On n'est jamais trop prudent, quand on est une entreprise qui se targue d'être la championne du respect de l'environnement et de la responsabilité sociale.

On n'est jamais trop prudent, quand on est une entreprise qui se targue d'être la championne du respect de l'environnement et de la responsabilité sociale.

Aussi, jeudi, Alcan [[|ticker sym='T.AL'|]] a annoncé qu'elle retirait ses billes d'un projet de mine de bauxite et de raffinerie en Inde. Un projet controversé, situé dans l'une des régions les plus pauvres du pays.

Selon l'hebdomadaire Les Affaires, qui vient de consacrer un dossier à ce projet, trois villages et 200 familles ont dû déménager - même si personne ne s'entend sur le nombre exact de personnes affectées.

Un tribunal indien indépendant aurait conclu qu'une cinquantaine d'opposants auraient été arrêtées depuis 2004.

Le site de la mine serait situé sur des terres tribales protégées. Et l'étude d'impact environnemental, qui remonte à 1995, n'a jamais été rendue publique par Alcan et ses partenaires d'affaires.

Autant d'écueils qui ont convaincu Alcan de vendre ses intérêts dans Utkal - 45 % des actions - à son actionnaire majoritaire Aditya Birla Group, géant industriel indien.

L'entreprise montréalaise, qui s'apprête à recevoir la médaille d'or du développement durable du World Environnemental Center, ONG de Washington, espère se départir de ses actions en juin, avant la fin du deuxième trimestre. Elle dit ainsi adieu à un projet rentable.

Même très rentable selon le magazine Down to Earth: un rendement de 6000 % sur 23 ans, en autant que le prix de la tonne d'aluminium se maintienne à 85 $US.

Le projet ne suscitait pas que des critiques au sein de la population indienne. La grogne avait aussi atteint l'actionnariat d'Alcan. Lors de sa dernière assemblée annuelle, ses actionnaires avaient voté à 37 % en faveur d'une résolution demandant une étude indépendante sur les conséquences sociales et environnementales du projet indien.

Indécise, Alcan était en réflexion depuis plusieurs mois sur sa participation dans Utkal. Jeudi, la société a tranché et choisit de se retirer du projet. Elle justifie sa décision en invoquant son manque d'influence en tant qu'actionnaire minoritaire. La société continuera néanmoins de fournir sa technologie à Utkal.

Des risques

«Utkal était un projet qui comportait des opportunités et des risques, dit Anik Michaud, porte-parole d'Alcan. C'est sûr que les considérations sociales et environnementales ont joué. Nous nous sommes retirés parce que nous ne sentions pas que nous avions une influence suffisante dans le processus de décision. Si nous avions eu davantage d'influence, nous aurions pu nous assurer du respect de nos normes sociales et environnementales. Nous allons nous concentrer sur d'autres opportunités d'affaires à l'international où nous avons davantage d'influence, même si nous sommes actionnaires minoritaires.»

Le fonds de retraite Bâtirente, qui gère les économies de 25 000 syndiqués de la CSN, avait appuyé la résolution demandant à Alcan de refaire ses devoirs. Le fonds, qui détient environ 100 000 actions de l'aluminerie québécoise, n'est pas surpris de la décision de l'entreprise.

«Alcan doit être cohérente avec sa philosophie d'entreprise sur la responsabilité sociale et environnementale, dit Laëtitia Tankwe, gestionnaire de risques extrafinanciers chez Bâtirente. Le projet en Inde comportait des risques. Nous ne lui demandions pas de se retirer absolument. Nous voulions une étude indépendante. Si elle concluait que le projet n'était ni rentable ni prudent au plan social et environnemental, nous voulions alors qu'Alcan se retire.»

Plusieurs communautés religieuses avaient aussi appuyé la résolution présentée par les Oblats Missionnaires de Marie-Immaculée de Montréal lors de l'assemblée des actionnaires d'avril 2006.

«Nous sommes heureux du message clair envoyé par Alcan au gouvernement indien et à Aditya Birla Group», dit Diane Boudreau, directrice générale du Réseau de la responsabilité sociale et de l'équité, un organisme regroupant plusieurs communautés religieuses, dont les Oblats de Montréal.

Un détail agace encore les communautés religieuses: la société montréalaise continuera de fournir la technologie nécessaire à la réalisation du projet.

«Nous nous posons encore des questions, dit Mme Boudreau. Nous voulons savoir quels sont les risques de cette relation d'affaires aux plans social et environnemental. Il pourrait y avoir des poursuites.»

L'annonce d'Alcan est survenu le jour même de la publication du dossier de l'hebdomadaire Les Affaires sur ses intérêts en Inde.

«La date de notre annonce et la publication du reportage ne sont qu'une coïncidence», dit Anik Michaud, porte-parole d'Alcan.