La décision d'Ottawa de déréglementer la téléphonie locale dans les villes va-t-elle favoriser la concurrence ou au contraire la miner ? Les experts ne s'entendent pas là-dessus.

La décision d'Ottawa de déréglementer la téléphonie locale dans les villes va-t-elle favoriser la concurrence ou au contraire la miner ? Les experts ne s'entendent pas là-dessus.

«Les grands de la téléphonie ont encore les moyens de casser les prix pour affamer leurs compétiteurs», craint l'observateur des nouvelles technologies Michel Dumais.

Selon lui, le ministre de l'Industrie Maxime Bernier pourrait avoir agi trop rapidement en permettant aux anciens monopoles du secteur de fixer leurs tarifs à leur guise dans les centres urbains, renversant ainsi une décision du CRTC qui les empêchait d'offrir leurs services en bas du prix coûtant.

Mais pour d'autres spécialistes, il était temps de permettre à tous les joueurs de s'affronter sur un pied d'égalité.

Les forfaits, le nouvel enjeu

Selon l'analyste Kevin Restivo, de la firme de consultants en télécommunications SeaBoard Group, la bataille entre les anciens monopoles et leurs nouveaux concurrents se joue désormais au-delà de la téléphonie locale.

«Il s'agit d'être capable d'offrir de bons forfaits, croit-il, faisant allusion aux services Internet et à la câblodistribution. Pourquoi est-ce que Rogers pourrait le faire, et pas Bell ou Telus ? Maintenant, on va voir qui est véritablement compétitif.»

L'analyste Brahm Eiley ne prend pas position sur la décision du gouvernement, mais juge aussi que les forfaits ont supplanté les prix comme nerf de la guerre des télécommunications.

«Comme client, est-ce que vous voulez recevoir différentes factures chaque mois ou une seule ? demande cet expert de la firme Convergence Consulting Group. La question clé pour Bell et Telus, c'est leur capacité ou non d'offrir des forfaits à leurs clients avant qu'ils les quittent.»

Preuve que les prix ne sont pas déterminants sur le marché actuel des télécommunications, selon lui: la difficulté de la société de téléphonie par Internet Vonage à percer au Canada, alors qu'elle y offre des tarifs particulièrement bas.

M. Eiley prévoit que les sociétés de câblodistribution, comme Vidéotron, continueront à profiter de leur capacité d'offrir trois services à la fois pour ravir des parts de marché aux grands de la téléphonie.

Les régions malmenées?

Le ministre Bernier s'est par ailleurs fait reprocher d'être injuste envers les régions éloignées: il ne lève la restriction sur les tarifs des gros joueurs que dans les régions où trois compagnies s'affrontent, ce qui est le cas dans les grandes villes mais pas dans les campagnes.

«On pourrait soutenir, au contraire, qu'Ottawa protège les régions rurales», remarque Kevin Restivo, faisant valoir que le maintien de la réglementation vise l'émergence de la concurrence.

Mais Michel Dumais craint que la mesure perpétue des tarifs de téléphonie désavantageux dans des régions qui souffrent déjà d'être négligées et de perdre leur population.

«Ça me fait penser à la déréglementation dans le secteur aérien, dit-il. Dans certains secteurs centraux, le coût des voyages a baissé, mais dans les régions éloignées, c'est une autre histoire. C'est plus avantageux d'aller en Australie qu'à Sept-Îles !