Acheter une baguette de pain, faire le plein d'essence, entreprendre des rénovations à la maison... les consommateurs réalisent que la hausse des prix grignote peu à peu leur budget. Faut-il prévoir une remontée de l'inflation? Comment s'en prémunir ?

Acheter une baguette de pain, faire le plein d'essence, entreprendre des rénovations à la maison... les consommateurs réalisent que la hausse des prix grignote peu à peu leur budget. Faut-il prévoir une remontée de l'inflation? Comment s'en prémunir ?

La hausse du prix du pétrole et des aliments fait son chemin jusque dans le portefeuille des Canadiens

Faire le plein, même d'une voiture sous-compacte, coûte au bas mot 70$, soit 30% de plus que l'an dernier.

À l'épicerie, ça fond dans les congélateurs! Les contenants de crème glacée ont subtilement diminué de 2 litres à 1,89, question de masquer la hausse des prix des produits laitiers.

Projet de vacances, travaux de rénovation les consommateurs ont chaque jour de nouveaux exemples de l'augmentation des prix.

L'inflation montre le bout de son nez au Canada.

En avril dernier, elle est passée à 1,7%, par rapport à 1,4% le mois précédent, alors que les experts ne prévoyaient aucun changement. Cela a causé un certain émoi, même si le taux d'inflation demeure bien installé dans la zone de confort de la Banque du Canada, soit entre 1 et 3%.

Jusqu'ici, le Canada a été immunisé contre l'inflation, d'abord à cause de la hausse du huard qui a réduit le prix des biens importés, notamment les voitures, et aussi à cause de la guerre des épiceries qui a limité la hausse du prix des aliments.

Mais ailleurs dans le monde, l'inflation grimpe. Aux États-Unis, elle atteint 4%. En Europe, elle vogue à 3,5%. Et dans la plusieurs des pays émergents, comme la Chine et la Russie, l'inflation dépasse 10%.

Pas de spirale malsaine

La croissance des pays émergents a mis le feu au prix des matières premières. Mais on n'a pas encore vu de transfert de l'inflation dans les salaires, et historiquement, c'est le tournant qui lance l'inflation dans une spirale malsaine, souligne Martin Roberge, stratège chez valeurs mobilières Dundee.

Jusqu'à maintenant, les travailleurs ont gobé la hausse des prix. Ils commencent à en avoir marre. Mais la hausse de leur salaire est contenue par la morosité économique aux États-Unis.

«Je vois mal des syndicats réclamer de grosses augmentations de salaire, alors que GM ferme des usines», dit Vincent Delisle, stratège aux Marchés des capitaux Scotia.

Et puis les travailleurs nord-américains ont de la concurrence. Au cours de la dernière décennie, le déplacement des emplois vers la Chine et les pays où la main-d'oeuvre est bon marché, a été le plus important frein à l'inflation, indique Jeff Rubin, stratège aux Marchés des capitaux CIBC.

Toutefois, l'explosion du prix du pétrole pourrait mettre fin à cette époque. «Avec le pétrole à plus de 100$US, la distance coûte de l'argent», note M. Rubin. Ainsi, les coûts d'expédition d'un conteneur de 40 pieds de Shanghai jusqu'à la côte est américaine, sont deux fois plus élevés qu'en 2000.

À moins que ce conteneur ne soit rempli de diamants, les coûts de transport gonflent le prix de la marchandise qui se trouve à l'intérieur. La hausse du prix du pétrole pompe les prix de tous les biens et annule l'effet déflationniste de la main-d'oeuvre bon marché.

L'enjeu de 2009

D'ici l'automne prochain, personne ne s'inquiète trop de l'inflation. Mais si l'économie américaine redémarre l'an prochain, ce sera une autre histoire.

«Pour ceux qui regardent plus loin que les deux prochains trimestres, l'inflation est le prochain grand enjeu sur les marchés nord-américains», estime les stratèges de la CIBC.

Pour l'instant, la Réserve fédérale américaine ne peut se permettre une lutte contre l'inflation, compte tenu du marché immobilier qui s'effondre, de la crise du crédit qui coupe l'oxygène des consommateurs, et du marché du travail déprimé.

Avec le chômage d'un côté et l'inflation de l'autre, la Fed doit combattre un monstre à deux têtes, illustre Harold Scheer, président de Baker Gilmore et associés.

Depuis la fin de l'été dernier, la Fed a réduit son taux directeur de 5,25% à 2%, soit une baisse de 325 points de base (100 points = 1%). Une dose majeure d'adrénaline pour l'économie.

Maintenant, le patron de la Fed se montre plus préoccupé par l'inflation, «significativement plus élevée que ce que nous souhaiterions, mais encore loin des hausses à deux chiffres atteintes dans les années 80», soulignait justement cette semaine Ben Bernanke.

Si l'inflation perdure, on pourrait alors assister à une remontée des taux d'intérêt importante.

Aux États-Unis, la Fed pourrait hausser ses taux de 200 points de base en 2009. Au Canada, la Banque centrale pourrait réduire une dernière fois ses taux (de 3% à 2,75%) d'ici l'automne. Mais ensuite son taux remontera de 100 points en 2009, selon la CIBC.

Or, une hausse des taux d'intérêt est une mauvaise nouvelle pour les épargnants. «Le contexte paradisiaque qui prévalait depuis 2002 est terminé, dit M. Delisle. Les taux vont remonter. Et les obligations seront la principale victime.»