Ce sont les ressources énergétiques d'Alcan (T.AL) et la concurrence accrue sur le marché international de l'aluminium qui ont poussé Alcoa à soumettre lundi une offre d'achat 33 milliards US pour son concurrent, même sans l'accord de ce dernier.

Ce sont les ressources énergétiques d'Alcan [[|ticker sym='T.AL'|]] et la concurrence accrue sur le marché international de l'aluminium qui ont poussé Alcoa à soumettre lundi une offre d'achat 33 milliards US pour son concurrent, même sans l'accord de ce dernier.

«Aujourd'hui, nous proposons de ramener Alcan dans la famille Alcoa», a dit Alain Belda, président de la multinationale américaine qui avait été forcée par les règles antitrust à couper tout lien avec sa filiale canadienne en 1951.

Cinquante ans plus tard, le marché a changé et les autorités réglementaires n'ont pas de raison de dire non à cette fusion des deux géants de l'aluminium, a soutenu le grand patron d'Alcoa en conférence de presse.

«Les régulateurs connaissent l'industrie et savent ce qui se passe, a-t-il dit en évoquant les nouveaux concurrents apparus en Chine, en Russie et ailleurs dans le monde. C'est un marché global.»

Alcoa et Alcan ont discuté très sérieusement -et très secrètement- de la fusion de leurs activités pendant près deux ans, soit jusqu'en novembre dernier. Le président d'Alcoa s'est dit très déçu de l'échec de ces négociations. Pourquoi avoir rompu les pourparlers?

«Vous le demanderez à Alcan», s'est contenté de répondre Alain Belda.

Alcan avait une réponse toute prête à la question. «On a estimé que notre meilleure ligne d'action était de suivre notre stratégie de croissance», a fait savoir sa porte-parole, Anik Michaud. Le conseil d'administration d'Alcan examinera l'offre d'Alcoa et fera une recommandation aux actionnaires d'ici 10 jours.

Alcoa offre 58,60 $ US en argent et 0,4108 de ses actions aux actionnaires d'Alcan, soit l'équivalent de 73,25 $ US par action. C'est 20 % de plus que la valeur des actions d'Alcan à la fermeture des marchés, vendredi dernier.

Malgré cette prime, le marché semble s'attendre à une surenchère puisque l'action s'est envolée lundi jusqu'à un niveau beaucoup plus élevé que l'offre d'Alcoa. Le titre a atteint 90,93 $ à la Bourse de Toronto, avant de se replier légèrement à 90,57 $, en hausse de 23 $, ou de 34 %.

À New York, l'action a aussi fait un bond de 34 %, à 82,11 $US. La surenchère pourrait venir d'Australie, où le géant minier BHP Billiton a depuis longtemps l'oeil sur Alcan.

Alcoa s'attend à tout. «Nous sommes toujours préparés à toutes les éventualités», a assuré Alain Belda.

Si elle se réalise, la transaction ferait d'Alcoa la plus grande compagnie d'aluminium du monde, avec un chiffre d'affaires annuel de 54 milliards US et 188 000 employés dans le monde, devançant le russe Rusal.

Alcoa s'attend a réaliser des économies de 1 milliard US à la suite de la fusion des activités des deux entreprises, notamment dans les frais généraux, les coûts d'approvisionnement et la fabrication.

Ses coûts de production diminueraient, notamment grâce à l'énergie à bas prix que produit Alcan pour alimenter ses usines, notamment au Québec. Alcan produit elle-même 50 % de l'énergie dont elle a besoin, comparativement à 21 % seulement pour Alcoa.

La nouvelle compagnie aurait deux sièges sociaux, un à New York et l'autre à Montréal, où seraient concentrées les activités mondiales de production d'aluminium, c'est-à-dire la bauxite, le raffinage de l'alumine, l'aluminium, l'énergie et la recherche et développement.

Le maintien à Montréal d'un siège social décisionnel, avec un minimum d'employés, est une des conditions posées par le gouvernement du Québec pour qu'Alcan puisse avoir accès à des blocs d'énergie supplémentaires et qu'elle conserve ses droits hydrauliques sur les rivières du Québec.

Lundi, le président d'Alcoa a dit ne pas être au courant des détails des accords existants entre Alcan et le gouvernement québécois, mais il croit qu'il n'y a rien dans cette entente qui pourrait empêcher la transaction.

Le prétendant d'Alcan entend mener à bien les investissements annoncés par Alcan au Saguenay et veut réaliser ses propres projets, soit la modernisation de son usine de Baie-Comeau et l'agrandissement de celle de Deschambault.

Alcoa a mis le premier ministre Jean Charest au courant de ses intentions la semaine dernière, et que les discussions ont été «très constructives».

L'offre d'Alcoa est en vigueur jusqu'au 10 juillet. Si les actionnaires d'Alcan l'acceptent, la transaction pourrait être conclue à la fin de 2007, espère Alcoa.

En fin de journée lundi, les firmes de crédit Moody's et Standard & Poors ont laissé entendre qu'elles pourraient réduire la cote d'Alcoa en raison de cette offre d'achat hostile pour Alcan.