Le géant de l'alimentation torontois Maple Leaf (T.MFI) aurait pu mieux gérer la crise provoquée par la présence de listériose dans ses charcuteries, estiment des experts en gestion de crise consultés par La Presse Affaires.

Le géant de l'alimentation torontois Maple Leaf [[|ticker sym='T.MFI'|]] aurait pu mieux gérer la crise provoquée par la présence de listériose dans ses charcuteries, estiment des experts en gestion de crise consultés par La Presse Affaires.

Une des règles de base quand survient un cas de contamination est de réagir rapidement, ce que n'a fait qu'en partie Maple Leaf dans cette affaire, croit Richard Thibault, spécialiste des communications.

«Sauf erreur, c'est l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) qui a sorti la nouvelle de la contamination à la listériose. L'ACIA a un point, Maple Leaf zéro, puisque la meilleure façon de gérer une crise, c'est d'agir, pas de réagir. Dans ce cas-ci, la compagnie n'a pas été tellement proactive», affirme-t-il.

Pour le spécialiste, la crise actuelle est «extrêmement préoccupante» et pourrait bien faire boule de neige étant donné le fait que l'infection à la listériose peut apparaître seulement au bout de plusieurs jours : «On peut se demander combien de gens seront finalement infectés. Que dois-je faire si je pense avoir mangé des produits Maple Leaf contaminés dans les derniers jours? Nulle part je n'ai trouvé cette information. Je suis laissé à moi-même.»

Titulaire de la Chaire de relations publiques et communication marketing de l'UQAM, Bernard Motulsky questionne, lui, la décision du PDG de Maple Leaf, Michael McCain, d'apparaître dès les premiers jours de la crise : «On a ici ce qui semble devenir une crise dans la crise. Habituellement, on essaie de préserver le plus haut dirigeant le plus longtemps possible parce qu'après lui, il n'y a plus personne pour intervenir.»

«Une fois que le PDG est apparu devant les médias, il est brûlé s'il y a d'autres problèmes», confirme Claude Jean Devirieux, consultant indépendant pour des firmes comme Cogeco et L'Oréal Canada.

Carole Lalonde, professeure au département de management de l'Université Laval, déplore la lenteur du rappel élargi annoncé dimanche soir. «La perte potentielle de produits sains est moins grave que la vente de produits contaminés. Ils auraient pu être plus rapides pour annoncer ce rappel», remarque-t-elle. Mme Lalonde critique aussi la faible présence des dirigeants de Maple Leaf sur la place publique: «Ça fait plusieurs jours que la crise perdure et on les voit peu. »

De bons points

Malgré ces lacunes, d'autres aspects dans la façon dont Maple Leaf gère la crise recueillent l'appui des spécialistes qui, dans l'ensemble, accordent la note de passage à l'entreprise.

«Ils ont reconnu dès le départ qu'il y avait un problème. Ça coûte nettement moins cher de faire ça que d'essayer de glisser le problème sous le tapis», affirme Jacques Nantel, professeur de marketing à HEC Montréal.

M. Nantel, qui juge très bonne la réaction de Maple Leaf, donne en contre-exemple le cas du fabricant canadien de thon StarKist, qui avait dû renoncer à commercialiser cette marque au pays à la suite d'un scandale de thon avarié qu'il s'était entêté à nier. «Ils n'avaient plus aucune crédibilité à la fin», rappelle M. Nantel.

«Il vaut mieux perdre son argent que perdre sa réputation. La réputation est l'un des actifs les plus précieux d'une entreprise, au même titre que les locaux, la machinerie et la main-d'oeuvre qualifiée», fait remarquer M. Devirieux.

Ce dernier salue la décision de Maple Leaf de reconnaître sa responsabilité dès le début, même si l'entreprise s'expose ainsi à des poursuites: «On peut gagner un procès devant les tribunaux et le perdre devant l'opinion publique, et inversement», avance-t-il.

La plupart des experts s'entendent pour dire que la crise n'est pas terminée et pourrait bien s'amplifier dans les prochains jours : «Ils vont maintenant devoir bien encadrer les victimes, ce pour quoi les entreprises à but lucratif sont mal outillées», explique M. Thibault.

«Il existe aussi un risque de crise par amalgame. D'autres entreprises pourraient être affectées si les consommateurs décident de renoncer à toutes les charcuteries», affirme M. Derivieux.