Aux grands maux les grands remèdes: les gouvernements fédéral et ontarien injecteront 4 milliards de dollars pour venir en aide à l'industrie automobile et limiter les pertes d'emplois appréhendées dans ce secteur, durement touché par le ralentissement économique.

Aux grands maux les grands remèdes: les gouvernements fédéral et ontarien injecteront 4 milliards de dollars pour venir en aide à l'industrie automobile et limiter les pertes d'emplois appréhendées dans ce secteur, durement touché par le ralentissement économique.

Les premiers ministres Stephen Harper et Dalton McGuinty ont confirmé hier à Toronto qu'ils verseront 20% de ce que prévoit le plan de relance de plus de 17 milliards US des États-Unis annoncé hier. Ce pourcentage correspond à la part canadienne de l'industrie automobile nord-américaine.

Ottawa débloquera 2,7 milliards de dollars, et le reste viendra de Toronto. L'aide sera versée sous forme de prêts aux filiales canadiennes des grands constructeurs, qui devront s'engager en retour à respecter une série de conditions. Ils n'auront donc pas carte blanche, a tenu à souligner le premier ministre Stephen Harper. «Les contribuables canadiens s'attendent à ce que leur argent soit investi dans la restructuration et le renouvellement de l'industrie de l'automobile et serve à maintenir au Canada sa part actuelle de la production nord-américaine», a affirmé M. Harper.

Très attendu, le plan a suscité du côté des syndicats une série de réactions positives, plutôt rares à l'endroit de Stephen Harper au cours des dernières semaines. Le président des Travailleurs canadiens de l'automobile estime que le plan va permettre d'assurer la survie de l'industrie au Canada et le retour sur les investissements consentis par les gouvernements passés. «C'est une décision très sensée», a dit le président des TCA, Ken Lewenza.

150 000 travailleurs

L'enjeu est important: le secteur de l'automobile emploie directement 150 000 Canadiens, principalement en Ontario. «Le gouvernement Harper réalise enfin l'importance de cette industrie pour le pays», s'est aussi réjoui Jean-Pierre Fortin, directeur général de la section québécoise des TCA. Le plan devrait permettre de maintenir en vie les usines de fabrication de pièces d'automobiles de la province, gagne-pain de 12 000 Québécois, dit M. Fortin.

La réception a été tout aussi favorable de la part des géants de l'auto, dont les ventes sont à leur plus bas depuis un quart de siècle. Chrysler Canada, qui touchera 1 million, croit que ce financement sera suffisant pour assurer sa restructuration et a remercié les gouvernements de leur «réaction rapide».

«Le soutien annoncé aujourd'hui (hier) donne un signal significatif de stabilité dans le contexte des défis économiques auxquels doit faire face le secteur automobile canadien», a déclaré dans un communiqué le président des opérations canadiennes de GM, Arturo Elias.

Christian Navarre, spécialiste de l'industrie automobile et professeur à l'Université d'Ottawa, croit que les ministres ont été habiles en prévoyant une assurance sur les comptes fournisseurs. La confiance des investisseurs sera renforcée. L'impact des nouvelles mesures pour rendre le crédit plus accessible aux consommateurs est toutefois plus difficile à cerner. «Ce sera difficile de n'accorder ces avantages qu'à ceux qui achètent des voitures de constructeurs en péril», dit-il, même si «le coup est relativement bien joué».

Louis Hébert, professeur à HEC Montréal, espère quant à lui que les salaires des dirigeants seront réduits substantiellement. «Ils ont fait preuve d'incompétence et n'ont jamais été capables de faire les transformations qui étaient nécessaires avant la crise.» Il croit néanmoins que les sommes investies sont justifiées. «Les coûts sociaux de l'effondrement de cette industrie seraient significatifs. Si les constructeurs faisaient faillite, toute une gamme d'emplois seraient touchés.»

Et l'écologie?

Les trois partis de l'opposition, qui réclamaient un tel plan depuis des semaines, l'ont aussi accueilli assez favorablement malgré quelques réserves. Le Parti libéral a été le plus sévère: «Il arrive trop tard pour que l'on soit assurés que les emplois seront maintenus au Canada plutôt qu'aux États-Unis», a indiqué Scott Brison, critique libéral en matière de finances. Le Bloc québécois et le NPD ont déploré le fait que le plan ne contient aucune mesure pour encourager la production d'automobiles moins polluantes.

Avec La Presse Canadienne

Les conditions du plan:

> Les gouvernements fédéral et ontarien s'engagent à prêter 3 milliards de dollars à General Motors et 1 milliard à Chrysler à condition qu'ils présentent d'ici au 31 mars un plan «acceptable» de restructuration.

> Les constructeurs devront accepter des limites pour la rémunération des dirigeants, y compris les primes au rendement.

> Les constructeurs devront faire état de toute transaction de plus de 125 millions.

> Les emprunteurs devront présenter des rapports hebdomadaires sur leur encaisse, leurs liquidités, leur production et leurs revenus.