Jean Renaud n'était pas seul. Un autre acolyte de Vincent Lacroix faisant face à une pluie d'accusations criminelles était employé pour l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI).

Jean Renaud n'était pas seul. Un autre acolyte de Vincent Lacroix faisant face à une pluie d'accusations criminelles était employé pour l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI).

L'informaticien Félicien Souka travaillait aussi comme consultant auprès de l'OACI, a appris La Presse. Or, cet homme de La Prairie fait maintenant face à 174 accusations de fraude, de fabrication de faux documents et de blanchiment d'argent pour son rôle dans Norbourg, un gestionnaire de fonds communs de placement qui a pillé les économies de 9200 petits investisseurs.

Si le public n'en a rien su, l'arrestation de deux employés la même journée a créé une commotion à la direction de cette agence des Nations unies spécialisée dans le transport aérien.

Selon une source interne, Félicien Souka est devenu familier avec le système informatique de la société néerlandaise Agresso, qui administre les finances, les ressources humaines, la paie et la comptabilité de projets à l'OACI.

«Il connaît tous les mots de passe, numéros de comptes bancaires, etc. On a peur», a confié cette source.

L'OACI vient de déclencher une enquête criminalistique («forensic») et a officiellement demandé l'assistance de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

C'est ce qu'explique le secrétaire général de l'OACI, Taïeb Chérif, dans une note de service qualifiée d'importante, transmise aux employés de l'agence le 23 juin.

Au nombre des «mesures urgentes prises de concert avec nos banquiers et nos autres partenaires» se trouve une vérification exhaustive des transactions financières de l'OACI, annonce Taïeb Chérif.

«Les services de la paie et des comptes recevables sont en train de revoir toutes les transactions financières afin de s'assurer que seuls les fournisseurs en règle ont été payés, et que les paiements ont été effectués dans les bons comptes bancaires», écrit en anglais le secrétaire général.

Le budget de l'OACI s'établissait à 66,5 millions de dollars américains en 2007.

Joint une première fois mercredi, le porte-parole de l'OACI, Denis Chagnon, a mis 24 heures avant de répondre aux questions pourtant simples de La Presse. Félicien Souka travaillait-il pour l'OACI? Quel emploi exerçait-il? Depuis quand?

«Après une longue réunion ce matin (jeudi), j'ai reçu la consigne du bureau du contentieux de ne rien dire», a affirmé Denis Chagnon.

Le nom de Félicien Souka figurait encore au répertoire informatisé des quelque 700 employés de l'agence au moment de son arrestation par la GRC, le 18 juin. Selon une source interne, on y précise même qu'il occupe le bureau 6.15 au siège social de la rue University.

Aucun numéro de téléphone ne figure toutefois à côté de son nom, ce qui accrédite la thèse voulant que cet homme de 37 ans ait travaillé comme consultant. En effet, Félicien Souka a lancé de chez lui sa propre firme, Polymorphe Logique de données inc., qui s'annonce comme une spécialiste des bases de données.

Un crack de l'informatique

Dans le procès intenté par l'Autorité des marchés financiers contre le fondateur de Norbourg, Vincent Lacroix, le rôle de Félicien Souka a été largement documenté. À la demande de Vincent Lacroix, ce crack de l'informatique aurait mis au point un logiciel pour falsifier les documents financiers et maquiller les sorties de fonds.

La Pressea laissé un message sur le répondeur de Polymorphe, mais Félicien Souka n'a pas rappelé hier. L'informaticien a plaidé non coupable la semaine dernière aux accusations criminelles portées contre lui.

S'il a refusé de discuter du cas de Félicien Souka, Denis Chagnon a néanmoins confirmé que l'OACI avait déclenché une enquête et que l'agence était en train d'en confier la réalisation à une firme juricomptable externe.

La présence d'un second accusé de Norbourg au siège social de l'OACI est pour le moins troublante. Une question primordiale pour l'agence est de savoir qui a recruté Félicien Souka. Est-ce Jean Renaud, ce fonctionnaire douteux que le gouvernement du Québec a refilé à l'OACI pour le sortir de son propre ministère des Finances?

Le gouvernement québécois a reconnu avoir prêté Jean Renaud à l'OACI pour un mandat d'un an à la comptabilité des projets parce qu'il était devenu encombrant.

Avant même de faire face à 93 accusations pour fraude, fabrication de faux et blanchiment d'argent dans Norbourg, Jean Renaud faisait l'objet d'une enquête du ministère du Revenu. Depuis 2005, il est soupçonné d'avoir réclamé de façon abusive des crédits d'impôt pour le développement du commerce électronique, un programme que ce fonctionnaire en sabbatique connaissait comme le fond de sa poche.

Par ailleurs, Vincent Lacroix a aussi affirmé, au cours d'un interrogatoire sous serment en octobre 2006, avoir versé un pot-de-vin de 100 000$ en argent liquide à Jean Renaud pour faciliter l'étude du dossier de Norbourg au ministère des Finances. Le fondateur de Norbourg a qualifié ce paiement de «ticket à l'entrée» du gouvernement.

Cela, c'est en plus des 20 000$ que Vincent Lacroix a versés à la firme Netweb inc., contrôlée par un frère de Jean Renaud. Le syndic dans la faillite de Norbourg, Richter&Associés, s'est adressé à la Cour supérieure pour récupérer ce paiement qui peut être facilement retracé, puisque la transaction s'est faite par chèque.

Joint par La Presse en février 2007, Jean Renaud a nié avoir reçu pareilles sommes.