L'exploitation des sables bitumineux de l'Alberta, en plein boom, devient-elle trop coûteuse aux yeux des investisseurs internationaux?

L'exploitation des sables bitumineux de l'Alberta, en plein boom, devient-elle trop coûteuse aux yeux des investisseurs internationaux?

En tout cas, Petro-Canada [[|ticker sym='T.PCA'|]] vient de se heurter à ce doute, au point d'annuler soudainement la mise en vente de cinq propriétés de sables bitumineux encore inexploitées, dans le nord de l'Alberta.

Cette vente, amorcée à la mi-novembre, devait rapporter au moins 1,5 milliard de dollars à la plus grosse société pétrolière sous contrôle canadien, selon des estimations de quelques analystes.

Or, en annulant la vente, hier, la direction de Petro-Canada a indiqué ne pas avoir obtenu d'offres satisfaisantes pour ses parts de gisements que l'on estime à 1,7 milliard de barils de pétrole lourd.

«La baisse du prix du pétrole depuis l'automne dernier a sans doute résulté en des offres inférieures à ce qu'anticipait Petro-Canada», selon Tom Ebbern, analyste chez Tristone Capital, de Calgary.

Autre indice d'un intérêt moindre des investisseurs pour les sables bitumineux: le géant pétrolier britannique BP, pressenti encore récemment comme acquéreur de Suncor Energy, numéro deux des sables albertains, a confirmé hier son désintérêt pour ces gisements.

Selon le chef de la direction de BP, Tony Haywart, les gisements pétrolifères de type non conventionnels comme les sables bitumineux de l'Alberta «ne peuvent pas concurrencer» les gisements traditionnels de pétrole de BP, ailleurs dans le monde.

Pour le moment, BP préfère donc s'en tenir à son investissement de 3 milliards US à sa raffinerie en Indiana, aux États-Unis, afin d'y permettre le raffinage de pétrole lourd comme celui provenant des sables albertains.

Pendant ce temps, en Bourse, les titres des principaux producteurs de pétrole des sables bitumineux ont perdu de leur lustre au cours des dernières semaines.

Les parts de la fiducie Canadian Oil Sands, principal actionnaire de Syncrude, numéro un des sables bitumineux, ont reculé 4,6% depuis le début de l'année.

C'est une glissade à contre-courant de l'indice sectoriel des titres d'énergie de la Bourse de Toronto, en hausse de 3% depuis le début de 2007.

Même scénario pour Suncor Energy, deuxième exploitant des sables bitumineux. Ses actions ont reculé de 4,5% depuis le début de l'année.

Quelle est l'explication, selon les analystes?

Dans un premier temps, la baisse du prix du pétrole depuis l'été dernier, un facteur incontrôlable pour Suncor et Syncrude, a évidemment rogné leur marge bénéficiaire.

D'autant plus que le pétrole lourd extrait des sables obtient un prix inférieur sur les marchés en raison de sa qualité moindre, qui en complique le raffinage et accroît son coût.

Mais surtout, observent des analystes, les derniers résultats trimestriels des plus gros exploitants de sables bitumineux ont confirmé la hausse importante de leurs coûts.

Chez Suncor en particulier, les frais d'exploitation ont grimpé en un an de 26% aux environs de 25,65$ par baril de pétrole extrait des sables.

«Des résultats décevants Cette hausse des coûts combinée à une faiblesse anticipée des cours pétroliers risque de comprimer davantage la marge bénéficiaire de Suncor durant 2007», indiquait Adam Zive, analyste en sociétés d'énergie chez Valeurs mobilières Desjardins, à Toronto, dans une récente note.

Dans le cas de Canadian Oil Sands (Syncrude), le plus récent profit trimestriel, divulgué la semaine dernière, était en baisse de 26% en un an.

Les raisons invoquées: baisse du prix du pétrole, mais aussi hausse des frais d'exploitation et des redevances d'État, qui ont poussé ses coûts de base à 23,60$ par baril.

Pendant ce temps, malgré leurs résultats en baisse, des entreprises comme Suncor et Syncrude ont engagé des milliards de dollars d'investissements dans le nord de l'Alberta.

Et ces projets, ajoutés à ceux d'autres pétrolières comme Shell Canada et Petro-Canada, se font de plus en plus concurrence pour attirer des fournisseurs et des travailleurs qualifiés, à coûts croissants.

Les réserves de pétrole des sables bitumineux, estimées à 175 milliards de baril, sont considérées les deuxièmes au monde, après celles de l'Arabie Saoudite.

Mais ces gisements de sables bitumineux, qui produisent déjà le pétrole parmi les plus coûteux du monde, sont aussi de plus en plus critiqués pour leurs dommages environnementaux.

C'est en partie ce qui a motivé l'avertissement contre les titres d'énergie à la Bourse de Toronto émis lundi par Jeff Rubin, stratège boursier et économiste en chef de Marchés des capitaux CIBC.

Jeff Rubin entrevoit des résultats financiers moindres en raison d'un marché pétrolier en baisse dans les économies développées. Mais aussi l'impact de mesures coûteuses prises pour réduire les émissions de gaz à effets de serre.