C'est un pari à prendre, un vrai. Faut-il acheter ou vendre le titre d'une entreprise en pleine santé qui a perdu 10% sur des rumeurs négatives?

C'est un pari à prendre, un vrai. Faut-il acheter ou vendre le titre d'une entreprise en pleine santé qui a perdu 10% sur des rumeurs négatives?

L'entreprise en question s'appelle Astral Media, une organisation très rentable, véritable machine à imprimer de l'argent. Ses revenus viennent principalement des canaux spécialisés de la télévision (Musique Plus, Télétoon, Super Écran, etc.). Depuis plusieurs années, le titre est l'un des chouchous des analystes.

Or voilà, vendredi dernier, Astral a confirmé être en négociation pour acquérir la firme torontoise Standard Radio. L'entreprise de Montréal n'a pas donné de détails sur les modalités de la transaction, parce que pour l'instant, seule une lettre d'intention a été signée. Toutefois, les rumeurs font état d'un prix très élevé de 1,1 à 1,3 milliard de dollars, ce qui équivaudrait à environ 15 fois le bénéfice d'exploitation (BAIIA).

Ces rumeurs d'une transaction coûteuse, qui devrait être conclue en mars, ont fait réagir les investisseurs. Vendredi, l'annonce a été faite après la fermeture des marchés. Lundi, le titre a perdu 4,3%, chutant à 41$. Certes, l'action a repris ???1,28$ depuis, mais à 42,28$???, il demeure environ 10% plus bas qu'à la fin janvier.

Bref, que faire maintenant? Acheter un titre déprécié ou vendre l'action d'une entreprise qui risque trop? Pour s'aider, faisons une liste des avantages et inconvénients.

Dans la colonne des inconvénients, il faut inscrire le prix probable de la transaction, apparemment trop élevé. Marc L'Écuyer, de Cote 100, explique que l'évaluation (15 fois le BAIIA) est basée sur les données publiées par Standard Radio lorsque l'entreprise privée de la famille Slaight voulait ouvrir son capital, le printemps dernier. Il était question de 76 millions de dollars de bénéfice d'exploitation.

C'est l'acquisition récente d'Alliance Atlantis par CanWest Global qui a fait monter les enchères du secteur des médias. La transaction de 2,3 milliards a fixé le prix d'Atlantis à 12,5 fois le BAIIA, mais à 15 fois si l'on exclut l'avantage fiscal non récurrent qui a gonflé les profits de l'entreprise en 2006.

Dans la colonne des moins, il y a aussi le secteur. La radio n'est pas précisément un nouveau secteur en forte croissance. Et la concurrence commence à se faire plus forte du côté de la radio Internet et par satellite, fait valoir M. L'Écuyer.

À 15 fois le BAIIA, Astral mettrait la main sur 52 stations de radio dans 29 marchés au Canada, notamment dans l'Ouest, tandis que CanWest a acheté une entreprise de canaux de télévision spécialisés.

Dans le haut de la colonne des plus, il y a la longue feuille de route des dirigeants d'Astral, reconnus pour être très prudents. Plusieurs fois, on leur a même reproché de s'être fait ravir de belles proies par des concurrents qui osaient davantage. "Historiquement, les dirigeants n'ont jamais payé cher", rappelle M. L'Écuyer.

Autre élément à considérer : l'acquisition ferait d'Astral le premier acteur dans la radio au Canada, avec un total de 81 stations d'un océan à l'autre. Des synergies sont à prévoir du point de vue de l'offre publicitaire.

Également, la transaction diversifierait les revenus d'Astral et donc le risque. Actuellement, 73% des revenus viennent de la télé et 19% de la radio. Après l'acquisition, cette répartition passerait à 55%-39%.

Comme bien d'autres, Marc L'Écuyer attend d'avoir des détails avant de bouger. Officiellement, Astral a seulement dévoilé le mode de paiement : 80% en espèces et 20% en actions. Les observateurs en sauront plus au moment au moment de l'annonce.

Sur les 12 analystes qui suivent le titre, un seul recommande d'acheter, tandis que 10 suggère de le conserver et un de le vendre. Certains ont revu leurs prévisions à la baisse, comme Carl Bayard, de Valeurs mobilières Desjardins. Dans sa plus récente analyse, M. Bayard a fait passer son prix cible de 53$ à 47$ et sa recommandation de acheter à conserver.

Mais y aura-t-il une transaction? Ce n'est pas sûr. D'abord, il n'y a pas encore d'entente finale. Ensuite, il y a les interrogations de l'organisme canadien de réglementation des ondes, le CRTC. Jeudi, l'organisme a dit vouloir élargir le débat public sur les fusions de médias, considérant la taille des transactions. C'est la première fois depuis des années que le CRTC veut se pencher sur cette question.

En somme, les carottes ne sont pas cuites pour Astral.