À la demande du Bureau canadien de la concurrence, les trois grandes compagnies de cigarettes avaient accepté de ne plus imprimer les mots «légère» ou «douce» sur leurs paquets, ces cigarettes étant aussi toxiques que les autres.

À la demande du Bureau canadien de la concurrence, les trois grandes compagnies de cigarettes avaient accepté de ne plus imprimer les mots «légère» ou «douce» sur leurs paquets, ces cigarettes étant aussi toxiques que les autres.

Mais dans un livret à distribution restreinte obtenu par La Presse, JTI-Macdonald explique que ces adjectifs seront simplement remplacés par des mots comme «veloutée» ou «ultra-veloutée».

Les autres compagnies continuent elles aussi à utiliser des trucs trompeurs, souligne l'Association pour les droits des non-fumeurs, selon qui il s'agit là de la plus grave fraude commerciale au Canada. Des documents internes montrent que les compagnies savent que des millions de personnes aimeraient arrêter de fumer. Pour les en dissuader, elles leur font croire que des cigarettes moins fortes nuisent moins à leur santé.

Avec sa grande usine dans l'est de Montréal, JTI Macdonald est le plus important fabricant de cigarettes au pays. La compagnie a distribué un «guide des dénominations de marques» à un congrès national de propriétaires et de gérants de dépanneurs et de stations d'essence, qui a réuni plus de 4000 personnes les 7 et 8 mars à Toronto.

«Suite à notre lettre du 20 novembre 2006, JTI-Macdonald a commencé à enlever les dénominations «légère» et «douce» ainsi que leurs variantes sur ses paquets de cigarettes et ses produits Coupe fine, explique Nelson Medeiros, vice-président à la mise en marché commerciale, dans l'introduction du livret. Les produits avec leurs nouvelles dénominations seront bientôt disponibles chez tous les détaillants canadiens.»

Ainsi les Export 'A' «légères spéciales» deviendront les Export 'A' «veloutées». Les Macdonald Select «ultra douces» deviendront les Macdonald Select «ultra veloutées» ou «extra veloutées».

La compagnie utilisera des chiffres et des codes de couleurs en dégradé: les Vantage «ultra légères» deviendront les Vantage «Un 1» avec un code bleu; les Vantage «légères» deviendront les Vantage «Spécial 5» avec un code gris; tandis que les Vantage les plus fortes porteront le chiffre 9 avec un code rouge.

Distributeur de marques américaines au Canada, JTI Macdonald remplacera les Camel et les Winston «légères» par des Camel et des Winston «bleu». La compagnie Imperial Tobacco, principal commanditaire du congrès commercial de Toronto, a désormais recours à des dégradés de couleurs et à différents types de voiliers pour distinguer ses Player's «légères».

Les fabricants ont longtemps brandi des tests faits avec des machines pour faire croire qu'une bouffée de cigarette dite légère contenait moins de nicotine et de goudron qu'une cigarette normale.

Ce n'est pas faux; le papier, par exemple, est plus perforé. Mais les humains ne sont pas des machines: d'autres tests ont prouvé que les fumeurs compensent le manque de nicotine en prenant plus de bouffées ou en bouchant les trous du papier avec leurs doigts, et cela de façon automatique. Résultat: ils absorbent autant de goudron.

Chiffres éloquents

Des études épidémiologiques ont montré que les fumeurs de «légères» courent autant de risques. La moitié des fumeurs canadiens fument des légères; la moitié des quelque 37 000 Canadiens tués chaque année par le tabac sont des fumeurs de légères.

«Nous pouvons démontrer que les consommateurs de ces marques ne cessent presque pas de fumer», signale un document interne d'Imperial Tobacco.

Un dirigeant de la compagnie s'en félicitait dans une conférence: «Il est utile de considérer les légères davantage comme une troisième option pour ceux qui pensent cesser de fumer ou réduire leur consommation».

Un autre document interne notait: «Les Player's extra-légères sont toujours présentées comme une version plus douce, et donc plus saine... Elles demeurent une solution santé pour les fumeurs.»

Le Canada a signé une convention de l'Organisation mondiale de la santé, interdisant que les paquets de cigarettes «donnent directement ou indirectement l'impression erronée qu'un produit du tabac particulier est moins nocif que d'autres» en utilisant des termes trompeurs comme «à faible teneur en goudron» ou «légères».

Des pressions

Réagissant à une plainte, le Bureau fédéral de la concurrence a fait pression sur les trois principales compagnies pour qu'elles cessent d'employer les termes «légères» et «douces» à compter du 1er juillet 2007. L'entente a été conclue l'automne dernier. Mais rien n'empêche les compagnies d'utiliser des synonymes.

«On peut jouer au chat et à la souris pendant des années, dit François Damphousse, de l'Association pour les droits des non-fumeurs. Le gouvernement prévoit déposer bientôt un règlement sur les termes trompeurs. S'il interdit seulement les qualificatifs «douces' et 'légères», ce sera insuffisant pour éliminer la fraude. Le gouvernement devrait obliger les compagnies à vendre des paquets neutres, de couleur terne, où seraient seulement écrits la marque, le nombre de cigarettes et les avertissements de Santé Canada.»