C'est un constat qui n'annonce rien de bon: les industries canadiennes n'ont utilisé que 83,3% de leurs capacités de production en 2007, soit le niveau le plus faible depuis 1996.

C'est un constat qui n'annonce rien de bon: les industries canadiennes n'ont utilisé que 83,3% de leurs capacités de production en 2007, soit le niveau le plus faible depuis 1996.

Selon des données dévoilées hier par Statistique Canada, le taux d'utilisation de la capacité industrielle (TUCI) est même tombé à 81,8% au quatrième trimestre, un creux des 10 dernières années.

Le TUCI est le ratio du rendement réel de l'industrie sur le rendement éventuel estimé. La baisse du taux signifie que l'augmentation des investissements et des capacités de production -une bonne nouvelle en soi- n'a été suivie que par une faible croissance de la production.

«Le taux a baissé plus qu'on ne l'avait anticipé», dit Hélène Bégin, économiste senior chez Desjardins.

Si l'ampleur des creux est une surprise, le fait que le secteur manufacturier en soit le grand responsable étonne moins.

Sur les 21 groupes du secteur de la fabrication, 18 ont vu leur TUCI diminuer au quatrième trimestre. Cela place le taux du secteur manufacturier à 80,3%, bien en deçà de la moyenne historique de 82,1%.

«On rejoint des niveaux qui commencent à ressembler au ralentissement de 2001», s'inquiète Hélène Bégin.

Hausse du dollar, concurrence extérieure et prix élevés du pétrole constituent encore une trinité problématique pour les industries manufacturières.

En plus, les «fermetures prolongées d'usines pour fins de renouvellement de l'outillage et de contrôle des stocks» ont durement touché l'industrie automobile et tout le secteur de la fabrication, selon Statistique Canada.

Industries Rol, fabricant de pièces d'automobile installé à Laval, fait partie des entreprises qui ont dû revoir à la baisse leur production récemment.

«Le taux de change a un impact très négatif, dit Alain Déry, consultant auprès de l'entreprise fondée à Montréal il y a près de 50 ans. Notre compétitivité s'érode.»

L'entreprise en est donc à évaluer les options qui s'offrent à elle (restructuration, nouvelles technologies) pour s'adapter aux mutations du marché de l'automobile.

Avenir sombre

Le dévoilement des derniers TUCI ne laisse pas présager un bel avenir, d'autant plus que Statistique Canada indique que les fabricants prévoient encore réduire leur production au premier trimestre de 2008.

«En finissant l'année 2007 avec des taux d'utilisation aussi bas, ça nous place en position délicate pour 2008, soutient Hélène Bégin. Nous sommes plus vulnérables. En plus, la période la plus ardue n'est pas encore derrière nous.»

«On est à un stade où les entreprises vont commencer à couper dans les capacités, avertit Robert Hogue, économiste chez BMO Marché des capitaux. Les prix sont bas, les conditions de marché sont mauvaises et la profitabilité est en baisse. Ça devient très onéreux pour les entreprises de maintenir des capacités excédentaires.»

Selon Hélène Bégin, le TUCI «montre qu'il y une poche de faiblesse dans l'économie canadienne. Cela va donner des munitions à la Banque du Canada pour diminuer encore ses taux d'intérêt».

Mais tout n'est pas noir pour l'industrie canadienne. Quatre secteurs ont vu leur TUCI augmenter pour le quatrième trimestre et pour l'année 2007 en entier: la production, le transport et la distribution d'électricité, la fabrication de produits en cuir, le secteur de l'impression et la fabrication de produits du tabac.

L'économiste Hélène Bégin souligne aussi que le secteur aéronautique est en pleine expansion, ce qui constitue une force pour le Québec.

«Le Québec est affecté par des difficultés dans les secteurs du bois ou des pâtes et papiers, mais la vigueur du secteur aéronautique nous permet de tempérer un peu cette situation négative.»