Combien gagne le PDG? La question paraît simple. Elle le devient beaucoup moins lorsqu'on doit déchiffrer les nombreux tableaux, explications et notes en bas de page de certaines circulaires de direction pour y répondre.

Combien gagne le PDG? La question paraît simple. Elle le devient beaucoup moins lorsqu'on doit déchiffrer les nombreux tableaux, explications et notes en bas de page de certaines circulaires de direction pour y répondre.

Les actionnaires s'y retrouvent-ils dans ces documents censés les informer? La Presse Affaires a voulu le vérifier.

Nous avons remis les circulaires de deux grandes entreprises québécoises, SNC-Lavalin et la Banque Royale, à des actionnaires qui ont accepté de relever un défi: calculer le chèque de paie du patron.

Résultat de l'exercice: beaucoup de cheveux arrachés, plusieurs participants qui abandonnent en invoquant la complexité de la tâche et des évaluations qui varient du simple au triple.

«Pas évident comme calcul», a commenté Claude Dion, un actionnaire de SNC-Lavalin invité à estimer la rémunération du président et chef de la direction, Jacques Lamarre.

Il faut dire que La Presse Affaires avait pris un malin plaisir à lancer les actionnaires à l'assaut de deux des circulaires les plus complexes de notre palmarès.

Pour estimer la rémunération de M. Lamarre, par exemple, M. Dion a dû démêler le PIC (Programme d'intéressement des cadres) du RILT (Régime d'intéressement à long terme), en gardant en tête que le PAD (Programme d'actionnariat à l'intention des dirigeants) est différent du PAAD (Programme d'achat d'actions à l'intention des dirigeants).

Ah oui: il y a aussi le RAE (régime d'actionnariat à l'intention des employés) et les DPVA (droits à la plus-value des actions). Quant au RUPA (régime d'unités de participation en actions), il donne droit à des UPA (unités de participation en actions). Logique. Sauf que ces UPA peuvent être «libres» ou «de base», et exigent donc un traitement différent

Sans oublier le salaire, les options, les avantages sociaux indirects et les cases intitulées «autre rémunération»...

Pour guider les actionnaires, nous leur avions fourni les indications suivantes:

1) Comptez toute rémunération que le PDG est sûr de pouvoir toucher, peu importe sa performance future ou celle de l'entreprise.

2) Dans le doute devant une forme de rémunération, la question à se poser est la suivante: cette rémunération est-elle monnayable? Le PDG pourrait-il la toucher s'il quittait l'entreprise demain matin?

3) Ne comptez pas tout ce qui provient du régime de retraite.

En bref, avons-nous demandé aux actionnaires, si vous étiez le patron et qu'on vous demandait combien vous gagnez dans la vie, quel chiffre - un et un seul - fourniriez-vous comme réponse?

Verdict de M. Dion au sujet de la paie M. Lamarre: 2 125 491$. Même question, mais réponse radicalement différente de la part de Jacques Morin, aussi actionnaire de SNC-Lavalin. Lui évalue la rémunération du patron à 6 006 019$. Près de trois fois l'estimation de M. Dion.

Les mêmes écarts s'observent lorsqu'il s'agit d'estimer la rémunération de Gordon Nixon, à la Banque Royale. «Comme vous demandez un chiffre, je risque 27 835 808$», répond Guy Martin, qui, après avoir épluché la circulaire de direction, conclut «qu'il est évident que l'on ne tient pas à ce que l'on comprenne».

«Après vérification de la documentation que vous m'avez envoyée, je me rends compte qu'il est assez difficile de déterminer le revenu exact de M Nixon», dit aussi André Campeau, également actionnaire de la Royale.

«Je dirais cependant que 10 900 000$ représente une somme assez près de la réalité! Mais je trouve que je m'avance beaucoup», continue-t-il. Une estimation plus de deux fois et demie plus faible que celle de son collègue.

Et l'estimation de La Presse? Dans le cas de la Royale et de SNC, il a fallu lire et relire attentivement les documents et discuter avec des représentants des deux organisations. Ainsi, selon notre estimation, Jacques Lamarre a obtenu en 2007 l'équivalent de 3,6 millions de dollars en espèces et en diverses unités d'actions, auxquels s'ajoutent 6,0 millions de dollars pour les options exercées, pour un total global de 9,6 millions de dollars.

Dans le cas de la Banque Royale, La Presse estime que la rémunération globale de Gordon Nixon s'élève à 41,5 millions de dollars en 2007, ce qui inclut l'équivalent de 29 millions de dollars d'options exercées.

La rémunération globale de ces deux PDG dans notre classement est moindre parce que pour les options, nous avons pris la moyenne des trois dernières années afin d'éviter l'effet de montagne russe salariale que crée l'exercice d'un grand lot d'options pour une année donnée.