurs que «le système de taxation doit changer».

Évidemment, cette idée ne sourit guère aux firmes d'investissements privés. Lors de sa comparution devant le comité parlementaire le 20 juin dernier, Philip Yea, directeur exécutif du groupe 3i, a soutenu qu'il y a un risque que sa firme et d'autres s'envolent vers d'autres cieux si le gouvernement taxe davantage leurs profits.

Les syndicats sont sans doute les critiques les plus virulents des fonds d'investissements privés. "Ils prennent avantage des faiblesses des lois sur le travail, d'un régime de taxe mou et de l'absence d'obligation de transparence", soutient Andrew Dodgshon, porte-parole du syndicat T&G.

Évoquant notamment le rachat d'Automobile Association par la firme Permira - et le licenciement d'un tiers de ses 10 000 employés -, les syndicats souhaitent que des mesures soient mises en place pour protéger les travailleurs.

Eli Talmor, qui est à la tête du Private Equity Institute de la London Business School, réfute l'idée que les fonds de rachat traitent les employés comme du bétail.

Comme les dirigeants de fonds d'investissements privés, il pense que ces derniers font un travail «pénible mais nécessaire» pour assurer la compétitivité des entreprises qu'ils achètent.

«Bien sûr, à court terme, les fonds d'investissements privés mettent en place de nouvelles structures et peuvent avoir à couper des emplois, souligne-t-il. Mais sur le long terme, c'est positif pour l'entreprise et les employés. C'est comme dans un hôpital: c'est sûr qu'il va y avoir du sang, mais c'est pour sauver des vies.»

Les différents comités qui étudient la question des fonds d'investissements privés arriveront-ils à la même conclusion? On le saura à l'automne, lorsqu'ils auront complété leurs travaux.