Il existe une petite enclave du quartier Saint-Sauveur qui tranche avec le milieu urbain ambiant. On y trouve de grands arbres, des maisonnettes, un pont piétonnier. Bienvenue à Notre-Dame-de-Pitié, une banlieue des années 50 qui cherche à se renouveler.

Il existe une petite enclave du quartier Saint-Sauveur qui tranche avec le milieu urbain ambiant. On y trouve de grands arbres, des maisonnettes, un pont piétonnier. Bienvenue à Notre-Dame-de-Pitié, une banlieue des années 50 qui cherche à se renouveler.

Tout respire la tranquillité dans le secteur encerclé par l'immense cimetière Saint-Charles (des voisins pas trop dérangeants!), le parc industriel Saint-Malo et la rivière Saint-Charles. Le silence est encore plus marqué à l'intérieur de l'église Notre-Dame-de-Pitié, fermée depuis quelques mois en raison du manque de fidèles et qui passera bientôt sous le pic des démolisseurs.

"C'est dommage, mais c'est comme ça!" lance le frère mariste Bertrand Gendron, qui vit en face de l'église depuis 37 ans. Il pointe du doigt les bancs empilés les uns sur les autres. Ça part bientôt pour Haïti!". Et les sculptures? "Un musée de Lévis". Et l'orgue? "Vers une petite paroisse de la Rive-Sud."

La répartition des biens va bon train et ne semble pas provoquer de tollé. "Quand on a décidé de fermer l'église, il n'y a pas eu de réticences. Les gens vont seulement en garder le souvenir je pense", lance M. Gendron.

Tout comme ils garderont le souvenir du sculpteur, peintre et musicien Irénée Lemieux. Décédé en 2005, il vivait dans une petite maison de l'avenue du Pont-Scott. Aujourd'hui, sa résidence a été démolie et sa famille prévoit y aménager un terrain où ses sculptures occuperont une grande place. Il est déjà possible d'admirer des exemplaires de ces assemblages de roches où domine la figure humaine sur les pelouses des voisins.

En mutation

On sent que le quartier est en mutation, tout comme il l'a déjà été dans le passé. "Vers 1790, le pont Scott était la seule porte d'entrée des cultivateurs de Charlesbourg et de Beauport vers le centre-ville de Québec. Il y avait bien le pont de la rue du Pont, mais il était contrôlé par les Anglais et était payant", explique Réjean Lemoine, historien et chroniqueur urbain à Radio-Canada. Difficile de croire que cette vieille route à une voie était autrefois l'autoroute menant au centre-ville!

"En 1855, on décide que les cimetières, on ne les veut plus au centre-ville. Alors on les déménage à la campagne. C'est la naissance du cimetière Saint-Charles", continue M. Lemoine. Au même moment, on construit le pont de l'Aqueduc, qui sert de lit aux tuyaux d'aqueduc de Québec et qui est aujourd'hui un pont piétonnier. "Tout autour, des chalets et des villas se construisent. Avec la rivière, le secteur se transforme en un coin de villégiature pour les gens aisés."

La phase de développement qui suit est celle de l'urbanisation d'après la Deuxième Guerre mondiale. Pour loger les vétérans et leur famille, on construit des bungalows qui s'inspirent de la politique de Wartime Housing des États-Unis. On crée des banlieues de toutes pièces, raconte M. Lemoine.

Dans le quartier Notre-Dame-de-Pitié, les rues de la Victoire, Roosevelt, Churchill, de l'Aviation et de la Marine prennent forme. Construites très près les unes des autres, ces petites maisons sont aujourd'hui rénovées et mieux isolées, tout en gardant leur forme originale. "C'est bien parce qu'on est dans un secteur tranquille, tout en étant près de tout", indique Jeannine Genest, une résidante.

Une qualité aussi recherchée par les administrateurs des deux maisons Marie-Frédéric, qui permettent aux jeunes de 18 à 30 ans sans domicile fixe de suivre un programme de réinsertion sociale. Une des maisons a pignon sur la rue Gamelin, tandis que l'autre loge dans l'ancien presbytère de la rue Saint-Vallier. "C'est bien qu'on soit un peu en retrait. Nos jeunes sont plus loin de leurs anciens amis, du centre-ville", explique Sylvain Gervais, directeur.

Nouveau souffle

Pour le moment, Notre-Dame-de-Pitié est un secteur vieillissant. Outre un petit dépanneur, les commerces de services se font rares et l'autobus ne passe pas très souvent. "Une vie de quartier, quelle vie de quartier?", demande en riant Fernand Wagner, un résidant. Loin d'être pessimiste, il compte plutôt sur la revitalisation de la rivière Saint-Charles pour donner un souffle nouveau à son milieu de vie.

Et divers projets de logement social sont en train de changer le paysage urbain. Il y a d'abord les Habitations Gamelin, sur la rue du même nom. Inaugurée en août, la construction neuve offre un toit à une trentaine de personnes âgées en lieu et place de l'ancienne école Notre-Dame-de-Pitié. Sur la rue des Ardennes, une coopérative d'habitation de 24 logements sera vraisemblablement complétée sous peu. Le Comité des citoyens et citoyennes du quartier Saint-Sauveur (CCCQSS) s'est battu pour que le projet prenne forme, au lieu du projet de condos de luxe anticipé.

Enfin, le terrain de l'église a été cédé à Immeuble populaire de Québec. La compagnie attend que la Ville lui donne le feu vert pour construire une cinquantaine de logements pour retraités autonomes. "On va respecter la trame urbaine et rappeler qu'il y avait une église là avant", explique le dg Jean-Yves Parent.

Ces projets devraient faire bouger le marché immobilier. Selon la Chambre immobilière de Québec, Saint-Sauveur est déjà sur la pente ascendante dans le domaine. En 1997, les maisons se vendaient entre 16 500 $ et 75 000 $.

Aujourd'hui, c'est davantage entre 48 000 $ et 235 000 $. Et le nombre de ventes résidentielles a presque triplé en 10 ans.