La fin du printemps marque cette période où certains collègues de bureau commencent à être d'humeur maussade. À montrer des signes d'épuisement. Vivement les vacances!

La fin du printemps marque cette période où certains collègues de bureau commencent à être d'humeur maussade. À montrer des signes d'épuisement. Vivement les vacances!

Mine de rien, on commence à y rêver en caressant des projets. Farniente pour certains, voyages pour d'autres. Mais pas pour tous.

Selon un sondage d'Expedia.ca effectué en mars dernier, 29% des Canadiens ne prennent pas toutes leurs journées de vacances, et 33% d'entre eux disent en manquer.

Le fait que certains employeurs paient les vacances inutilisées sont parmi les raisons les plus souvent évoquées pour ne pas les prendre en entier. D'autres évoquent le manque de planification, la charge de travail ou le fait que leurs enfants soient à l'école.

Certains ont peur d'être perçus négativement par leurs collègues, ou craignent de rater une décision importante. Et 21% des gens se sentent même coupables de partir.

Parmi ceux qui ont deux semaines en été, plusieurs éprouvent le sentiment de ne pas avoir le temps de décrocher. Deux semaines de vacances, est-ce assez?

«Il faut regarder les autres modèles ailleurs sur la planète, dit Jean-Pierre Brun, professeur et directeur de la Chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail à l'Université Laval. En Europe, les gens ont un mois de vacances dans plusieurs pays, et cela n'empêche pas ces économies d'être très performantes.»

Deux semaines pour décrocher, c'est un peu court, de l'avis du professeur Brun, qui a consacré au phénomène de la surcharge de travail un chapitre entier de son livre Les 7 pièces manquantes du management.

«Il ne faut pas perdre de vue que l'être humain se compare à une machine qui a besoin d'être entretenue. Il faut l'arrêter pour faire les réparations», dit-il.

Les personnes qui ne prennent pas toutes leurs vacances ont le sentiment d'être indispensables ou irremplaçables, croit Estelle Morin, professeure aux HEC Montréal.

«Certains ne peuvent pas faire autrement, vu leur sens des responsabilités envers leur travail et leur organisation», ajoute-t-elle.

Quoi qu'il en soit, c'est une mauvaise idée de ne pas prendre quelques semaines de repos.

«À long terme, l'épuisement se met en place, croit Jean-Pierre Brun. Et il y a des conséquences sociales: le fait de ne pas voir ses enfants grandir, de manquer de temps avec son conjoint et ses amis. On se retrouve avec des gens surinvestis dans leur travail. Leur carrière est rendue loin, mais ils ont négligé leurs proches.»

Les entreprises devraient tenir compte de l'impact de la fatigue sur la qualité du travail.

«Les gens deviennent négatifs et soupirent dès qu'on leur demande quelque chose, dit Jean-Pierre Brun. Une étude effectuée chez les infirmières a démontré que la fatigue et la surcharge de travail augmentaient les erreurs.»

La qualité est importante

Si la longueur des vacances est importante, la qualité l'est autant. Les gens qui passent leurs vacances à faire des travaux sur leur terrain risquent de revenir au travail aussi fatigués qu'en partant. À moins que cette activité les passionne.

«Les conditions pour un vrai repos varient selon les individus, dit Estelle Morin. Faire quelque chose qu'on aime, voire ne rien faire, être avec les personnes qu'on aime et prendre soin de soi sont autant de moyens de se reposer.»

Quant aux gadgets qui permettent de rester en contact avec le bureau, comme le BlackBerry, ils sont nuisibles à la qualité des vacances. Selon le sondage d'Expedia.ca, 48% des travailleurs croient qu'avec ces nouveautés, il est plus difficile de décrocher du travail.

«L'impact de ces technologies, c'est qu'on travaille toujours, observe Jean-Pierre Brun. On a le goût d'aller vérifier ses messages. C'est un peu comme un sac de chips ouvert, c'est dur de résister. Il n'y a pas de vraie rupture entre travail et vie privée»

Estelle Morin estime que le problème n'est pas le BlackBerry, mais son propriétaire. «Il devrait savoir l'éteindre. Quand répondre à ses courriels devient une compulsion, il est temps de s'inquiéter.»

Jean-Pierre Brun est formel: pour que les vacances soient un vrai repos, il faut une coupure totale. «Je ne crois pas les gens qui disent qu'ils prennent leurs courriels une fois de temps en temps. Si on prend nos messages, ça veut dire qu'on n'arrête jamais de travailler.»