Les investisseurs ont frissonné lundi dernier. La Bourse canadienne a glissé de 1,6 % en un jour.

Les investisseurs ont frissonné lundi dernier. La Bourse canadienne a glissé de 1,6 % en un jour.

Pourtant, il n'y avait pas de mauvaise nouvelle... juste une foule d'investisseurs nerveux qui ont retiré leurs sous en même temps, dans la crainte d'un plongeon boursier.

Et puis, non. Fausse alerte!

Mais ce comportement trahit le stress des investisseurs qui redoutent une correction dans les prochaines semaines, ou les prochains mois qui sait?

«Tout le monde est dans le même bain. On s'attend tous à une correction. Tout le monde est sur la défensive», avoue Luc Fournier, gestionnaire d'actions canadiennes à l'Industrielle-Alliance.

Il faut dire que les marchés sont à des sommets qui donnent le vertige. Depuis le creux de 2002, la Bourse canadienne a rebondi de 142 %, sans aucune correction majeure.

«On est dans une séquence où les titres montent trop vite», observe Martin Roberge, stratège quantitatif chez Valeurs mobilières Dundee.

C'est que la planète est bourrée d'argent. Les investisseurs se disputent les occasions de placement.

Les entreprises ont assaini leur bilan. Leurs coffres sont remplis de liquidités qu'elles doivent réinvestir. Par exemple, on apprenait hier que Microsoft, qui dort sur 40 milliards de dollars, pourrait mettre la main sur Yahoo!

À cela s'ajoute les grands fonds privés qui avalent tout ce qui passe, faisant monter aussi les enchères.

Pas étonnant que la valeur des fusions et acquisitions soit à un sommet, à l'échelle mondiale.

De quoi faire frémir les vendeurs à découvert! Ces investisseurs misent à la baisse sur des titres dont ils anticipent la chute. Mais le risque que le titre mal-aimé soit racheté au gros prix, en a forcé plusieurs à se couvrir. Pour cela, ils doivent racheter le titre.

«Cela a amené toute une vague d'acheteurs marginaux dans le marché», indique M. Roberge.

Finalement, les investisseurs individuels, qui arrivent souvent trop tard, entrent à pleine porte à la Bourse. Au premier trimestre, ils ont pompé des sommes faramineuses dans les fonds communs de placement.

Correction passagère

«Est-ce qu'on peut s'attendre à une correction? Oui! Est-ce que ce sera LA correction ultime qui remettra tout en question? Non! On n'a pas encore les éléments pour que la Bourse entre dans un cycle baissier», estime M. Fournier.

Bien sûr, l'économie américaine a ralenti et la croissance des profits n'est plus aussi vigoureuse.

«Mais, historiquement, le marché n'est pas encore trop cher. S'il y a une correction, ça va remonter ensuite», croit Christopher Sears, vice-président à la recherche chez MacDougall, MacDougall & MacTier.

En effet, l'évaluation des titres boursiers demeure raisonnable: les ratios cours/bénéfices oscillent autour de 15 fois les bénéfices, loin de ratios farfelus de 23 fois ou plus.

Les titres de valeur (les titres sous-évalués) ont beaucoup monté, mais les titres de croissance (ceux dont les bénéfices explosent en période de croissance économique) n'ont pas encore pris le relais. Généralement, ce n'est qu'après une hausse des titres de croissance, pendant un an ou deux, que la Bourse entre dans un véritable cycle baissier, explique M. Roberge.

«Mais le scénario de 1987 est très possible», ajoute le stratège. Au lieu d'une petite correction de 5 à 8 %, comme plusieurs l'entrevoient, la Bourse pourrait flancher de 10 à 15 %.

Est-ce à dire qu'il faut évacuer la Bourse? Certainement pas. Investir en fonction de la tendance du marché est une stratégie dangereuse. «Les corrections ne surviennent jamais sur rendez-vous», rappelle Luc Girard, directeur du groupe conseil en portefeuilles chez Valeurs Mobilières Desjardins.

Si on se retire et que le marché grimpe encore, on perd la hausse. Et si la correction survient bel et bien, on peut rater le rebond qui survient parfois très vite.

Vaut mieux rester investi et se boucher le nez si la Bourse plonge temporairement. «Même dans les pires des situations, les investisseurs patients récupèrent leur argent», dit M. Girard.

Il cite le cas de la bulle des technos en 2000. La Bourse américaine s'était effondrée de 44 %. Mais 27 mois après le creux, les investisseurs étaient revenus au même niveau que l'année précédent le sommet. Évidemment, ceux qui ont investi exactement au zénith, ont dû ronger leur frein plus longtemps.

Alors, doit-on se garder d'investir de l'argent frais quand la Bourse est à un sommet historique? Encore une fois, non. «La stratégie la plus intelligente est d'y aller étape par étape plutôt que d'investir d'un seul coup», répond M. Fournier.

Par exemple, l'investisseur qui a présentement beaucoup de liquidités, pourrait en investir la moitié aujourd'hui et conserver l'autre moitié pour faire des emplettes dans un creux du marché s'il a assez de cran pour acheter quand la Bourse tombe, et s'il est assez rapide pour agir avant qu'elle ne remonte.