Les dirigeants déchus de Norshield devront non seulement se défendre devant les autorités en valeurs mobilières, mais également contre la police.

Les dirigeants déchus de Norshield devront non seulement se défendre devant les autorités en valeurs mobilières, mais également contre la police.

Au terme d'une longue enquête, la firme comptable RSM Richter a conclu que les possibilités de fraude et de manoeuvres injustifiées étaient suffisamment grandes pour que le dossier soit transmis à la police.

«Les dirigeants des entreprises Norshield, Olympus Univest et Mosaic ont tenté de camoufler la dilapidation des fonds des investisseurs», est-il écrit dans le rapport de RSM Richter, écrit par Raymond Massi.

Pour y parvenir, explique M. Massi, les dirigeants «ont gonflé artificiellement non seulement la valeur des actifs, mais la valeur des parts présentée aux investisseurs».

Mercredi, à Toronto, le juge Colin Campbell, de la Cour supérieure de justice de l'Ontario, a accepté que le séquestre Richter transmette tous les documents pertinents aux autorités policières et réglementaires du Canada, des Bahamas et de la Barbade.

Seule exception: la transcription des interrogatoires réalisés par Richter (ceux de John Xanthoudakis et Dale Smith, entre autres).

À ce jour, Richter ne pouvait transmettre aucun document aux autorités policières. Le séquestre devait se concentrer sur son rôle de récupération des fonds pour les investisseurs.

Les investisseurs réclament 512 millions de dollars de Norshield et Olympus, des entreprises inter-reliées. Quelque 144 millions sont demandés par 1900 particuliers, la plupart ontariens. Richter estime que ces particuliers récupéreront entre 6 et 9 % de leur investissement.

Les investisseurs institutionnels (204 millions), principalement du Québec, et les autres réclamants (164 millions) ne devraient pas obtenir plus de 2,6 % de leur investissement. Parmi les institutionnels, on compte les caisses de retraite des employés des villes de Sherbrooke, Laval et Saguenay.

RSM Richter conclut que l'argent des particuliers n'a été investi qu'en partie entre 2001 et 2005. De fait, 125 des 265 millions collectés (47 %) ont plutôt servi à rembourser les investisseurs qui quittaient le bateau. En 2003, 2004 et 2005, cette part servant de remboursement a atteint 61 %, 78 % et 100 %, respectivement.

La structure d'investissement de Norshield avait toute les apparences d'une organisation gérée par des professionnels, dont chacune des entités était indépendantes des autres, écrit M. Massi. En réalité, John Xanthoudakis «avait de facto le contrôle des décisions d'investissement» de toutes les entreprises, nommément Norshield, Olympus, Mosaic et Channel.

Versements inexpliqués

Les fonds étaient dilapidés parce que les parts de certains investisseurs de la première heure étaient rachetées à des montants plus élevés que leur valeur réelle. La dilapidation vient également de versements inexpliqués à des tiers et par le coût élevé de la structure d'investissement elle-même, écrit Richter.

Pour camoufler cette dilapidation, les dirigeants ont gonflé artificiellement certaines valeurs. La surestimation a même atteint 300 millions de dollars en 2003, dernière année pour laquelle des états financiers sont disponibles.

Par exemple, par une mécanique astucieuse, la valeur d'une même entreprise était comptée deux fois dans les livres de l'entité Channel.

Autre astuce: une certaine entreprise, Emerald Key Management, est mystérieusement apparue dans les livres de Channel à une valeur de 40,2 millions US en septembre 2002. En juillet 2003, cet intérêt dans Emerald a été revendu 148 millions US, puis le même jour, 225 millions US. En somme, la valeur dans Emerald a augmenté de 460 % en quelques mois.

«Aucune explication satisfaisante ou justification n'ont été fournies au séquestre pour cet accroissement significatif de valeur», écrit Raymond Massi dans son rapport.

Entre 2001 et 2005, quelque 217 millions US ont été versés à des tiers étroitement liés à John Xanthoudakis ou à Norshield. Une bonne part de cet argent (79 millions US) a été acheminée à l'entreprise Comprehensive Investor Services. Dans un précédent témoignage, cette firme avait été décrite comme un outil expressément créé pour aider de riches particuliers à faire fructifier leur argent à l'abri du fisc.

RSM Richter précise ne pas avoir de preuves que cet argent versé à des tiers ait pu bénéficier personnellement à John Xanthoudakis ni à Dale Smith.

Joint au téléphone, l'avocat de John Xanthoudakis, Me Alistair Crawley, a dit être en désaccord avec les conclusions du rapport, que son client contestera vigoureusement. «Rien n'a été prouvé en Cour», rappelle-t-il.

Par ailleurs, l'avocat des 1900 particuliers envisage de poursuivre John Xanthoudakis, Dale Smith et d'autres dirigeants, en supposant qu'on y trouve un «bénéfice économique», indique le rapport. Les motifs envisagés de la poursuite: avoir rompu leur rôle de fiduciaire des fonds et permis la dilapidation des fonds.