L'usine ferme. «Vendredi prochain», a confié Henri, à la mi-mars.

L'usine ferme. «Vendredi prochain», a confié Henri, à la mi-mars.

En mai, le technicien aurait complété 30 ans de travail dans la même entreprise. C'est encore insuffisant. «Je n'ai pas atteint l'âge de la retraite, qu'ils ont ramené à 53 ans.» Il en a 51. «Il me reste à regarder l'avenir différemment.»

Henri touchait un salaire de 65 000$. Le licenciement lui vaut une indemnité de départ d'environ 50 000$, dont les paiements sont répartis sur 45 semaines. S'y ajoutent cinq semaines de vacances. «Ensuite, l'assurance emploi, si...»

Le régime de retraite d'Henri, à prestations déterminées, lui procurerait à 65 ans une rente annuelle d'environ 30 000$. Ce régime aurait une valeur de près de 200 000$ s'il était plutôt transformé en compte de retraite immobilisé (CRI). Henri a en outre dans un compte REER 98 000$.

Âgée de 50 ans, sa conjointe Carole est infirmière et touche un salaire de 60 000$. Elle atteindra la pleine retraite à 57 ans. Elle a accumulé 170 000$ en REER.

Le couple possède une maison évaluée à 150 000$, achetée 50 000$ en 1981. Avec leur maison, le régime de retraite d'Henri transformé en CRI et la valeur de rachat de leurs assurances vie (50 000$), le couple possède présentement un patrimoine de quelque 670 000$.

Ils ont deux enfants au début de la vingtaine, qui habitent toujours avec eux.

Tels sont les fruits de 30 ans de travail en région.

Trois scénarios... et demi

De concert avec Henri, le planificateur financier, du Groupe Investors, Gaétan Veillette, a tracé trois scénarios.

Dans le premier, Henri prendrait sa retraite définitive au terme des versements de son indemnité de départ et de ses prestations d'assurance emploi, prévu vers février 2010. Il aurait alors 53 ans.

Dans le deuxième, il réussirait à dénicher un emploi en juillet prochain, pour un salaire de 50 000$. Il le conserverait jusqu'à 58 ans, pour prendre sa retraite en même temps que Carole, à moins qu'il l'aime suffisamment (l'emploi) pour travailler encore jusqu'à 62 ans.

Selon une troisième hypothèse, Henri partirait en juillet 2008 pour travailler trois ans en Alberta, avec un revenu annuel estimé à 75 000$.

Henri et Carole aimeraient maintenir un train de vie de 50 000$. Selon les différents scénarios, qu'advient-il alors de leur patrimoine?

Des paramètres

Pour le vérifier, Gaétan Veillette, avec la collaboration de son collègue Nicolas Castonguay, a fixé les paramètres d'une espérance de vie de 90 ans, d'une inflation annuelle de 2,5%, et de rendements moyens de 7% sur les fonds communs, 8% sur les actions et 5% sur les fonds de travailleurs.

Sans surprise, le scénario le moins avantageux est celui où Henri prend sa retraite à 53 ans, sans avoir occupé d'autre emploi.

La surprise, c'est qu'au moment où Carole aborde la retraite, en 2014, le patrimoine du couple a quand même crû à 970 000$. Après avoir atteint un sommet de 1,4 million à 73 ans, il est encore à 1,2 million à 90 ans.

Sans plus de surprise, le scénario le plus favorable est celui qui fait travailler Henri le plus longtemps, soit jusqu'à 62 ans. Cette fois, le patrimoine atteint un sommet de 1,9 million à 73 ans, et est ramené à 1,5 million à 90 ans.

En matière d'actifs conservés à 90 ans, le scénario albertain se compare au travail jusqu'à 58 ans au Québec, avec un solde de 1,3 million à 90 ans.

«Règle générale, dans chaque scénario, le patrimoine croît jusqu'à ce que Henri ait 73 ans, puis décroît ensuite», observe Gaétan Veillette.

Avant que les tomates ne commencent à voler, rappelons que cet impressionnant patrimoine - maison incluse - aura été réuni par un couple moyen, formé d'un technicien et d'une infirmière qui auront travaillé plus de 30 ans en élevant deux enfants.

Bref, c'est le résultat d'une épargne régulière et de régimes de retraite généreux. Fermons la parenthèse.

Henri a demandé qu'une projection soit effectuée avec des rendements plus pessimistes de 3% sur les fonds de travailleurs, 5% sur les fonds communs et 6% sur les actions.

Dans le scénario d'une retraite à 58 ans, le patrimoine aurait atteint 846 000$ à 90 ans, plutôt que 1,4 million avec des investissements moins conservateurs.

«Une politique de placement trop conservatrice comporte un coût d'opportunité important, rappelle Gaétan Veillette. Une politique trop dynamique fait courir d'autres formes de risques.»

Une autre façon d'aborder le problème: en supposant que leurs actifs s'épuisent totalement à 90 ans, quel train de vie les deux conjoints peuvent-ils soutenir? Dans le scénario d'une retraite à 53 ans, le coût de vie peut être maintenu à 66 700$.

Pour un emploi à 50 000$ par année suivi d'une retraite à 58 ans, ce train de vie grimpe à 74 300$. Si ce travail s'étire jusqu'à 62 ans, le coût de vie peut atteindre 79 000$.

Et enfin, dans le cas d'une retraite à 54 ans après trois ans de labeur et d'exil en Alberta, le couple peut soutenir le rythme fort respectable de 71 700$ de dépenses annuelles.

En somme, Henri n'a pas à s'inquiéter, quel que soit le scénario, si le train de vie du ménage est bel et bien maintenu à 50 000$ par année. «Après la retraite d'Henri, une réévaluation du coût de vie serait appropriée», conseille Gaétan Veillette.

Même dans le cas d'une perte d'emploi à 51 ans, une trentaine d'années bien rémunérées chez le même employeur et une épargne consciencieuse prémunissent contre la malchance.

LA SITUATION

Henri, technicien âgé de 51 ans, perd son emploi à la suite de la fermeture de son usine. Il y travaillait depuis bientôt 30 ans. Selon qu'il réussisse à se trouver un emploi moins rémunéré ou qu'il soit forcé à la retraite, comment se présentent ses vieux jours ?

LES PARAMÈTRES

Henri, 51 ans

Revenu avant perte d'emploi : 65 000$

REER: 98 000$

Valeur de son régime de retraite: 200 000$

Carole, 50 ans

Revenu: 60 000$

REER: 170 000$

Régime de retraite à prestations déterminées

Maison: valeur de 150 000$, libre d'hypothèque.

La réponse de Gaétan Veillette, administrateur agréé et planificateur financier au Groupe Investors

Qu'Henri occupe un nouvel emploi jusqu'à 62 ans ou qu'il prenne une retraite forcée à 53 ans au terme de ses prestations d'assurance emploi, le couple est en mesure de maintenir un coût de vie de 50 000$ par année jusqu'à 90 ans, comme il l'espère.

Pour cette analyse, il a obtenu la collaboration de Nicolas Castonguay, B.A.A., Groupe Investors.

«Ça illustre le fait que les gens qui contribuent au maximum à leur REER aboutissent à la retraite avec un niveau de vie enviable.»