Le prolongement du métro vers Laval devrait augmenter le nombre d'utilisateurs du transport en commun. De combien? Les paris sont ouverts.

Le prolongement du métro vers Laval devrait augmenter le nombre d'utilisateurs du transport en commun. De combien? Les paris sont ouverts.

Selon l'Agence de transport métropolitain, 3000 personnes de plus choisiront de prendre le métro plutôt que la voiture pour se rendre au travail tous les jours. Ce n'est pas beaucoup pour un investissement de 800 millions, souligne Gérald Beaudet, directeur de l'Institut d'urbanisme de l'Université de Montréal.

Le nombre de nouveaux adeptes du transport en commun pourrait même être encore moins élevé que ces prévisions, selon lui. Si la voie réservée aux autobus qui transportaient les Lavallois vers la station Henri-Bourassa, sur le pont Viau, est retournée aux automobilistes, la hausse du nombre d'usagers des nouvelles stations pourrait être plus faible.

Le problème, selon lui, c'est que l'impact des investissements dans le transport en commun est toujours réduit, et même annulé, par d'autres investissements dans les ponts et les autoroutes qui favorisent le transport privé.

«Si on veut vraiment développer le transport en commun, il faut aussi rendre le transport privé plus coûteux en argent et en temps», explique l'urbaniste lors d'un entretien avec La Presse Affaires.

Or, le Québec multiplie les décisions contradictoires. Le prolongement du métro de Laval n'empêchera pas le gouvernement d'investir des dizaines de millions de dollars dans la construction d'un autre pont entre Montréal et Laval. Le nouveau pont facilitera la vie des automobilistes qui tiennent à aller travailler en voiture, le plus souvent tout seul dedans, illustre Gérald Beaudet.

De telles décision sont très coûteuses pour une société comme le Québec, qui n'a pas beaucoup de moyens pour investir dans ses infrastructures. «Quand on n'est pas très riche, c'est encore plus important de prendre les bonnes décisions», dit l'urbaniste.

Comparativement au transport en commun, la voiture privée ne cesse de prendre du gallon. «L'imaginaire se renforce de plus en plus avec la publicité, explique-t-il.

L'auto est devenue le refuge ultime de l'individualisme, où il est possible de téléphoner, d'écouter la radio et la télévision». À côté, le transport en commun avec la foule, les attentes et les transferts, fait de moins en moins le poids.

Le gouvernement du Québec s'est donné comme objectif d'augmenter l'achalandage du transport en commun de 8% d'ici juin 2012. Québec veut ainsi réduire la congestion routière et diminuer les émissions de gaz à effet de serre.

Le trou de beigne

Le prolongement des réseaux de transport en commun vers des banlieues de plus en plus éloignées peut encourager l'étalement urbain et vider la ville-centre de ses habitants. C'est l'effet «trou de beigne», expérimenté par plusieurs métropoles américaines.

Selon Gérald Beaudet, c'est un danger qui guette aussi Montréal. La ville a réussi jusqu'à maintenant à conserver des résidents de toutes les classes sociales. Il n'y a pas seulement des riches et des pauvres dans la métropole, mais aussi une classe moyenne qui habite des quartiers dynamiques comme le Plateau, Rosemont, Villeray ou Verdun. Mais pour combien de temps encore?

«Il n'y a pas que le transport qui encourage l'étalement urbain. À chaque fois qu'on ferme un école ou un hôpital de quartier pour en ouvrir d'autre en banlieues, on ouvre de nouveaux fronts d'urbanisation».

Berthierville est un exemple de nouveau front d'urbanisation. «Depuis l'ouverture de l'hôpital Le Gardeur, à Repentigny, ceux qui y travaillent peuvent aussi bien s'installer à Berthier, où les maisons sont moins chères».

Pour encourager l'utilisation du transport en commun, l'urbaniste estime qu'il faut d'abord avoir une approche unique. «Il n'y a aucune raison d'avoir des sociétés de transport autonomes comme à Laval et à Longueuil», dit-il.

Il faut ensuite rendre plus contraignante l'utilisation de la voiture pour se rendre au travail, ce qui veut dire encourager le covoiturage avec des voies réservées et taxer le stationnement.

On n'en sors pas, répète Gérald Beaudet. «Si on ne contraint pas le transport privé, les investissements dans le transport en commun demeureront sans résultat».