Retraite ou école privée pour les enfants?

Retraite ou école privée pour les enfants?

En termes crus, c'est ainsi que se pose le problème de Danièle et Serge.

Parvenus à la mi-quarantaine, leur budget est déjà serré, et leurs dépenses vont aller croissant: leurs enfants n'ont encore que 6 et 11 ans.

«On ne dépense pas beaucoup, mais on ne réussit jamais à en avoir un peu plus en banque», déplore Danièle.

Le couple touche un revenu total d'environ 130 000$. Les deux conjoints ont chacun un REER collectif avec leur employeur, où ils ont respectivement accumulé 31 000 et 18 000$. Ils possèdent en outre des comptes REER individuels, qui contiennent 32 000$ et 40 000$.

La maison, achetée 145 000$, est grevée d'un solde hypothécaire de 125 000$.

Pour dégager plus de liquidités, le couple jongle avec l'idée d'acheter un immeuble locatif et peut-être d'occuper un des logements.

Dans ce contexte budgétaire serré, comment se présente la retraite? Danièle aimerait bien prendre la sienne à 60 ans.

Pour compliquer les choses, le couple souhaite inscrire son aînée dans un collège privé en 2008.

«Les coûts annuels sont de 5000 à 6000$ et on ne sait pas comment on peut faire pour en arriver là, constate Danièle. Est-ce qu'on est capables? Et si oui, comment continuer à mettre de l'argent dans nos REER? - on n'en met vraiment pas beaucoup On est un peu mêlés dans tout ça.»

La question du duplex

L'impression de Danièle n'était pas fausse: leur marge de manoeuvre est mince.

Le budget qu'ils ont préparé à la demande du planificateur financier Martin Dupras, du Groupe Conseil Aon, montre que leurs revenus nets équilibrent presque parfaitement leurs dépenses de 70 000$ par année.

Le couple dégage un surplus mensuel d'à peine 145$.

Pour résoudre leur dilemme, Martin Dupras a d'abord écarté de l'équation la question du duplex, qui procure souvent un rendement intéressant, mais au prix d'un important investissement en temps.

Payer l'école privée

Le coût annuel de 5000$ des études à l'école privée s'étendra sur 10 ans: dès que l'aînée terminera ses études secondaires, le benjamin entreprendra les siennes. D'où proviendra cet argent? Petite addition

Un emprunt pour des meubles sera acquitté dans quelques mois, ce qui libérera une mensualité de 94$, soit 1128$ par année.

Le remboursement de l'hypothèque s'effectue à un rythme hebdomadaire, ce qui accélère le remboursement mais en augmentant le débours annuel. Le retour à des versements mensuels dégagerait encore 1128$ par année.

«Toutefois, cette avenue ne devrait être considérée que dans la mesure où l'amortissement de l'hypothèque ne dépasse pas votre retraite visée», avise Martin Dupras.

Le surplus budgétaire actuel de 145$ par mois ajouterait 1740$.

Manquent encore quelque 1000$.

Si on oublie l'idée - mauvaise - de réduire les contributions actuelles aux REER collectifs, il ne reste que deux solutions.

Le couple pourrait consacrer aux études le boni annuel - mais inconstant - de Serge, et utiliser la marge de crédit s'il ne se matérialise pas. Sinon, il faudra éliminer une autre dépense, et par conséquent modifier certaines habitudes.

Le planificateur soulève une hypothèse à propos des frais d'études plutôt élevés: «Est-ce qu'une partie des frais estimés représente des frais de garde, la portion des droits de scolarité qui couvrent l'enseignement religieux ou encore des dons à la fondation de l'école? Dans l'affirmative, il pourrait y avoir certaines déductions fiscales.»

Attaquons maintenant l'autre inconnue de l'équation: la retraite. Danièle, âgée de 44 ans, aimerait la prendre à 60 ans, et Serge, plus jeune d'un an, la prévoit à 65 ans.

Que se passe-t-il si les deux conjoints maintiennent leurs cotisations actuelles à leur REER collectif, soit 2% du salaire de Serge et 2,5% de celui de Danièle? Notre planificateur pose l'hypothèse d'un rendement de 6% et d'une inflation de 2,5% par année.

Au moment de la retraite de Serge, en 2027, le couple toucherait ainsi des revenus totaux de 51 000$, en dollars d'aujourd'hui. Ce montant ne représente que 40% des revenus actuels du couple.

«Il sera sans doute difficile de maintenir leur train de vie dans ces conditions», commente Martin Dupras.

Forçons un peu la machine, et portons les cotisations annuelles aux REER collectifs à 6%. En maintenant cette discipline, le couple réussirait à amener ses revenus de retraite à 64 270$ en 2027, soit 51% de son revenu actuel.

Pour atteindre cet objectif, Danielle et Serge devraient respectivement verser 2030$ et 2760$ chaque année, soit un débours annuel supplémentaire de 2635$, une fois l'impôt considéré. C'est autant de moins pour l'école privée

Pour chaque dollar versé par Danièle et Serge dans leur REER collectif, leurs employeurs déposent entre 1,25$ et 1,50$ supplémentaire.

«Face à des programmes de retraite de ce type, ne pas optimiser sa propre cotisation implique de directement renoncer à une partie de la rémunération à laquelle on a droit», fait valoir Martin Dupras.

Le rendement supplémentaire que procure la contribution de l'employeur justifierait peut-être que le couple diminue ses mensualités hypothécaires pour augmenter ses cotisations aux REER collectifs.

Par ailleurs, parce que les frais de gestion de ces régimes collectifs sont souvent moins élevés que ceux des fonds communs individuels, il serait peut-être opportun d'y transférer les REER détenus ailleurs.

Encore des calculs à faire

Dupras, MartinLes projetsMalgré un budget serré, Danièle et Serge espèrent pouvoir inscrire leur fille de 11 ans à un collège privé l'an prochain. Ce projet peut-il être concilié avec une retraite précoce ou même simplement confortable ?

«On travaille fort, et, en fin de compte, on n'en a pas beaucoup pour le rythme de vie qu'on tient.» Danièle

LES CHIFFRES

Serge, 43 ans

Salaire annuel : 69 000$ (avant bonis)

REER individuel : 40580$

REER collectif : 17 890$

Pour chaque dollar cotisé, l'employeur ajoute 1,25$ Serge cotise actuellement 2% de son salaire Retraite visée : 65 ans

Danièle, 44 ans

Salaire annuel : 58 000$ (avant bonis)

REER individuel : 32 060$

REER collectif : 31 455$

Pour chaque dollar cotisé, l'employeur ajoute 1,5$ Danielle cotise actuellement 2,5% de son salaire Retraite visée : 60 ans

LE CONSTAT

Dans les conditions actuelles, il sera difficile de combiner école privée et retraite confortable. Il faudra vraisemblablement faire des compromis quelque part.

MARTIN DUPRAS

Planificateur financier, vice-président, Groupe conseil Aon