Phil Anderton n'avait jamais mis les pieds dans un stade de tennis avant de devenir le directeur du marketing de l'ATP (Association des joueurs de tennis professionnels) en mars dernier.

Phil Anderton n'avait jamais mis les pieds dans un stade de tennis avant de devenir le directeur du marketing de l'ATP (Association des joueurs de tennis professionnels) en mars dernier.

«Je regardais Wimbledon de temps en temps à la télé parce que j'habitais en Grande-Bretagne, mais c'est tout, avoue-t-il. Si vous m'aviez demandé de nommer trois joueurs, j'aurais répondu Federer, Nadal et... Björn Borg!»

Quand il a assisté à son premier tournoi à Miami, l'Écossais de 42 ans s'attendait à rencontrer les meilleurs joueurs de tennis au monde. Il a plutôt découvert des gladiateurs des temps modernes.

«Ils se battent à un contre un devant 15 000 personnes sans pouvoir compter sur l'aide de personne, dit Phil Anderton. Les joueurs sont soumis à une pression immense, et ils n'ont pas le choix d'y faire face. Cette atmosphère de combats de gladiateurs est unique au tennis.»

Les gladiateurs des temps modernes. Anderton venait de trouver son nouveau concept de pub.

Le titre -Feel It- viendra plus tard. Mais en publicitaire averti -il a déjà dirigé les campagnes de multinationales comme Procter & Gamble et Coca-Cola avant de travailler dans le milieu du rugby et du soccer en Écosse- il a cru bon de sonder son public cible: tous les Phil Anderton de ce monde qui aiment le tennis mais qui n'ont jamais assisté à un match professionnel. L'ATP estime qu'ils sont 1,2 milliard de personnes.

«Nous avons découvert que les amateurs de tennis sont passionnés par l'aspect du duel et de l'affrontement de gladiateurs, dit son collègue George Ciz, directeur du développement des affaires de l'ATP. Les amateurs aiment aussi l'intensité du jeu, les rivalités entre les joueurs et la force mentale dont les joueurs doivent faire preuve.»

Une fois son concept arrêté, l'ATP s'est lancée à la recherche d'une agence de publicité. Exceptionnellement, trois joueurs se sont retrouvés en finale: deux agences de Londres -la ville du siège social du circuit- et Taxi2, agence torontoise de 30 employés qui ne compte que quelques mois d'existence.

Contre toute attente, l'ATP a été séduite par les boules de feu, les dragons, les taureaux et autres animaux des croquis de Taxi2.

«Cette série d'effets visuels permet de faire sentir aux gens la puissance et la passion du tennis», dit George Ciz.

Miser sur les rivalités

Afin d'attirer de nouveaux adeptes dans ses stades, l'ATP a aussi voulu miser sur les rivalités entre les joueurs et leurs différences de personnalité.

Au premier rang mondial, le Suisse Roger Federer, calme et traditionnel. Suivent ensuite ses dauphins Rafael Nadal et Novak Djokovic, jeunes, fougueux, parfois irrévérencieux.

«Nous sommes chanceux de pouvoir compter sur l'un des groupes de joueurs les plus excitants que le tennis ait connus depuis longtemps, dit George Ciz. En même temps, la campagne n'est pas basée sur les joueurs autant que sur le sport lui-même.»

«Federer est un grand joueur et un atout pour l'ATP, mais il ne jouera pas tous les tournois, dit Jeremy Gayton, directeur général de Taxi2. Il pourrait aussi se blesser. Il nous fallait une formule qui puisse intégrer les autres joueurs et les vedettes de l'heure.»

Taxi2 a tout de même pris note des exploits de Federer, qui, à 26 ans, s'approche dangereusement du record le plus prestigieux du tennis -les 14 titres du Grand Chelem de l'Américain Pete Sampras.

Dans la motion de service de Federer, on aperçoit le reflet de Borg, Sampras, McEnroe et des autres grands du tennis.

«Nous avons utilisé des éléments visuels qui correspondent au style de jeu et à la personnalité des meilleurs joueurs, dit Lance Martin, directeur créatif de Taxi2. Pour Federer, nous avons voulu illustrer sa poursuite des plus grands records du tennis.»

Lancement cette semaine à Paris

La campagne Feel It a été lancée officiellement cette semaine à Paris à l'occasion du Masters BNP Paribas, dernier tournoi d'importance cette année à l'exception de la Coupe Masters.

Le Masters de Paris est un tournoi comparable à la Coupe Rogers qui se déroule chaque été au Canada.

«Quand nous l'avons présentée officiellement aux directeurs de tournoi au mois d'août, ceux qui avaient un tournoi cet automne voulaient absolument utiliser notre campagne de publicité, dit Jeremy Gayton, de Taxi2. Ils devront toutefois attendre l'an prochain car il était prévu depuis longtemps que le lancement officiel aurait lieu au Masters de Paris.»

En 2008, l'ATP encouragera fortement ses 56 directeurs de tournoi à troquer leurs propres campagnes de publicité au contre Feel It. Montréal n'aura toutefois pas cette chance.

L'an prochain, le tournoi masculin de la Coupe Rogers aura lieu à Toronto. La Ville reine sera tapissée des affiches géantes de Federer, Nadal, Djokovic -auxquelles s'ajouteront celles des vedettes locales comme Frank Dancevic, meilleur joueur canadien en simple, et Daniel Nestor, numéro trois au monde en double.

Tennis Canada jure ne pas seulement faire preuve de patriotisme -après tout, les affiches géantes de Federer et compagnie ont été conçues à Toronto.

«C'est une campagne de classe internationale qui s'adapte bien localement, dit Michael Downey, PDG de Tennis Canada. L'an dernier, nous avons mis les photos de Federer, Nadal et Roddick sur nos affiches. C'était suffisant, mais nous sommes heureux de pouvoir maintenant compter sur des créateurs qui ont mis les joueurs en valeur de façon provocante et audacieuse.»

Phil Anderton trouve aussi sa dernière campagne publicitaire audacieuse. Mais ce n'est pas sa principale qualité, estime-t-il.

«Nous avons accroché sur ce concept parce que nous pensons qu'il ne s'épuisera pas après un an, dit-il. L'exécution de la campagne changera, mais l'idée centrale restera la même. Je ne veux pas du tout nous comparer à Nike, mais la campagne Just Do It dure depuis des années pour la même raison. Même chose pour la campagne Always de Coca-Cola.»

Comme Feel It, Phil Anderton espère rester associé encore longtemps aux vedettes du tennis mondial, d'autant plus qu'il vient tout juste d'apprendre leurs noms et que ses trois enfants sont tombés amoureux du sport.

«Ils ont commencé à jouer quand ils ont rencontré Rafael Nadal, dit-il en riant. C'est un des avantages de mon nouvel emploi, il faut croire...»