«Ça pas d'allure, on n'est pas des quêteux!», s'exclame Marc Dutil, président et chef de direction de Canam, l'oeil en feu.

«Ça pas d'allure, on n'est pas des quêteux!», s'exclame Marc Dutil, président et chef de direction de Canam, l'oeil en feu.

C'est que le sujet l'interpelle directement. Peut-être plus que la crise manufacturière, le dollar canadien ou la concurrence chinoise, l'irritant majeur en Beauce est le programme des régions ressources.

Ce programme accorde des crédits d'impôts à des entreprises situées dans des régions qui, selon le gouvernement, ont besoin d'un levier économique. Le problème, c'est que la Beauce n'est pas une région ressource et subit une concurrence déloyale du Bas-Saint-Laurent ou du Saguenay-Lac-Saint-Jean, estiment tous les intervenants interviewés.

Dans le pays des PME, la perte de contrats par les petites et moyennes entreprises est une catastrophe. La situation a été vue plusieurs fois ces dernières années: les entreprises provenant des régions ressources peuvent soumissionner plus bas que celles de la Beauce. En décembre dernier, des employés de Portes Saint-Georges, durement frappé par 80 mises à pied, ont manifesté devant l'Assemblée nationale pour que le programme cesse.

Pour Marc Dutil, la situation est inacceptable.

«On paye des impôts comme tout le monde, mais on vient se faire concurrencer par ces régions. Le programme est illégal et inéquitable», s'exclame-t-il.

Denys Sylvain, directeur du CLD Nouvelle-Beauce, fait la même lecture.

«Dans la Nouvelle-Beauce, ce sont 25 entreprises qui sont touchées. Il [le gouvernement] veut amener le taux de chômage au même niveau dans la Beauce et à Rivière-du-Loup, mais en attendant, il n'y a personne qui vient m'aider avec mes emplois pour les jeunes», lance-t-il.

La situation préoccupe tout le monde. Rencontrés dans un centre d'achats de Saint-Georges, quelques jeunes retraités plutôt fringants en avaient long à dire sur le sujet.

«Les régions ressources, c'est un gros zéro. Pourquoi le gouvernement fait ça? Nous ici, on a survécu par nous-mêmes», lance M. Émile, la calotte vissée sur la tête.

M. Marc, à ses côtés, est d'accord.

«C'est moins bon qu'avant ici, mais on va se replacer. On devrait toucher l'argent du gouvernement nous aussi», affirme-t-il.

Autres irritants

Le sentiment est généralisé. À travers les années, plusieurs croient que la Beauce a été oubliée des gouvernements. Symbole de cet oubli, l'autoroute 73. Ouverte à la circulation en 1972, la voie rapide ne se rend toujours pas à la plus importante ville beauceronne, Saint-Georges. Il y a quelques semaines, on a inauguré un nouveau tronçon qui donne accès à Beauceville. Mais l'affaire traîne et exaspère les acteurs régionaux.

«Nous sommes le plus court chemin entre Québec et les États-Unis, je ne comprends pas pourquoi ce n'est toujours pas complété», s'interroge Marc Dutil.

Jean Grandmaison, auteur du livre Les Pionniers de l'entrepreneurship beauceron va dans le même sens. La Beauce est souvent invisible aux yeux des institutions.

«La roue qui grince, c'est elle qui reçoit le plus d'huile. Certaines régions ont crié plus fort, ce qui fait que la Beauce a été parfois oubliée», affirme-t-il.

Du côté fédéral, le pays des PME estime également ne pas recevoir beaucoup d'argent.

«À Ottawa, c'est pas mieux, l'argent s'en va au Saguenay, dans le comté du ministre Jean-Pierre Blackburn», lance Denys Sylvain.

En attendant, les Beaucerons sont divisés entre leur farouche indépendance et l'acceptation d'un coup de pouce de l'État.

«On ne demande pas d'argent, mais qu'ils arrêtent d'en envoyer aux autres», propose Marc Dutil.

«Faut pas que la Beauce passe à côté de la mondialisation. Il faudrait que le gouvernement nous aide pour compléter notre modernisation», croit plutôt Denys Sylvain.

Le débat est lancé.