Puisqu'ils ne profitent pas de la montée fulgurante de leur devise chez eux, les consommateurs canadiens pourraient être tentés de retourner magasiner en masse aux États-Unis, avance un économiste.

Puisqu'ils ne profitent pas de la montée fulgurante de leur devise chez eux, les consommateurs canadiens pourraient être tentés de retourner magasiner en masse aux États-Unis, avance un économiste.

Dans une étude, l'économiste en chef adjoint de BMO Marché des capitaux, Douglas Porter, souligne que les détaillants sont très lents à ajuster leurs prix à l'appréciation de la devise.

«La montée sans précédent de 50 % du dollar canadien au cours des cinq dernières années a causé des tas de problèmes à la base manufacturière du pays, mais a suscité bien peu de joie chez le consommateur», écrit M. Porter.

«Les prix de vente au détail au Canada ont réagi à l'ascension du huard avec la vitesse et l'empressement d'un paresseux à trois orteils par une chaude journée d'été», ironise-t-il.

Pour en arriver à cette conclusion, l'économiste a converti en dollars américains les prix de certains produits vendus au pays et les a comparés aux prix en vigueur aux Etats-Unis. Conscient que les détaillants s'approvisionnent des mois à l'avance, il s'est servi de la valeur moyenne du dollar canadien depuis le début de 2006, soit 88 cents US.

Ainsi, les cartes de souhaits coûtent environ 20 % plus cher au Canada, la Honda Accord 14 % de plus et le BlackBerry 8100, 10 % de plus. Les livres en anglais sont aussi très touchés par les écarts défavorables: le prochain Harry Potter se vendra 13 % de plus au Canada qu'au sud de la frontière.

Un café chez Tim Hortons et un Big Mac sont toutefois moins chers ici (respectivement 8 % et 1 % de moins qu'aux États-Unis). Dans le cas des chansons vendues sur le site iTunes d'Apple, l'escompte est encore plus important: 12 % de moins (99 cents par chanson dans les deux devises).

Forte inflation

Selon M. Porter, des prix aussi peu coordonnés au taux de change maintiennent l'inflation à un niveau artificiellement élevé, ce qui impose une pression à la hausse aux taux d'intérêt.

En fait, en excluant les variations attribuables aux fluctuations des prix des produits les plus volatils, le Canada a actuellement le taux d'inflation de base le plus élevé au monde (2,5 %).

«Cela ne devrait pas être le cas», estime Douglas Porter.

«Si les prix à la consommation avaient réagi juste un peu plus fidèlement à la montée rapide du huard, l'inflation de base serait beaucoup plus près de la cible de 2 % fixée par la Banque du Canada», ajoute-t-il.

Par conséquent, l'économiste se demande si les Canadiens n'afflueront pas aux Etats-Unis sous peu.

«Ce pourrait n'être qu'une question de temps avant que la frénésie de magasinage transfrontalière ne réapparaisse», note-t-il, en faisant remarquer que le montant maximal des achats exemptés de douane est récemment passé de 200 à 400 $ pour les séjours de plus de 48 heures.

Il reste à voir si les consommateurs seront prêts à attendre de longues minutes à la frontière, voire des heures, pour économiser quelques dollars.

D'autres facteurs

Les manufacturiers et les détaillants soulignent que les prix de vente au détail ne sont pas déterminés que par les taux de change. Les conditions économiques régionales, les coûts plus élevés de la main d'oeuvre au Canada et la compétitivité dans les différents marchés jouent aussi un rôle.

Dans certains cas, l'écart a été favorable aux consommateurs canadiens. Ainsi, l'essence aurait été environ 4,4 cents plus cher en 2006 n'eût été de l'appréciation du dollar canadien, selon le ministère ontarien de l'Energie.

Pour ce qui est des automobiles, les Canadiens profiteraient actuellement de rabais spéciaux plus importants que les Américains, ce qui réduirait l'écart réel entre les deux pays, indique un analyste du secteur, Dennis DesRosiers.

Douglas Porter est le premier à admettre que les Canadiens ont eu droit à des aubaines lorsque le huard ne valait que 62 cents, au début 2002. Les prix avaient alors monté moins que prévu, et ce sont les profits des sociétés qui avaient chuté.