Quelle sera la décision du CRTC?

Quelle sera la décision du CRTC?

Pierre Trudel: C'est déjà rare que le CRTC refuse un transfert de licence quand ça va bien, c'est encore plus rare quand ça va mal. Compte tenu du contexte de TQS, le CRTC provoquerait en pratique la fermeture du réseau s'il refusait d'accorder la licence à Remstar.

Charles Moumouni: Les pouvoirs du CRTC sont assez larges, mais il doit aussi être réaliste. Abolir le service de nouvelles aiderait énormément au redressement de TQS.

Pierre Bélanger: Le CRTC est coincé. S'il n'accepte pas l'offre de Remstar ou s'il pose des conditions trop sévères, Remstar va se retirer. Le CRTC doit aussi prendre cette décision dans un nouveau contexte technologique. Avec l'internet, les gens n'ont jamais eu accès à autant de sources d'information. Tu peux écouter les nouvelles du monde entier. Le CRTC doit permettre à TQS d'essayer quelque chose de nouveau.

Quelles conditions le CRTC pourrait-il imposer à Remstar?

P.T.: Pour donner l'impression que tout le monde y trouve son compte, le CRTC pourrait proposer une série de conditions, notamment en matière d'information régionale. Les audiences publiques deviennent alors des quasi-négociations.

C. M: Le CRTC risque d'imposer un minimum d'information vitale en région. Est-ce que l'information à TQS a la même importance à Québec qu'à Trois-Rivières ou au Saguenay? Peut-être pas.

P. B.: Le CRTC va forcer TQS à garder ses pupitres régionaux pour interpréter les nouvelles du Saguenay, de la Beauce, des Cantons-de-l'Est. Vous n'êtes plus obligés de faire des bulletins d'information, mais vous allez expliquer à Mme Tremblay la signification des décisions du conseil municipal de Saguenay.

Comme télévision généraliste, TQS a-t-elle l'obligation légale de diffuser des bulletins d'information?

P.T.: Les deux parties ont raison. TQS a un devoir en matière d'information, mais les bulletins d'information traditionnels ne sont pas inhérents à la notion de télé généraliste. Le CRTC a déjà autorisé un réseau généraliste à reconfigurer sa programmation de façon à marginaliser ses nouvelles. À Montréal, le CRTC a aussi permis la transformation de CKAC en chaîne à vocation sportive. La seule crainte du CRTC, c'est la possibilité d'un effet domino. Si le CRTC accepte que TQS ne diffuse plus de bulletins d'information, d'autres réseaux pourront demander la même chose.

C.M.: Sur ce point, les syndicats ont raison. Mais le CRTC pourrait changer la licence et donner raison à Remstar, car les bulletins d'information ne sont pas une obligation absolue pour une télévision généraliste au Canada.

P.B.: Ce n'est pas une obligation. C'est une tradition, une contribution à la vie démocratique, une locomotive qui permettait de drainer les cotes d'écoute.

L'opposition des syndicats et des politiciens au projet de Remstar influencera-t-elle le CRTC?

P.T.: En principe, non. Cela dit, beaucoup de gens ont exprimé leur mécontentement et le CRTC ne peut pas rester insensible à ça. De façon un peu cynique, on peut presque dire qu'un organisme administratif décide d'abord ce qu'il veut faire et trouve ensuite les motifs pour justifier sa décision.

C.M.: Le CRTC prendra à la fois une décision réglementaire, financière et politique. On peut donc soupçonner que la pression populaire aura un impact. L'autre possibilité pour les opposants à Remstar, c'est de demander au gouvernement fédéral d'imposer une directive au CRTC. La ministre Josée Verner ne peut pas décider à la place du CRTC, mais elle peut lui donner une directive générale afin de protéger toutes les salles de nouvelles au Canada.

P.B.: Non. Beaucoup de gens sont contre l'offre de Remstar, mais Remstar va aussi avoir des gens en sa faveur devant le CRTC. Remstar est allé chercher des appuis des gens du milieu au cours des dernières semaines.

Quel est le meilleur argument des opposants à Remstar afin de convaincre le CRTC de ne pas autoriser la vente de TQS à Remstar?

P.T.: De montrer qu'il y a d'autres acheteurs qui peuvent faire mieux que Remstar. Ce n'est pas une démonstration facile à faire. Le processus est vicié d'avance en faveur de Remstar. Cet aspect des audiences publiques a souvent été dénoncé, mais le CRTC n'a jamais voulu changer son approche.

C.M.: Ils ont intérêt à trouver un compromis qui ne placera plus TQS en concurrence avec Radio-Canada et TVA. Il faut que TQS trouve son créneau. Présentement, le réseau ne fait pas le poids. On ne peut pas maintenir une salle de nouvelles avec seulement 8% des cotes d'écoute.

P.B.: Aucun. C'est le propre de l'entreprise privée de prendre des décisions pour qu'elle fasse des profits. Le CRTC doit considérer les lois du marché. Ou il accepte l'offre de Remstar, ou il risque de faire échouer la transaction en imposant des conditions trop exigeantes.