Il n'y a pas que l'intérêt pour la campagne électorale québécoise qui pâlit devant la crise politique qui secoue Ottawa. Le dollar canadien en encaisse aussi les contrecoups, selon plusieurs spécialistes consultés hier par La Presse Affaires.

Il n'y a pas que l'intérêt pour la campagne électorale québécoise qui pâlit devant la crise politique qui secoue Ottawa. Le dollar canadien en encaisse aussi les contrecoups, selon plusieurs spécialistes consultés hier par La Presse Affaires.

Le huard a connu une journée difficile hier, perdant 1,54 cents US pour clôturer à 78,24 cents US.

Bien malin, dans le contexte actuel instable, qui peut identifier exactement ce qui fait bouger quoi. Le prix du pétrole a connu hier un creux en quatre ans, le flot de mauvaises nouvelles économiques a continué à déferler et la volatilité extrême secoue les marchés depuis septembre.

Cependant, Dominique Brodeur, directeur principal, change étranger, pour la Banque Nationale, est formel: «Depuis quelques jours, la crise politique a effectivement un effet sur le dollar. Un effet négatif», tranche-t-il.

Comme bien des Canadiens, le dollar semble avoir suivi les développements politiques de la journée. Tout de suite après que la gouverneure générale, Michaëlle Jean, eut accepté de suspendre le Parlement jusqu'en janvier, il est parti vers le haut, frôlant les 80 cents US.

Puis il a commencé à dégringoler en après-midi.

«Je ne pense pas que ce soit une coïncidence, dit M. Brodeur. Sur le coup, je crois que le marché était soulagé que la coalition (formée des libéraux et du NPD et appuyée par le Bloc québécois) ne prenne pas le pouvoir à court terme.»

Ensuite? «Si je me mets dans la peau d'un investisseur étranger, je regarde plus en détail ce qui va vraiment se passer, si l'économie canadienne va mieux aller au cours des prochaines semaines. Et je me dis que ce ne sera pas le cas», dit M. Brodeur. Il souligne que «deux mois d'inaction dans le contexte actuel, c'est vraiment très long».

Selon le spécialiste, cependant, la prorogation de la session parlementaire annoncée hier était probablement le scénario le moins catastrophique pour le dollar canadien.

«Mon feeling, c'est que le pire scénario aurait été que la coalition prenne le pouvoir. J'ai l'impression que le dollar canadien se serait déprécié encore plus. Une coalition, c'est assez particulier, et la perception à l'international est aussi assez particulière. Ça créé beaucoup d'instabilité sur les marchés.»

Claude Désautels, directeur des marchés de change pour BMO Marché des capitaux, croit aussi que la crise politique affecte le dollar. «Ce n'est pas la cause principale, ça brasserait quand même, dit-il. Mais c'est un élément qui est là et qui fait brasser un peu plus vite.»

«Est-ce que c'est 10, 15, 20% de plus? Je ne le sais pas. Mais je sais que ça se parle dans les marchés. Ce qu'on veut, c'est que les gouvernements soient là et prennent des mesures. S'ils ne sont pas là, c'est plus difficile.»

L'autre indice que la crise politique malmène le huard, c'est qu'on a beaucoup vu le dollar américain s'apprécier récemment contre toutes les autres devises.

«Le dollar US prenait de la force, mais le dollar canadien restait relativement stable par rapport aux autres devises, explique Dominique Brodeur. Sauf que ce qu'on voit maintenant, c'est le dollar canadien qui est très, très faible contre à peu près toutes les autres devises.»

Un signe que ce ne sont pas des forces extérieures, mais des éléments particuliers au Canada, qui font bouger le huard.

Selon lui, l'instabilité politique fait particulièrement mal dans le contexte actuel, où la nervosité des investisseurs est exacerbée.

«C'est rare qu'on dit ça, mais on est dans un marché où les données économiques n'ont presque plus d'importance, dit-il. On est vraiment dans un marché où c'est la confiance qui dicte tout.»

Et pas de chance, «les investisseurs vont encore demeurer nerveux par rapport au futur politique incertain du Canada», écrit Sal Guatieri, économiste principal chez BMO Marchés des capitaux, dans une note aux investisseurs.