Des choix technologiques déterminants pour l'avenir de Bell Canada sont mis sur la glace depuis deux ans dans l'attente de la vente de Bell. C'est ce qu'affirment chacun de leur côté les consultants Jean-Guy Rens, de Sciencetech et Iain Grant, du Groupe Seaboard.

Des choix technologiques déterminants pour l'avenir de Bell Canada sont mis sur la glace depuis deux ans dans l'attente de la vente de Bell. C'est ce qu'affirment chacun de leur côté les consultants Jean-Guy Rens, de Sciencetech et Iain Grant, du Groupe Seaboard.

Dans le réseau filaire, disent-ils, le câble coaxial des câblodistributeurs a gagné la bataille contre le fil de cuivre de Bell et des vieilles compagnies de téléphone. Sur l'internet, par exemple, le câble coaxial permet de télécharger plus rapidement des fichiers plus lourds.

Aux États-Unis, les entreprises de téléphonie traditionnelles, telle Verizon, ont compris. Elles ont commencé à installer directement chez leurs clients de la fibre optique, le nec plus ultra des conduits filaires. En Corée, les clients sont presque tous équipés de fibres optiques. Au Japon, on est également très avancé.

«Alors qu'aux États-Unis, les entreprises de télécommunications mettent de la fibre optique chez les abonnés, au Québec, Bell n'a pas mis une seule ligne chez les consommateurs résidentiels», dit Jean-Guy Rens.

Pour Iain Grant, la fibre optique «est la seule façon pour les compagnies de téléphone comme Bell de battre les câblodistributeurs». La fibre optique permettrait d'atteindre aisément une vitesse de 100 mégabits par seconde (mbps) sur l'internet, 30 fois la vitesse actuelle.

Ce n'est qu'avec un tel équipement que les abonnés pourraient avoir de la vidéo sur demande de grande qualité, soumet M. Rens. «Les câblodistributeurs ne pourraient plus concurrencer», dit-il.

Le hic, c'est que l'installation de fibres optiques chez le client coûte très cher. Pour chaque maison, il faudrait investir entre 1000$ et 2000$. «Ce ne serait pas difficile pour Bell de dépenser 10 milliards de dollars», soutient M. Grant.

Autrement dit, c'est un investissement capital, qui doit être étalé sur plusieurs années afin d'amortir les coûts. «Il faut un propriétaire pour décider de tels enjeux, pas un gestionnaire», dit Iain Grant.

Greg McDonald, de la Financière Banque Nationale, abonde dans le même sens. Certes, l'analyste ne fait pas de critiques virulentes de la gestion des affaires courantes de Bell ces dernières années. La direction de l'entreprise, dit-il, a dû composer avec un déclin inexorable de sa vache à lait - le téléphone filaire - et une compression des coûts.

Cependant, il croit lui aussi que «Bell a sous-investi dans les secteurs en croissance» que sont l'internet et le téléphone sans fil.

Du point de vue technologique, faut-il dire, Bell fait face à des enjeux semblables dans le sans-fil.

LA technologie attendue

La norme de transmission utilisée par Bell, le CDMA, est moins puissante que celle des concurrents, le GSM-HSPA, utilisée par Rogers. Bell doit donc faire un choix. Ou bien elle pousse le développement d'une technologie alternative, le WiMax, ou alors elle attend le développement de l'ultime technologie, le LTE.

Ce LTE, pour Long Terme Evolution, est LA technologie attendue par tous. Cette technologie entièrement numérique est prévue d'ici 2 à 5 ans et permettra de transmettre sur le téléphone sans fil des photos et de la musique aussi rapidement que le fait actuellement la haute vitesse avec fil. La perspective est particulièrement alléchante pour les publicitaires.

Mais surtout, le LTE fusionnera les deux principales normes en cours, soit le CDMA de Bell, et le GSM-HSPA, de Rogers. «Bell et Telus veulent le LTE maintenant, mais Rogers et les utilisateurs du HSPA ne sont pas pressés, parce que le HSPA est suffisamment rapide pour le moment», explique Iain Grant.

Bell est donc pris entre deux chaises, tout comme Telus d'ailleurs. Certains analystes, comme Greg McDonald, croient que ces entreprises choisiront d'abandonner progressivement la norme CDMA pour adopter le GSM-HSPA. Cette perspective est d'autant plus probable compte tenu des enchères actuelles au Canada pour des licences sur de nouveaux spectres sans fil.

Aux États-Unis, la première entreprise dans le domaine, Verizon, prévoit passer du CDMA au GSM-HSPA, nous dit M. Grant. Cette conversion à la norme GSM-HSPA irait dans la logique des choses pour Bell: dans le monde, 80% des fournisseurs d'équipements et transporteurs utilisent cette norme.

Pour Bell, une telle conversion coûterait quelques centaines de millions de dollars. Il reste à la direction de prendre une décision.