L'idée d'abandonner le huard au profit d'une monnaie nord-américaine unique ou du billet vert américain a refait surface avec l'atteinte de la parité.

L'idée d'abandonner le huard au profit d'une monnaie nord-américaine unique ou du billet vert américain a refait surface avec l'atteinte de la parité.

Le contexte est cette fois-ci fort différent. Au début du siècle, le lancement réussi de l'euro avait fait rêver d'une monnaie nord-américaine unique - appelons-la l'améro - à plusieurs représentants de nos brillantes élites.

Les Laurent Beaudoin (Bombardier), Paul Tellier (Canadien National) et autres Sherry Cooper (Banque de Montréal) de ce monde avaient alors prôné l'abandon de notre monnaie, qui se dépréciait d'année en année.

L'inénarrable Conrad Black y était même allé d'une lettre ouverte dans le Wall Street Journal, dans laquelle il prédisait que, au train où allaient les choses, les États-Unis allaient avant longtemps lancer une offre publique d'achat sur le Canada.

C'était oublier que le Mexique appartient aussi à l'Amérique du Nord, dont les trois pays sont liés par l'Accord de libre échange nord-américain.

Si on avait écouté ces visionnaires, le Canada aurait dû renoncer à sa politique monétaire. L'évolution contrastée des finances publiques canadiennes et américaines, le rapport opposé des deux pays face aux matières premières (Canada exportateur net, États-Unis importateur net), le solde positif des échanges commerciaux du Canada à l'opposé du déficit américain soulignent pourtant l'utilité d'un tel levier.

«La politique monétaire est un des principaux piliers sur lesquels repose la stabilité d'une économie moderne comme celle du Canada, écrivent François Dupuis et Mathieu D'Anjou, respectivement vice-président et économiste en chef et économiste au Mouvement Desjardins. Une monnaie unique implique entre autres que la Banque du Canada abandonne sa fourchette d'inflation.»

Dans leur étude intitulée Monnaie unique avec les États-Unis: le jeu n'en vaut pas la chandelle, ils passent en revue plusieurs hypothèses ayant toutes en commun l'objectif d'éviter les dramatiques fluctuations du huard, qui créent tant de maux aux manufacturiers exportateurs.

La plus simple en apparence, c'est l'adoption d'un taux de parité fixe: quatre caribous contre un washington, par exemple.

Garder la parité alors que les deux économies sont mues par des forces différentes suppose beaucoup d'intervention sur les taux d'intérêt, susceptibles de nuire à l'expansion de notre économie ou à la maîtrise de l'inflation.

L'expérience douloureuse de l'Argentine au début du siècle a montré jusqu'à quel point l'aventure peut être périlleuse.

Le Canada a vécu en régime de taux de change fixe avec le dollar américain à deux reprises: de 1939 à 1950, dans le contexte particulier de la guerre et de ses lendemains, et de 1962 à 1970, dans le but de restaurer la compétitivité de l'économie canadienne. Les pressions inflationnistes vinrent finalement à bout du taux de change, fixé cette fois-là à 92,5 cents américains.

Plus radicale, l'adoption du billet vert suppose l'abandon de toute politique monétaire. De petits États comme Panama et l'Équateur s'y sont résignés alors que d'autres économies mal en point se sont de facto dollarisées.

Les plus utopistes rêvent d'une union monétaire avec les États-Unis.

«Le Canada pourrait probablement devenir le 13e district de la Fed», ironisent MM. Dupuis et D'Anjou. Ils font ressortir que, dans la lutte contre l'inflation, la Banque du Canada a fait aussi bonne figure que la Fed. À l'heure actuelle, la progression canadienne des prix est même plus lente qu'aux États-Unis.

Enfin, l'idée d'une monnaie unique à l'échelle du continent supposerait que Washington soit prêt à abandonner une partie de sa souveraineté à des gouvernements qui lui sont franchement hostiles.

Est-ce envisageable?