Les frères Maxime et Julien Rémillard, de Remstar, ont bien hâte d'arrêter l'hémorragie financière qui frappe présentement leur nouvelle acquisition, le réseau de télévision TQS.

Les frères Maxime et Julien Rémillard, de Remstar, ont bien hâte d'arrêter l'hémorragie financière qui frappe présentement leur nouvelle acquisition, le réseau de télévision TQS.

Le «Mouton noir» de la télé québécoise perd actuellement la fabuleuse somme de 40 000$ par jour, soit 1,2 million par mois. Voilà pourquoi ils travaillent d'arrache-pied pour finaliser leur plan de relance de TQS et leur proposition aux créanciers.

D'ici la fin de l'année financière se terminant en août prochain, TQS anticipe des pertes d'exploitation de 13 millions de dollars, sur des dépenses totales de 108 millions.

C'est pire que lors des deux précédentes années où les pertes atteignaient 11 millions par année. À la fin d'août 2007, TQS avait accumulé des pertes de 71 millions.

La situation financière de TQS est catastrophique.

Mais qu'à cela ne tienne, dans une entrevue accordée à La Presse Affaires, Maxime Rémillard précise que son frère et lui se sont fixé comme objectif de rentabiliser TQS dès leur première année d'exploitation (2009), laquelle commencera avec la nouvelle programmation de septembre prochain.

«C'est vital, insiste le jeune entrepreneur. Sans cela, aussi bien arrêter tout de suite l'aventure.»

Comment les jeunes Rémillard entendent-ils s'y prendre pour relancer TQS et surtout rentabiliser ce réseau traditionnellement déficitaire? Un réseau qui devra par surcroît investir au moins 25 millions dans les équipements du virage technologique obligatoire en HD d'ici 2011.

«Comme vous savez, ajoute Maxime Rémillard, il y a des grands groupes du monde de télédiffusion qui ont possédé cette antenne-là et qui ont eu beaucoup de difficultés financières. C'est une antenne qui s'est toujours battue pour sa survie.»

«Aujourd'hui on constate qu'elle est techniquement en faillite. Nous, on veut avoir un dialogue avec notre personnel, avec les syndicats, avec les producteurs privés, etc. Qu'est-ce qu'on peut faire pour rendre la station rentable? On est ouvert. On parle très honnêtement. Puis nous, on a la ferme intention de la remettre TQS sur ses pieds.»

Premier gros handicap financier du réseau TQS: les salaires des 650 employés occupent une place trop importante dans les dépenses du réseau.

Selon l'actuel gestionnaire intérimaire de TQS, Tony Porrello (vice-président de Remstar), les salaires accaparent présentement 54% des dépenses, comparativement à 39% pour l'ensemble des réseaux de télévision généraliste au Québec et à seulement 30% pour l'ensemble des réseaux au Canada.

«Donc, on a un coût de main-d'oeuvre qui très élevé. Les coûts d'exploitation sont élevés. Les façons de faire sont coûteuses. C'est un problème opérationnel. C'est le modèle de la télévision généraliste, versus les canaux spécialisés.»

«C'est un modèle très pesant et très labour intensive, si je peux utiliser l'anglais, par rapport aux canaux spécialisés qui ont des engagements moindres envers le CRTC, qui n'ont pas des obligations de faire de la nouvelle.»

«La télé généraliste, non seulement au Québec mais au Canada, est coûteuse. C'est une machine qui est lourde et celle de TQS n'en fait pas exception», ajoute M. Rémillard.

Par hypothèse, si Remstar réussissait à réduire les salaires de TQS de 54 à 35% de ses dépenses totales, cela se traduirait par des coupes de l'ordre de 35% dans la rémunération du personnel.

À ce chapitre seulement, TQS réduirait ainsi ses dépenses de 20 millions. M. Rémillard et son collègue Porrello n'ont pas voulu commenter cette hypothèse.

À l'invitation de Remstar, le personnel de TQS se réunira au cours du week-end prochain pour analyser les moyens de réduire les coûts de main-d'oeuvre et s'entendre sur une proposition à déposer dans le cadre du plan de relance de l'entreprise.

Deuxième gros défi financier de TQS: réduire les coûts fixes en profondeur, dont les dépenses d'infrastructure, de camions, etc.

Troisième problème: les frères Rémillard espèrent pouvoir mettre les producteurs privés à contribution. Comment? En leur demandant de réduire le prix qu'ils demandent pour leurs projets d'émissions.

«L'objectif à court terme, insiste Maxime Rémillard, est d'arrêter les pertes parce qu'on veut assurer cette survie-là, on veut rendre rentable cette entreprise. Il y a un problème dans la structure de cette entreprise-là.»

«Il faut se rendre à l'évidence qu'elle n'a jamais fait d'argent, sauf à quelques exceptions. Si on veut qu'elle survive, il faut revoir le modèle d'exploitation.»

«La télé généraliste est en grande difficulté au pays. On le voit lors des audiences publiques que le CRTC tient de ce temps-ci.»

Comme les revenus de publicité (leur principale source de revenus) baissent, la télé généraliste traverse ces dernières années une période difficile.

Les réseaux généralistes tentent de convaincre le CRTC de leur donner le droit de recevoir des redevances des câblodistributeurs au même titre que les réseaux de télévision spécialisés. TQS va comparaître devant le CRTC la semaine prochaine dans le but de plaider en faveur des redevances pour les télés généralistes.

Maxime Rémillard reste optimiste: «Les revenus, je ne suis pas certain qu'ils sont plafonnés pour TQS. C'est le produit qui compte. On est des gens de produits. On est à l'étude d'un modèle que le public va apprécier, j'espère. On va mettre en place plusieurs plateformes. Diversifier nos sources de revenus.»

«L'Internet évidemment. Une programmation originale. On veut un retour aux bases de TQS qui étaient l'audace, le vrai Mouton noir. Une programmation qui va se différencier. Le Québec c'est un petit marché. Avec les télés spécialisées, on a 35 chaînes. Il faut trouver notre niche et l'exploiter à son plein potentiel.»

«Si on recevait des redevances des câblos, ce serait des revenus complémentaires bien intéressants, précise-t-il. Ce serait une source de revenus additionnels qui nous permettrait d'investir davantage dans notre programmation. Ça aiderait la relance de TQS.»

«Mais cela étant dit, notre plan de relance ne tient pas compte de ces redevances hypothétiques parce qu'on ne le sait pas. On ne peut pas prévenir l'avenir. Et cette antenne-là doit survivre. Notre plan d'affaires, notre plan de redressement ne tiennent pas compte de ces sources potentielles de revenus.»

Quoi qu'il en soit, d'ici à ce que le CRTC donne finalement son feu vert à l'achat de TQS, les frères Rémillard ont non seulement leur plan de relance à peaufiner mais, en plus, ils doivent arracher un OUI au plan d'arrangement de 65 millions de dettes avec les créanciers.

C'est dans un mois que les créanciers vont voter sur l'offre de Remstar.

TQS EN CHIFFRES

CHIFFRE D'AFFAIRES : 100 MILLIONS

PERTES PAR MOIS : 1,2 MILLION

PERTES ANTICIPÉES EN 2008: 13,2 MILLIONS

DÉFICIT ACCUMULÉ À LA FIN DE 2007: 71,2 MILLIONS