1992. Les Américains, qui se remettent péniblement d'une récession, sont conviés aux urnes.

1992. Les Américains, qui se remettent péniblement d'une récession, sont conviés aux urnes.

L'économiste Elaine Kamarck se trouve dans les bureaux électoraux de Bill Clinton quand son conseiller politique James Carville vient de trouver la stratégie qui leur ouvrira les portes de la Maison-Blanche.

«It's the economy, stupid!» écrit Carville sur le tableau du quartier général de Little Rock, en Arkansas. Autrement dit: concentrez-vous sur l'économie, bande de crétins!

«À l'époque, nous savions que cette expression allait marquer notre campagne», confie Elaine Kamarck, qui enseigne aujourd'hui à l'Université Harvard.

En effet. Quelques mois plus tard, le jeune gouverneur de l'Arkansas devient président des États-Unis devant un George Bush affaibli par la récession.

L'expression-choc de Carville entre du même coup dans l'histoire politique américaine.

Seize ans plus tard, les Américains s'offrent le même cocktail explosif: une campagne électorale, une économie mal en point et des menaces de récession.

Est-ce le retour de «It's the economy, stupid!»? Non, croit fermement Elaine Kamarck.

«En 1992, il n'y avait rien pour concurrencer l'économie durant la campagne», dit-elle.

«Il n'y avait pas de guerre froide, pas de menaces terroristes, pas de questions de sécurité nationale. La campagne était seulement une affaire d'économie et de politique intérieure.»

L'économie sera tout de même un enjeu majeur au cours de la prochaine campagne présidentielle. Peut-être même l'enjeu le plus important de la campagne.

«Ça dépend évidemment à quel point l'économie éprouve des difficultés au cours des prochains mois, dit Elaine Kamarck. Mais tant que les États-Unis auront des troupes en Irak, la politique étrangère jouera aussi un rôle important dans la campagne.»

Pour paraphraser James Carville, ce n'est plus seulement l'économie, bande de crétins!

Guerre en Irak

Selon Elaine Kamarck, l'économie n'était qu'un enjeu secondaire quand les candidats démocrates et républicains ont commencé à courtiser les électeurs en vue des primaires.

«Il y a six mois, la guerre en Irak était le seul enjeu électoral aux États-Unis, dit-elle. Mais en raison des difficultés du marché immobilier, la situation a changé et la guerre vient d'être reléguée au deuxième rang, tout juste derrière l'économie.»

Jeffrey Frankel, un autre économiste de Harvard qui a rejoint l'équipe de Bill Clinton en 1996, n'est pas étonné par l'arrivée tardive des enjeux économiques dans la présente campagne.

«C'est normal que les politiciens parlent davantage d'économie quand elle commence à décliner, comme c'est le cas présentement avec toutes ces rumeurs de récession, dit-il. En ce sens, cette campagne ressemble à celle de Bill Clinton en 1992.»

Mais les comparaisons entre les campagnes de 1992 et 2008 s'arrêtent là, prévient Jeffrey Frankel. Car au contraire de Bill Clinton, le candidat démocrate à la présidence - qui pourrait être connu à l'issue des primaires de mardi soir - n'affrontera pas un membre de l'administration sortante.

Ni le président, ni le vice-président, ni même un membre du cabinet. «C'est très rare, dit Jeffrey Frankel. L'économie a toujours été le facteur numéro un afin de décider du résultat d'une élection. Si l'économie va mal, le parti au pouvoir a moins de chances d'être réélu.»

«Comme le président et le vice-président ne se représentent pas, les républicains pourraient être moins affectés par ce phénomène qu'à l'habitude.»

Comme Bush

Selon Jeffrey Frankel, les républicains seraient chanceux de s'en tirer à si bon compte.

«Les candidats républicains à la présidence ne mentionnent pas le nom de George W. Bush parce qu'ils ne veulent pas traîner son bilan économique, mais leurs positions économiques sont identiques aux siennes, dit-il. Je suis un peu surpris, car je pensais qu'un des candidats républicains se distancerait un peu de politiques économiques aussi conservatrices. Mais non, ils pensent tous comme Bush.»

«Nous assistons à une campagne remarquable au plan économique, continue Jeffrey Frankel. Je n'ai jamais vu une campagne où il y a aussi peu de différences entre les positions des candidats d'un même parti, autant chez les républicains que les démocrates. En même temps, je n'ai jamais vu une aussi grande différence entre les positions économiques des deux partis.»

Quelques idées sortent toutefois de l'ordinaire. Comme celle de Barack Obama, qui veut modifier l'Accord de libre-échange nord-américain à l'avantage des travailleurs américains.

«Ça n'arrivera pas, dit Jeffrey Frankel. C'est toujours la même chose: certains candidats parlent ainsi durant la campagne, mais les politiques libres-échangistes des États-Unis restent ensuite virtuellement identiques. Je comprends que certains pays (comme le Canada) s'inquiètent, mais je ne crois pas que ce soit nécessaire de s'en faire.»