Avec les multiples changements qui transforment actuellement les organisations, l'on reconnaît de plus en plus que le succès dépend en grande partie de la collaboration et de l'adhésion de plusieurs groupes d'acteurs.

Avec les multiples changements qui transforment actuellement les organisations, l'on reconnaît de plus en plus que le succès dépend en grande partie de la collaboration et de l'adhésion de plusieurs groupes d'acteurs.

Les cadres supérieurs analysent l'environnement interne et les forces externes et décident d'une (ou de plusieurs) initiative de changement qui devrait permettre à l'organisation d'améliorer son efficacité.

D'autres groupes d'acteurs sont tout aussi nécessaires pour faire en sorte que cette stratégie soit mise en oeuvre et diffusée dans l'entreprise: l'on pense notamment à l'équipe de projet, aux agents de changement, aux formateurs internes, aux représentants syndicaux, aux communautés externes de même qu'aux employés, sans oublier bien évidemment, les cadres intermédiaires et les superviseurs.

En dépit du fait qu'il soit abondamment admis, dans la pratique et la documentation professionnelle et académique, que le gestionnaire est un acteur indispensable dans la mise en oeuvre du changement, il n'en demeure pas moins qu'il reste malheureusement l'acteur le plus souvent négligé, abandonné, ignoré et oublié.

Dans les faits, on l'informe en même temps que ses employés et par les mêmes moyens (ex. courriel, site intranet), ce qui revient à dire qu'on ne l'informe pas davantage au sujet du projet de changement.

Il a rarement l'opportunité de négocier des conditions de succès adaptées au contexte de son équipe (parfois surchargée de travail, épuisée, voire cynique). Il a peu l'occasion de discuter de ses préoccupations, de la légitimité du changement et de ses impacts.

La possibilité de dialoguer entre collègues du changement et de ses modalités d'application est rarissime. On n'adapte pas les sessions de familiarisation à ses besoins particuliers.

On coupe la durée de sa formation, prétextant qu'il apprend plus facilement et plus rapidement que ses employés alors que c'est lui qui doit répondre aux questions particulières de son équipe.

On le forme à peine à la gestion du changement ou, lorsque c'est le cas, la formation arrive souvent trop tardivement. Finalement, son rôle en gestion du changement est peu reconnu: on continue à ne mesurer que ses résultats opérationnels.

Or, en gestion du changement, on fait face à deux mythes importants: 1. le mythe de l'acceptation inconditionnelle du changement et 2. le mythe de la pensée magique.

Premièrement, on prend souvent pour acquis que le superviseur, à cause de son poste d'autorité et de représentant de l'entreprise, cautionnera d'emblée l'initiative du changement, sans la remettre en question.

Pourtant, le gestionnaire a besoin de bien saisir toutes les raisons profondes, la légitimité et les circonstances entourant la prise de décision stratégique, car il doit par la suite l'expliquer à son équipe, en traduire le sens et créer une vision mobilisatrice pour son unité.

Pour ce faire, il doit en analyser tous les impacts: sur l'organisation du travail, sur les savoirs et les compétences de son personnel, sur leurs sources de motivation et sur leur engagement au travail, sur leurs outils de travail, sur les mécanismes de coordination et les systèmes organisationnels. Il n'a d'autre choix que de questionner le changement s'il veut être efficace.

Il ne faut pas sous-estimer non plus que le gestionnaire est lui-même un destinataire de la transformation et qu'il doit passer au travers du processus normal de la transition le menant vers l'appropriation du changement.

En ce qui concerne le second mythe, les dirigeants ont tendance à (ou aimeraient) croire à la pensée magique: que le changement se réalisera facilement, dans les délais prévus et sans rebondissement. Ils semblent souvent étonnés par l'inertie organisationnelle et la durée prolongée de la mise en oeuvre.

Pourtant, il faut reconnaître qu'un changement d'habitude nécessite des efforts, exige du temps d'apprentissage et une période de transition. Le rôle du cadre intermédiaire est essentiel pour soutenir psychologiquement et techniquement les membres son équipe, les faire participer au plan de transition, les accompagner dans leurs préoccupations, reconnaître les efforts déployés et mesurer les progrès.

En période de turbulence, les cadres supérieurs, les directeurs de projet et les équipes de gestion du changement ont tout intérêt à valoriser et à soutenir les cadres intermédiaires et les superviseurs dans leur rôle et à leur offrir des conditions facilitant l'appropriation du changement chez tous les employés.

Céline Bareil est professeure agrégée au service de l'enseignement du management, chercheur au Centre d'études en transformation des organisations et animatrice du séminaire «Dans la turbulence du changement: interprétez les réactions et agissez judicieusement» à la Formation des cadres et des dirigeants, à HEC Montréal.

Elle est également l'auteure du livre Gérer le volet humain du changement publié aux Éditions Transcontinental et aux Éditions de la fondation de l'entrepreneurship.