L'homme fait dans les relations publiques depuis le milieu des années 70. Le nom de son bébé, National, est associé à maintes crises qu'il a tenté de «gérer».

L'homme fait dans les relations publiques depuis le milieu des années 70. Le nom de son bébé, National, est associé à maintes crises qu'il a tenté de «gérer».

Pourtant, dans son bureau de McGill College, Luc Beauregard n'a pas envie de raconter ses meilleurs coups, ceux où il a réussi à mettre ses anciens collègues journalistes dans sa petite poche d'en arrière, sauvant la réputation d'un client, rétablissant celle d'un autre.

«Si je dévoilais mon meilleur coup, pour mes clients, ce serait une indélicatesse, une indiscrétion qui ne serait pas correcte. D'autre part, j'en aurais eu plusieurs», dit celui qui s'apprête à passer le flambeau.

Luc Beauregard n'est pas homme à choquer. On ne parvient pas à construire la plus grande entreprise de relations publiques au Canada en alignant coups de gueule sur montées de lait. Pas non plus en s'associant à des causes controversées.

«C'est sûr qu'on essaie de ne pas travailler pour des causes qui pourraient mettre des clients dans l'inconfort», confie-t-il.

Un exemple? «Je ne sais pas des causes sociales qui sont trop pointues, par exemple, trop en avant de leur temps. On évite de s'associer à des causes qui ne sont pas mainstream Il ne m'en vient pas à l'esprit. Mais on ne veut choquer personne parmi les clients qui sont avec nous.»

Il a une autre façon de s'assurer de ne pas se mettre des clients à dos: Cohn & Wolfe Canada, qui a ses bureaux à Toronto, Montréal et Calgary. Cohn & Wolfe Canada a le même propriétaire que National, soit Res Publica, présidée et dirigée par Luc Beauregard. Elle aussi fait dans les relations publiques.

Quand National a un contrat avec une entreprise impliquée dans un dossier, Cohn & Wolfe peut se pointer chez un concurrent et lui offrir ses services, que ce soit pour des relations de presse pures et simples, pour organiser des lancements de nouveaux produits ou pour écrire le discours de tel ou tel président d'entreprise.

«Si jamais on est obligé de refuser un projet, on peut le confier à l'autre, explique Luc Beauregard. Sur le plan professionnel, c'est complètement séparé», assure-t-il.

Les deux boîtes sont aussi en concurrence dans le cadre d'appels d'offres. «Souvent, les deux sont finalistes dans des concours. On est sûr de gagner d'un bord ou de l'autre.»

Et ça se produit souvent? «Ah oui! À Toronto, c'est constant. Parce qu'il y a beaucoup d'appels d'offres à Toronto, plus qu'au Québec Ça doit nous arriver une dizaine de fois par année que les deux bureaux sont en compétition.»

La montée de Toronto, le déclin des centres de décision de Montréal depuis l'ouverture de son petit bureau en 1976, Luc Beauregard a été à même de constater les changements dans le décor économique québécois.

Quand Provigo a été rachetée par Loblaw en 1999, National a perdu une bonne partie de ses contrats, le travail corporatif ayant été ramené à Toronto.

Ces derniers mois, on a l'impression que les cas comme Provigo se multiplient, que les entreprises québécoises sont plus nombreuses à se faire racheter.

«C'est sûr que ça nous touche, ça nous affecte. Mais il faut vivre avec son temps, avec son époque, l'évolution des choses. On ne peut pas ériger des frontières autour de nous.»

Et puis, tout à coup, cette phrase qui laisse croire au journaliste que l'homme s'apprête à faire une grande sortie à la Mario Dumont, contre la Caisse de dépôt et placement.

«Mais ce qui est surtout, comment dirais-je, malheureux, c'est qu'on n'ait pas de capacité d'investir nous-mêmes dans nos propres entreprises. C'est un peu malheureux. Prenons Alcan par exemple. Il aurait été heureux que des capitaux québécois puissent acquérir une position importante dans Alcan.»

Tout en continuant à peser ses mots, il parle aussi du cas de BCE. Mais est-il d'accord avec un rôle plus important de la Caisse dans l'économie québécoise, pour garder ici les Alcan et BCE?

«Plus ou moins. Peut-être que prendre des positions, je dirais, ce serait important, pour être là comme témoin important. Pas avoir le contrôle, mais une participation importante.»

Et il y va d'une suggestion entendue récemment: sans ériger de frontières autour de nos entreprises, il faudrait peut-être leur donner plus de temps pour se défendre quand vient une offre hostile d'achat.

Là non plus, pas de déclaration fracassante, à l'emporte-pièce. Luc Beauregard aura encore réussi à ne froisser personne.

NATIONAL AU CANADA

Quelque 300 des 400 employés de RES PUBLICA travaillent à l'extérieur du Québec. Le chiffre d'affaires de quelque 65 millions suit à peu près les mêmes proportions. «Ce dont je suis le plus fier, c'est notre rayonnement canadien.»

RÉFLEXION SUR LES MARQUES CANADIENNES

«Au Canada, on n'a à peu près pas de grande marque de commerce de détail. On a BlackBerry. On a aussi Bombardier, mais ce n'est pas grand public. C'est plus difficile pour nous de nous développer à l'extérieur du Canada parce qu'on ne peut pas suivre des clients comme ça.»

LA VIEAPRÈS LE JOURNALISME

«J'ai aimé le journalisme, ça m'a bien préparé pour la job que je fais maintenant.»

LA RÉPUTATION

«Notre principal outil de travail, et quasiment le seul, c'est notre nom. Si on ne respecte pas notre nom, si on ne fait pas notre métier de manière éthique, on se blesse soi-même.»