Quel lien y a-t-il entre le prix d'un plat de nouilles au porc et les malheurs des investisseurs chinois?

Quel lien y a-t-il entre le prix d'un plat de nouilles au porc et les malheurs des investisseurs chinois?

Réponse: l'inflation, qui fait plonger les Bourses chinoises.

«Les gens ont peur que les autorités répondent trop fermement aux pressions inflationnistes», explique Tahnoon Pasha, chef des investissements boursiers pour la canadienne Manuvie, à Hong-Kong.

Et à voir les récentes dégringolades des Bourses de Shanghai et Shenzhen, on comprend que la crainte est bien réelle.

L'indice CSI 300, qui regroupe des titres de catégorie A des deux Bourses, a reculé de 38% depuis son sommet de novembre dernier.

Cette semaine, la contraction a été de 3,3% lundi et 5,5% mardi.

Hier, le CSI 300 a encore fini la séance dans le rouge, avec un recul de 1%, alors que le reste de l'Asie était en territoire fortement positif.

Dans un pays où la hausse des prix a parfois provoqué des manifestations, les autorités chinoises ont répété cette semaine que la lutte contre l'inflation demeurait une priorité.

La hausse actuelle des prix touche surtout les aliments.

Le prix du porc, par exemple, a progressé de 63 % entre février de cette année et le même mois l'an dernier.

La hausse est tellement importante que plusieurs universités subventionnent les repas des étudiants, cette jeunesse qui peut devenir rebelle.

Zhang Lu, qui étudie à l'Université de la ville de Pékin, attend d'ailleurs ses 80 yuans de subvention (env. 12 $CAN) dans les prochains jours.

Le coût d'un repas à la cantine, explique-t-elle, est passé de 4 ou 5 yuans à 6 yuans (un peu moins de 1$CAN) ces derniers mois.

« C'est un peu cher », dit-elle, reflétant ainsi un sentiment répandu chez les gagne-petit.

En janvier, le gouvernement chinois a aussi annoncé que les hausses de prix de plusieurs produits devaient lui être soumises pour approbation 10 jours avant leur entrée en vigueur.

Des mesures qui, de toute évidence, ne suffisent pas.

Les investisseurs boursiers craignent donc que le gouvernement opte pour des moyens plus contraignants.

La banque centrale chinoise peut agir sur plusieurs fronts.

Elle peut augmenter une énième fois la proportion des dépôts bancaires que les banques doivent mettre en réserve – ce taux de réserve atteint actuellement un record de 15,5 %.

Elle peut aussi hausser les taux d'intérêt sur les dépôts pour rendre l'épargne plus attrayante ou limiter le crédit dans certains secteurs de l'économie.

« Il faut rendre les liquidités moins liquides », explique Roger Cheng, directeur général de la Banque de Montréal en Chine.

Moins d'argent dans le système permettra de réduire la pression sur les prix, espèrent les autorités.

Cela signifie aussi qu'il y aura moins d'argent pour faire monter les titres des entreprises cotées en Bourse, craignent les investisseurs.

Et peut-être aussi des profits moins grands pour les entreprises qui ne pourront pas hausser les prix à leur guise.

La banque centrale pourrait aussi laisser son yuan prendre encore plus de valeur par rapport au dollar américain.

Il a déjà grimpé de quelque 4 % depuis le début de l'année face au billet vert.

Une autre mesure qui pourrait affecter les profits des entreprises exportatrices, mais qui réduirait le coût des produits importés.

Les données du mois de février publiées par le Bureau national de la statistique indiquent que les prix à la consommation ont augmenté de 8,7 % par rapport au même mois l'an dernier.

Cette inflation est arrivée de façon soudaine : en janvier 2007, 13 mois plus tôt, la hausse des prix à la consommation était d'à peine 2,2 %.

Dans une étude publiée il y a moins d'un mois, l'économiste Jonathan Anderson, de la banque UBS, a toutefois mis des bémols à l'inquiétude ambiante.

Les prix des aliments ont toujours été plus volatiles que les autres, a-t-il souligné, estimant qu'ils devraient revenir à des niveaux normaux ce trimestre-ci.

M. Anderson a toutefois pris soin d'ajouter que les importantes tempêtes de neige de cet hiver allaient peut-être affecter les prochaines récoltes.

Auquel cas, les Chinois devront passer 2008 avec des aliments encore plus chers.

Pour ce qui est de la Bourse, M. Pasha, de Manuvie, regarde les récents résultats des entreprises et les trouve conformes aux attentes.

Est-ce donc la fin de la déconfiture en Bourse ?

Il n'ose pas se prononcer.

Mais il ajoute : « Le ratio entre le risque et les gains potentiels est pas mal meilleur maintenant. »