La Bourse canadienne du carbone risque de mourir dans l'oeuf, si le gouvernement fédéral ne fixe pas rapidement des objectifs de réduction des gaz à effet de serre.

La Bourse canadienne du carbone risque de mourir dans l'oeuf, si le gouvernement fédéral ne fixe pas rapidement des objectifs de réduction des gaz à effet de serre.

"Ce qui m'inquiète le plus, c'est de voir un glissement du marché vers l'étranger", a indiqué Luc Bertrand, président et chef de la direction de la Bourse de Montréal.

Le Marché climatique de Montréal est né l'été dernier d'un partenariat entre la Bourse de Montréal et le Chicago Climate Exchange.

Il reste pour l'instant à l'état de projet. Si le gouvernement n'établit pas une réglementation rapidement, M. Bertrand craint que les grandes entreprises ne se tournent vers les marchés étrangers.

"Des entreprises comme Alcan vont vouloir monétiser ailleurs leurs efforts de réduction de gaz à effet de serre. Elles iront sur les marchés étrangers ou sur le marché de gré à gré qui est plus opaque. Une fois que le marché est parti, il est très difficile de le rapatrier", a ajouté M. Bertrand.

Alcan qui est un gros émetteur de gaz à effet de serre, se targue d'avoir réduit ses émissions de 25% entre 1990 à 2005, alors que sa production a augmenté de 35%. Au total, l'intensité des émissions a donc diminué de 45%.

"Les gouvernements ont un rôle clair à jouer pour donner une valeur aux réductions de carbone", estime justement Jean Simon, président de la division de métal primaire d'Alcan pour le Québec et les États-Unis.

Le manque de clarté de la part du gouvernement pourrait même freiner les efforts des entreprises qui craindraient de ne pas être reconnus dans l'avenir, pour leurs efforts passés.

"Il y a une urgence d'établir un marché du carbone. Sinon, ça devient risqué pour les entreprises de trop s'avancer dans leur réduction", affirme François Rebello, président du Groupe Investissement Responsable.

Il pense aussi qu'une Bourse du carbone permettrait de rétablir l'équité entre les provinces. Le Québec est cinq fois efficace que l'Alberta en matière d'émission de gaz à effet de serre. "Cela représente un gain théorique de 700 millions de dollars pour le Québec", calcule M. Rebello qui participait, hier, à une conférence sur les conséquences des changements climatiques sur l'investissement.

"Il y a des investisseurs à court terme qui ne se soucient que des résultats du prochain trimestre. Mais ceux à long terme, comme les caisses de retraite, voient les choses différemment", a dit Gilles Rhéaume, vice-président du Conference Board du Canada.

L'organisme présentait les résultats d'une vaste enquête, le Carbon Disclosure Project, à laquelle ont participé plusieurs grands investisseurs institutionnels canadiennes, dont la Caisse de dépôt et de placement du Québec.

Ces grands investisseurs ont questionné 280 entreprises canadiennes dont ils sont actionnaires, sur leur émission de gaz à effet de serre.

Seulement 28% des entreprises ont répondu à leur question, ce qui dénote un problème de manque de divulgation de l'information.

En outre, la qualité des réponses varie considérablement. Plusieurs entreprises ont éludé les questions. Peu ont fourni des renseignements financiers stratégiques et prévisionnels. Plusieurs ont déclaré que l'incertitude concernant la mise en oeuvre de la première phase du protocole de Kyoto était le principal obstacle à l'estimation des coûts potentiels des diminutions d'émissions.

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