Important moment de magasinage américain pour les deux géants laitiers québécois, Saputo et Agropur, convaincus d'investir à l'étranger étant donné les contraintes de croissance de la production laitière au Canada.

Important moment de magasinage américain pour les deux géants laitiers québécois, Saputo et Agropur, convaincus d'investir à l'étranger étant donné les contraintes de croissance de la production laitière au Canada.

À deux jours d'intervalle, Saputo et Agropur ont effectué pour plus de 260 millionsUS d'acquisitions d'entreprises fromagères dans le Midwest des États-Unis, dont les chiffres d'affaires totalisent les 675 millions US.

Agropur, plus importante coopérative laitière au Canada, a annoncé jeudi l'achat de Trega Foods au Wisconsin, une société qui vend pour 300 millions US par année de fromages cheddar, feta et mozzarella.

Trega Foods compte trois usines qui emploient 300 personnes. Elle transforme 650 millions de litres de lait par année, soit le tiers du volume actuel d'Agropur, qui frôle les 2 milliards de litres.

Avec cette acquisition, Agropur fera passer de 2% seulement à 13% la part internationale de son chiffre d'affaires, qui approchera les 2,7 milliards CAN sur une base annualisée.

La coopérative laitière préfère taire le prix d'achat de Trega Foods, du moins jusqu'à sa prochaine assemblée annuelle de sociétaires, le 13 février à Montréal.

Néanmoins, une estimation de la somme payée par Agropur est possible à partir des chiffres de l'acquisition annoncée mardi par sa concurrente Saputo, pour une autre entreprise fromagère du Wisconsin de taille comparable.

Saputo a convenu de payer 160 millions US comptant pour la société Alto Dairy Cooperative, dont le chiffre d'affaires atteint 378 millionsUS en fromages de spécialité et en ingrédients laitiers.

Selon ces montants, l'acquisition de Trega Foods devrait coûter au moins de 100 millions US à Agropur.

«C'est le bon ordre de grandeur: un peu plus de 100 millions mais moins que les 160 millions de la transaction de Saputo», a admis Jean Brodeur, porte-parole d'Agropur.

Chose certaine, c'est la plus grosse transaction hors du Canada réalisée à ce jour par Agropur. Mais sa deuxième aux États-Unis, après une petite transaction en 2002.

Et comme Saputo, qui a grossi considérablement par acquisitions aux États-Unis depuis des années, au-delà des 4 milliards US de chiffre d'affaires, Agropur a l'oeil sur d'autres cibles potentielles d'acquisition au sud de la frontière.

«On s'y prépare depuis quelques années. La structure de l'industrie laitière au Canada, avec la gestion de l'offre parmi les producteurs de lait, nous empêche d'exporter vers les marchés extérieurs en croissance. À commencer par les États-Unis, le marché voisin 10 fois plus gros qu'au Canada», a expliqué M. Brodeur.

«Nous devons donc investir à l'étranger pour faire croître les marchés d'exportation. Si nous ne pouvons pas exporter des produits laitiers du Canada, nous pouvons encore exporter nos capitaux d'investissement, dans le but d'en rapatrier des profits.»

Cette situation apparaît paradoxale pour le plus important transformateur de produits laitiers qui est une propriété directe de centaines de producteurs de lait du Québec, en tant que coopérative.

Mais cette situation n'est pas particulière à Agropur, loin de là.

Le même constat de barrières de croissance au Canada a été fait par Saputo il y a plusieurs années. C'est ce qui l'a motivé à diriger vers les États-Unis la majeure partie de ses efforts d'expansion par acquisitions.

«Dans le contexte actuel de la production laitière au Canada, c'est tout de même mieux que nos grandes entreprises de transformation comme Saputo et Agropur aient les moyens d'acheter à l'étranger, plutôt que des intérêts étrangers achètent nos principales entreprises», selon Pierre Nadeau, président du Conseil des industriels laitiers du Québec.

N'empêche, l'industrie laitière au Canada, très concentrée au Québec et en Ontario, s'est considérablement consolidée depuis 10 ans.

Trois entreprises majeures -Saputo, Agropur et Parmalat- accaparent désormais 70% du marché des produits laitiers au Canada, confirme-t-on au Conseil des industriels laitiers.

La part résiduelle de 30% est partagée entre quelques filiales canadiennes de géants étrangers, comme Danone, et des PME spécialisées telles que Liberté et Damafro, dans les fromages fins et autres produits.