Q - D'où vient-elle?

Q - D'où vient-elle?

R - Elle tire son origine de conditions de crédit trop accommodantes sur le marché immobilier résidentiel américain, entre 2002 et 2006. Les prêteurs avaient perdu toute notion de risque.

Tout le monde pouvait devenir propriétaire et le prix des maisons montait en flèche. Cela était facilité par une nouvelle vague d'innovations financières, les prêts sans remboursement de capital ou vérification du dossier de crédit d'une part, les produits structurés pour financer ces prêts d'autre part. Les prêteurs revendaient à des investisseurs leurs créances hypothécaires à long terme sous formes de papier commercial ou d'obligations à court terme renouvelables. Avec la forte remontée des taux d'intérêt, en 2005 et 2006, plusieurs emprunteurs n'ont pu faire face à leurs échéances.

À leur tour, les prêteurs n'ont pu trouver preneur pour leurs titres à court terme car ils ne connaissaient plus la valeur des prêts qu'ils offraient en garantie. La crise a éclaté en août dernier quand une banque européenne s'est dite incapable d'attribuer une valeur à deux fonds de couverture spécialisés dans ces titres à court terme.

Q - Jusqu'où ira-t-elle?

R - Personne ne le sait à coup sûr. Jusqu'ici les banques occidentales impliquées dans ce marché ont déclaré des pertes de 400 milliards. Le Fonds monétaire international évalue qu'il y en aurait encore autant au moins à venir. Les déboires actuels de Freddie Mac et de Fanny Mae qui ont dans leur portefeuilles des garanties de prêts hypothécaires évalués à de 5000 à 6000 milliards (soit l'équivalent de plus de la moitié de la dette du gouvernement américain) montrent le sérieux du FMI.

Q - Les banques sont-elles les seules touchées?

R - Hélas! Non. Tous les ménages propriétaires le sont. Quand les emprunteurs remettent les clés de leurs maisons, faute de pouvoir la payer, ils poussent les prix des propriétés à la baisse. Pour les ramener au niveau d'avant le début de la bulle immobilière, il faudrait qu'ils se déprécient encore beaucoup.

Des emprunteurs jusqu'ici solvables se retrouveront avec un prêt hypothécaire plus élevé que la valeur de leur maison. D'autres saisies sont à prévoir, fragilisant plusieurs banques régionales dont le prêt hypothécaire est la principale activité. Devant ce fait, les grands déposants (villes, universités) fuiront vers de plus grandes institutions car l'assurance dépôt américaine garantit 100 000$ seulement par déposant. Un jeu de dominos est possible, d'où la vigilance de la Réserve fédérale américaine et du secrétaire au Trésor.

Q - La crise américaine peut-elle se répandre?

R - C'est déjà le cas. La chute du prix des maisons paralyse la construction, les services immobiliers et beaucoup de magasins fournisseurs. Le pactole de 150 milliards lancé aux ménages par l'administration Bush au printemps parvient à peine à garder à flot les ventes au détail.

Les détaillants vont bientôt perdre de l'achalandage. Des magasins ferment déjà, fragilisant des centres commerciaux qui peineront à faire face à leurs obligations hypothécaires, faute de loyers suffisants. Après les prêts hypothécaires aux particuliers, ce sont ceux aux commerces qui commencent à entacher le bilan des banques qui font affaire aux États-Unis. C'est le cas de beaucoup de banques européennes qui cachent encore beaucoup de mauvaises créances dans leurs livres.

Leur manque de transparence nourrit la méfiance des investisseurs et leur aversion pour les titres bancaires, les plus touchés en Bourse. En plus, le marché immobilier entre en crise aussi au Royaume-Uni et en Espagne, là où les banques européennes se sont montrées les plus dynamiques, ces dernières années.

Q - Le Canada pourra-t-il s'en tirer?

R - Peut-être. De peine et de misère. La Banque du Canada a abaissé pour la troisième fois en un an son scénario de croissance limité à 1,0% cette année, désormais. Le marché immobilier canadien n'a pas connu les mêmes abus, mais il y a eu surchauffe dans les provinces de l'Ouest et même à Toronto.

Pour la première fois en juin, le prix sur le marché de la revente était plus faible (-0,4%) qu'il y a un an, selon l'Association canadienne des courtiers en immeuble. Les mises en chantier reculent doucement tandis que la création d'emplois a beaucoup ralenti au deuxième trimestre. Les banques canadiennes ont nettoyé leur bilan, mais la dégradation de leur portefeuille d'actifs aux États-Unis ne les met pas à l'abri de nouvelles radiations.

En outre, les exportateurs qui se démènent pour rester à flot avec l'appréciation du huard voient leur principal débouché se refermer. À la différence de l'Américain, le consommateur canadien reste actif, mais sa confiance est en chute libre, selon le Conference Board du Canada.