La crise immobilière qui secoue présentement les États-Unis cause de sérieux maux de tête aux entrepreneurs de Québec et de Chaudière-Appalaches.

La crise immobilière qui secoue présentement les États-Unis cause de sérieux maux de tête aux entrepreneurs de Québec et de Chaudière-Appalaches.

Les dirigeants de compagnies qui oeuvrent dans le domaine de la construction - l'industrie du bois d'oeuvre en tête - craignent d'être durement touchés par l'effondrement des prêteurs hypothécaires américains. Certains bossent même à revoir leur stratégie d'affaire.

«À l'heure actuelle, il y a énormément d'inquiétude dans l'industrie, déclare l'économiste en chef du Conseil des industries forestières du Québec, Michel Vincent. La diminution importante des mises en chantier entraînée par l'octroi des subprimes nous fait déjà très mal. Et le pire est peut-être à venir», craint-il.

La crise des subprimes découle de l'octroi d'hypothèques dites «à risque» (taux d'intérêt variables, dérivés de crédits, fonds titrisés) à de mauvais payeurs.

Dans les deux dernières années, des milliers de ménages américains avec un mauvais crédit ont profité de ces prêts de la part d'institutions comme Bear Stearns ou BNP Paribas pour s'acheter une maison.

Mais la délinquance sur le remboursement de ces hypothèques est beaucoup plus forte que prévue. Résultat : l'offre de maisons excède maintenant la demande. Les mises en chantier sont d'ailleurs passées de 2 millions en juillet 2006 à 1,4 millions en juillet 2007.

«L'industrie forestière va s'en sortir, croit Michel Vincent. Mais définitivement pas dans le même état qu'avant. Il y a des joueurs qui vont tomber. Et la force du dollar canadien n'aidera certainement pas la situation.»

Exportateurs durement affectés

Les scieries et les entreprises qui oeuvrent dans le préfabriqué dont le chiffre d'affaires dépend en grande partie de l'exportation aux États-Unis se disent également inquiètes par rapport à ce ralentissement.

Un peu moins alarmiste que Michel Vincent, le directeur ventes et marketing chez Matériaux Blanchet, Claude Boulanger, s'est dit préoccupé devant l'incertitude de la situation.

«On va travailler fort pour garder la tête hors de l'eau, dit-il. Depuis qu'on a commencé à ressentir le ralentissement sur le marché aux États-Unis à l'automne dernier, nous avons redirigé une partie de nos exportations américaines vers l'Europe et le Moyen-Orient.»

Les exportations vers les États-Unis de Matériaux Blanchet sont passées de 60 % à 50 %.

Le grand patron de Canam, le beauceron Marcel Dutil, a pour sa part constaté une baisse de moitié de ses exportations d'acier destiné au marché résidentiel américain en raison de la crise.

«Ce qui nous sauve, c'est que seulement 5 % de notre chiffre d'affaires est dans le secteur résidentiel. Nos pertes seront nettement essuyées par nos contrats dans d'autres branches de la compagnie.»

Serge Bragdon, le président et chef de la direction d'IPL, une firme qui oeuvre dans le plastique, parle d'avantage d'effets indirects sur son entreprise.

«Les Américains pris à la gorge avec le remboursement de leur hypothèque arrêteront de consommer des produits de luxe comme les ski-doos qu'on fabrique, explique-t-il. Au niveau de l'emballage industriel on risque aussi de souffrir.»

Minimiser les effets de la crise

Pour éviter les contrecoups de la crise immobilière, les entreprises québécoises devraient axer leurs plans d'affaires sur l'innovation et l'investissement, croient deux économistes.

«L'idée, ce n'est pas de radicalement changer son plan d'affaires, avertit l'économiste principal de la Banque Nationale, Marc Pinsonneault. On planche actuellement à établir les conséquences de cette crise. Elle pourrait se résorber alors il ne faut pas qu'un ralentissement potentiellement conjoncturel change la direction d'une entreprise.»

À son avis, il ne faut pas être alarmiste. «Les chefs de compagnies exportatrices étaient déjà aux prises avec la hausse fulgurante du dollar canadien, explique-t-il. S'ils veulent continuer dans le contexte actuel, ils doivent être compétitifs à travers l'investissement et l'innovation.»

Emmanuel Tessier, analyste financier chez Gestion Trust Éterna, abonde dans le même sens, mais à son avis, il faudra user de prudence dans les prochains mois.

«Si j'étais boss d'une entreprise reliée à la construction, j'aurais tendance à revoir mes stratégies d'expansion. Je n'engagerais pas de nouveaux employés avant que la tempête soit passée.»

Les gestionnaires ont insisté sur l'importance de diversifier activités et marchés. MM Pinsonneault et Tessier sont d'accord.

«À partir du moment où il y a un ralentissement économique aux États-Unis, les banques qui prêtent aux compagnies dans ce marché vont être plus sélectives et demander plus de garanties, conclut M. Tessier. Il est donc important de ne pas axer toute sa stratégie vers un seul endroit.»