Après avoir menacé de poursuivre un éditeur montréalais, Barrick Gold (T.ABX) passe aux actes.

Après avoir menacé de poursuivre un éditeur montréalais, Barrick Gold [[|ticker sym='T.ABX'|]] passe aux actes.

Le géant de l'extraction minière réclame 6 M$ à la maison Écosociété, estimant avoir été diffamé par son récent livre Noir Canada, pillage, corruption et criminalité en Afrique.

Dans la poursuite, présentée lundi à la Cour supérieure, la multinationale demande réparation pour la «campagne de diffamation soigneusement orchestrée» par les auteurs du brûlot et leur éditeur.

Elle réclame aussi une injonction visant à retirer le livre des librairies, affirmant que les allégations qu'il véhicule à son sujet sont fausses.

Noir Canada, écrit par les chercheurs Alain Denault, Delphine Abadie et William Sacher, fait état de rumeurs au sujet de manifestants tanzaniens qui auraient été enterrés vivants dans une mine en 1996.

C'est la canadienne Sutton Ressources qui exploitait la concession à l'époque, une entreprise qui a été acquise par Barrick Gold quelques années plus tard.

Le livre allègue aussi que Barrick Gold - «premier producteur d'or du monde» - aurait eu des liens avec des groupes rebelles armés au Congo, et qu'elle aurait contribué à enflammer une guerre civile qui a fait des milliers de morts.

Toutes ces allégations sont fausses, répond l'entreprise. Elle affirme n'avoir exploité des concessions au Congo que pendant quelques mois. Quant au supposé massacre de mineurs tanzaniens, elle fait valoir que plusieurs enquêtes ont conclu qu'il n'a jamais eu lieu.

«Nous sommes favorables à la liberté d'expression et du dialogue ouvert, indique le vice-président aux communications de Barrick Gold, Vincent Borg. Mais nous ne pouvons tolérer la diffusion de mensonges.»

Le 10 avril, quelques jours avant le lancement de Noir Canada, Barrick Gold avait expédié une mise en demeure à Écosociété, organisme à but non lucratif.

Elle menaçait de s'adresser à la Cour supérieure si le livre, annoncé sur son site web, contenait de fausses allégations à son sujet. Le lancement de l'ouvrage a été annulé, mais sa vente en librairie a commencé à la date prévue, soit le 15 avril.

La maison d'édition avait fait fi des menaces, dénonçant ce qu'elle appelait un cas classique de SLAPP, ou poursuite-bâillon.

«L'ampleur de la poursuite est assez incroyable et absurde, a dénoncé la porte-parole d'Écosociété, Élodie Comtois. Ces 6 millions de dollars représentent 25 fois notre chiffre d'affaires.»

L'éditeur entend maintenant interpeller les gouvernements afin qu'ils légifèrent pour interdire les SLAPP.

«Ce sont des faits qui méritent éclaircissement», estime le directeur adjoint du Centre de recherche en éthique de l'Université de Montréal, Martin Blanchard, cosignataire d'une récente lettre ouverte en appui à Écosociété.

Il propose à la multinationale de faire valoir sa version des faits sur la place publique, plutôt que de traîner une petite maison d'édition en cour.