Tout le monde a son coupable. Pour les uns, c'est une économie américaine complètement sonnée par le «subprime», pour les autres c'est une production insuffisante de pétrole qui peine à suivre la demande effrénée du géant asiatique. Qu'importent les raisons, le prix de l'or noir monte et la situation en fait rager plus d'uns.

Tout le monde a son coupable. Pour les uns, c'est une économie américaine complètement sonnée par le «subprime», pour les autres c'est une production insuffisante de pétrole qui peine à suivre la demande effrénée du géant asiatique. Qu'importent les raisons, le prix de l'or noir monte et la situation en fait rager plus d'uns.

Mais pendant que les consommateurs passent à la caisse, d'autres encaissent les larges profits engendrés par un baril de pétrole qui explose à chaque jour.

Les producteurs de pétrole

Les premiers à profiter de la manne sont les producteurs de pétrole. En 2007, les revenus provenant de l'or noir ont atteint les 1000 milliards de dollars. En cinq ans, les prix du pétrole ont été multipliés par six. En bref, les pays qui possèdent l'énergie sont drôlement favorisés et mènent le jeu.

En haut de cette liste, se trouve l'Arabie Saoudite, premier producteur mondial, avec une production de 9,5 millions de barils par jour. La Russie suit de très près avec 9,4 millions de barils quotidiennement. Une situation archi-favorable qui n'est pas étrangère au renouveau russe des dernières années. Les États-Unis sont troisièmes, devant l'Iran et la Chine. Le Canada se classe au huitième rang, devant le Venezuela et les Émirats arabes unis.

Des pays – ou des provinces comme l'Alberta – ont d'ailleurs vu leur économie se modifier complètement au fil de la hausse des prix. Des villes comme Dubaï (Émirats arabes unis) ou à plus petite échelle Khanty-Mansiysk en Sibérie se développent à puissance mille. Certains des pays du Golfe investissement une partie de la manne dans des fonds souverains en vue de préparer le futur quand les puits seront vides.

Pour ces pays, l'argent provenant du pétrole entre rapidement. Ce qui n'est sûrement pas un incitatif à augmenter leur production. D'ailleurs, «personne ne connaît leur capacité à produire», indique Mathieu D'Anjou, économiste chez Desjardins. Certains croient qu'elle est restreinte en vue de conserver les prix élevés, d'autres sont plutôt d'avis que la machine tourne autant qu'elle le peut mais que la demande chinoise et indienne parasite l'équilibre.

Même les pays exportateurs eux-mêmes ne semblent pas en accord. Lors de la rencontre de Djeddah à la mi-juin, les pays de l'OPEP ont affiché leurs dissensions.

D'un côté certains pays se sont montrés disposés à produire plus (l'Arabie Saoudite et le Koweït). À l'autre bout du spectre, Chakib Khelil, président de l'OPEP, s'est montré hostile à toute augmentation. «Le marché est à l'équilibre», a-t-il indiqué.

Seul frein pour ces pays: les coûts de production augmentent aussi, selon Maurice Marchon, professeur à HEC Montréal. «Les salaires sont en hausse tout comme les services qui transitent autour de la production», dit-il.

Les compagnies pétrolières

Autre bénéficiaire du sang de la terre: les compagnies pétrolières. Un bref regard convainc. Au Canada, l'Impériale a rapporté des profits records en 2007 de 3,18 G$. Une performance qui surpasse l'ancien record de 3,04 G$ enregistré en 2006.

La première compagnie mondiale, Exxon Mobil, n'est pas en reste. L'année dernière, elle a récolté un bénéfice de 40,6 G$ alors que Chevron, deuxième mondial, a rapporté des profits de 18,7 G$.

Mais encore là, chez les compagnies pétrolières, on se défend en affirmant que les coûts d'opération augmentent - environ de 15% par année. On dit aussi que la ressource est de plus en plus difficile à atteindre. Ce qui implique des investissements majeurs pour ces pétrolières afin de demeurer compétitive et assurer une production constante.

D'un autre côté, selon des études, les pétrolières s'avèrent moins imposées que la grande majorité des entreprises. Au Canada, aux dires de la fiscaliste Brigitte Alepin, le taux d'imposition des pétrolières serait de 17% comparativement à 22% pour les PME. Difficile alors de pleurer sur le sort de ces entreprises, ces véritables machines à imprimer de l'argent.

Histoire de spéculation

Le prix du pétrole négocié au Nymex a été plutôt volatil ces derniers temps. En l'espace de dix jours en juin, il est descendu de 10 $ avant de rebondir de 16 $. Pour plusieurs, la responsabilité incombe aux spéculateurs, ceux qui investissent dans le pétrole, transigent des millions de barils par jour. À l'évidence, le prix est influencé par ces mouvements incessants. D'autant plus qu'avec un marché boursier qui peine, les investisseurs se tournent vers le pétrole devenu valeur refuge.

Chez Desjardins, cette volatilité indique justement qu'une grande partie du prix du baril provient de la spéculation. «Ces mouvements extrêmes se produisent sans qu'aucune nouvelle importante ne vienne toucher le marché du brut», dit l'institution dans une étude économique.

Toutefois, le poids de ces spéculateurs ne fait l'unanimité. Pour Maurice Marchon, «ils augmentent la volatilité mais ne définissent pas le prix». Du côté de Mathieu D'Anjou, le constat est différent. «Avec un baril à 140$, environ 60 $ provient de la spéculation». Reste que le marché présente suffisamment de nébuleuses – demande asiatique, pénurie anticipée («peak» de production), instabilité politique – pour que les investisseurs spéculent à souhait sur le prix futur du baril. Et empochent dans l'intervalle.

Mais Desjardins met en garde les investisseurs. Selon eux, la «situation réelle du marché devrait reprendre progressivement le dessus sur la spéculation», ce qui va résulter en une baisse du prix du baril qui va descendre à 108 $ cette année et 94 $ l'an prochain. Mais à partir du moment où l'économie va accélérer à nouveau (mi-2009), Desjardins prédit que le baril va repartir à la hausse.

Les taxes de l'État

L'hebdo français Le Nouvel Observateur indiquait la semaine dernière que le grand gagnant de cette hausse du pétrole est l'État. «Particulièrement en France et en Grande-Bretagne où le pétrole est le plus lourdement taxé», est-il écrit. Les manifestations de camionneurs un peu partout en Europe illustrent bien le problème qui touche plus particulièrement les petits travailleurs.

Au Québec, l'État taxe beaucoup moins le litre d'essence. Un montant fixe d'un peu plus de 25 cents est destiné aux taxes d'accise fédérale et provinciale. Là où les gouvernements encaissent, c'est au niveau de la TPS et de la TVQ qui augmentent au même rythme que le prix à la pompe. Mais les spécialistes ne visent pas une baisse de la taxation du prix de l'essence.

Malgré le choc pétrolier qui fait mal aux automobilistes et brandit le spectre d'une poussée inflationniste, le coup de barre devait être donné, croient les analystes. Pour l'environnement et afin de se dégager d'une économie basée sur le pétrole. «Au bout du compte, la grande gagnante, c'est l'environnement. Il s'agit d'une incitation à utiliser le pétrole de manière plus parcimonieuse», croit Maurice Marchon.