Un groupe de consommateurs d'électricité, qui s'estiment lésés, remet en cause devant la Cour supérieure le fonctionnement d'Hydro-Québec Production et d'Hydro-Québec Distribution, qu'ils dénoncent comme une fiction juridique contraire aux intérêts des clients de la société d'État.

Un groupe de consommateurs d'électricité, qui s'estiment lésés, remet en cause devant la Cour supérieure le fonctionnement d'Hydro-Québec Production et d'Hydro-Québec Distribution, qu'ils dénoncent comme une fiction juridique contraire aux intérêts des clients de la société d'État.

«La fiction juridique et administrative utilisée par HQP (Hydro-Québec dans ses activités de production) et HQD (Hydro-Québec dans ses activités de distribution) est maintenant intenable», plaident les représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI), dans une requête déposée en Cour supérieure.

La division administrative d'Hydro-Québec est «contraire à l'intérêt des consommateurs d'électricité et contraire aux règles de la concurrence et de la protection des consommateurs d'électricité», allègue l'association qui représente 24 000 petites entreprises du Québec.

Ce n'est pas la première fois que cette division administrative est dénoncée comme étant artificielle et bancale, notamment devant la Régie de l'énergie, mais c'est la première fois qu'un tribunal est appelé à examiner le nouvel habit d'Hydro-Québec décrété par le gouvernement québécois il y a bientôt 10 ans.

Le gouvernement a divisé Hydro-Québec en trois entités fonctionnelles, soit Hydro-Québec Production, qui produit et exporte de l'électricité, Hydro-Québec Distribution, qui fournit l'électricité aux consommateurs québécois, et Hydro-Québec TransÉnergie, qui achemine cette électricité aux consommateurs. La Régie de l'énergie a la responsabilité de s'assurer qu'Hydro-Québec Distribution et Hydro-Québec TransÉnergie n'abusent pas de leur pouvoir de monopoles, mais Hydro-Québec Production n'est pas soumise à l'autorité de la Régie.

Les trois divisions n'ont pas d'existence juridique propre mais relèvent d'Hydro-Québec et de son président-directeur, Thierry Vandal.

Depuis la mise en place de ce nouveau régime, Hydro-Québec Production et Hydro-Québec Distribution ont conclu des contrats de vente et d'achat d'électricité qui ont fait sourciller plusieurs juristes. Le droit civil interdit en effet à deux parties qui n'ont pas d'existence juridique de conclure des contrats. «Un contrat ne peut se former qu'entre des personnes distinctes capables de se former», plaident les avocats de la FCEI.

Mais ce qui a fait déborder la coupe et conduit la FCEI devant les tribunaux, c'est l'apparition de surplus d'électricité chez Hydro-Québec Distribution.

Ces surplus peuvent être revendus par Hydro-Québec Distribution et générer des revenus qui pourraient réduire la facture des consommateurs d'électricité. Mais Hydro-Québec Distribution a choisi de limiter l'utilisation de la revente en faveur d'Hydro-Québec Production, qui pourra revendre cette à son profit et au bénéfice de son actionnaire, le ministre des Finances

Ce faisant, Hydro-Québec Distribution se prive d'un avantage au profit d'Hydro-Québec Production, au détriment des consommateurs d'électricité qui ne pourront pas bénéficier de la réduction de leur facture ou d'une hausse moins importante de leurs tarifs d'électricité.

Selon la FCEI, il s'agit d'un cas flagrant de conflit d'intérêts entre les deux divisions d'Hydro-Québec, un conflit qui ne peut pas être résolu dans l'intérêt des consommateurs. «Cette situation est inacceptable, lit-on dans les documents déposés en cour. Hydro-Québec Production et Hydro-Québec Distribution sont en concurrence (...) mais relèvent de la même autorité.» Les deux divisions sont aussi en concurrence pour l'utilisation des lignes de transport et des interconnexions pour l'exportation d'énergie dans les marchés voisins.

Les deux divisions sont sous l'autorité du même président-directeur général Thierry Vandal, dont la rémunération est basée en partie sur les profits de la société d'État. «Le président-directeur général aura une tendance toute naturelle à favoriser les solutions qui augmentent les profits de la société.»

Surtout, souligne la FCEI, que le gouvernement du Québec compte de plus en plus sur les profits d'Hydro-Québec et qu'il vient d'augmenter de 50 à 75% la part de ses bénéfices qui doit être versée en dividendes.

Tant qu'il n'y avait pas de surplus, la fiction juridique est administrative utilisée par Hydro-Québec était tolérable, affirme la FCEI. Avec la présence de surplus, les intérêts de la division Production et ceux de la division Distribution sont maintenant «concurrents et divergents».

Selon les plaignants, «le mécanisme mis en place par Hydro-Québec s'apparente aux villages de Potemkine», ce ministre de Catherine II de Russie qui avait installé des façades de village prospères en Crimée pour impressionner l'impératrice.

La Régie de l'énergie a quand même approuvé les contrats conclus entre Hydro-Québec Production et Hydro-Québec Distribution et elle a permis que les revenus tirés des surplus d'électricité profitent à la division Production, qui n'est pas sous son autorité.

La FCEI, qui a contesté sans succès les décisions de la Régie, demande donc à la Cour supérieure d'annuler ces décisions. Si elle a gain de cause, toutes les catégories de consommateurs d'électricité pourraient en bénéficier.