Mise au pied du mur par des problèmes qui viennent de partout, l'industrie du porc québécois espère s'être trouvée un sauveur, hier, en se tournant vers Lucien Bouchard.

Mise au pied du mur par des problèmes qui viennent de partout, l'industrie du porc québécois espère s'être trouvée un sauveur, hier, en se tournant vers Lucien Bouchard.

L'ancien premier ministre a été appelé à la rescousse à la demande d'Olymel, le plus gros transformateur de porcs de la province. Son mandat: conduire des négociations pour " réformer en profondeur " l'industrie porcine de la province.

" Il est urgent d'agir ", a souligné hier Richard Vigneault, porte-parole d'Olymel. Selon l'entreprise, les " problèmes chroniques " du secteur du porc frais ont entraîné des pertes de plus de 100 millions de dollars entre 2003 et 2005, et le trou devrait se creuser de 55 millions de plus en 2006. " Seulement en ce qui a trait à Olymel, près de 4000 emplois sont menacés si rien n'est fait pour améliorer les condition de production, de mise en marché, d'abattage et de transformation ", soutient l'entreprise.

" Mon mandat consiste à réunir dans les meilleurs délais les conditions qui permettront non seulement à Olymel de poursuivre ses activités dans le secteur du porc frais du Québec, mais également d'améliorer la position de l'ensemble de l'industrie porcine du Québec face à ce qui se passe ailleurs sur le continent ", a précisé hier M. Bouchard dans un communiqué.

Le défi de M. Bouchard sera de réunir à une même table les gouvernements, les producteurs de porcs, les transformateurs et les syndicats qui représentent leurs travailleurs et dégager des solutions qui font l'affaire de tous.

La Fédération des producteurs de porcs du Québec et l'Union des producteurs agricoles (UPA) ont déjà salué l'arrivée de M. Bouchard dans un dossier qui risque d'être chaud. " M. Bouchard a présidé deux sommets de l'agriculture. Il connaît bien l'industrie, il connaît bien les intervenants, et c'est un homme de consensus ", a dit hier Jean Larose, directeur général de l'UPA.

Pour lui, l'objectif de l'industrie est simple: retrouver le seuil de rentabilité. Plusieurs tuiles sont tombées sur l'industrie porcine du Québec au cours des dernières années, à tel point que, de l'avis de plusieurs, c'est tout simplement l'avenir de l'industrie porcine qui est en train de se jouer dans la province.

Les maladies ont décimé une partie du cheptel québécois alors que la hausse du dollar canadien minait la compétitivité de l'industrie. L'ancien moratoire sur la production porcine a empêché le développement de mégaporcheries comme celles des Américains, qui livrent une concurrence féroce sur les marchés de l'exportation où aboutissent la majorité des porcs québécois.

Ces difficultés ont entraîné bien des tensions dans le monde du cochon québécois. Les dirigeants d'Olymel ont eux-mêmes essuyé la grogne de leurs travailleurs lorsqu'ils ont présenté un vaste plan de relance incluant des coupes d'emplois. L'usine de Saint-Simon, par exemple, a fait l'objet d'un bras de fer. Olymel a annoncé sa fermeture, mais le syndicat a réussi à faire annuler cette décision devant les tribunaux. Olymel a annoncé hier son intention de poursuivre la bataille juridique pour la fermer définitivement. Le fait que le transformateur poursuive actuellement son expansion dans l'Ouest canadien a envenimé le débat.

Jean Lortie, président de la Fédération du commerce de la CSN qui représente les travailleurs de Saint-Simon, a refusé de commenter hier l'arrivée de M. Bouchard dans le dossier.

Des tensions se sont aussi élevées entre ceux qui élèvent les porcs et ceux qui les abattent. Les premiers accusent les abattoirs de ne pas être assez concurrentiels par rapport aux installations américaines, tandis que ceux-ci prétendent se faire livrer des porcs trop petits, ce qui mine leur productivité.

Même parmi les transformateurs, on ne s'entend pas. Olymel, par exemple, aimerait revoir le système de gestion de l'offre, un système complexe propre au Québec qui approvisionne les abattoirs en porcs frais. Plusieurs autres transformateurs prônent plutôt le statu quo et craignent la position dominante d'Olymel dans le marché. Chez Viandes DuBreton, un transformateur comme Olymel, on s'interrogeait d'ailleurs, hier, sur les intentions du concurrent de faire appel à Lucien Bouchard. " Qu'est-ce qu'Olymel va tenter par là? Est-ce que la solution passe nécessairement par ce que propose Olymel? Je ne sais pas. Il n'y a pas juste Olymel dans cette industrie. Il faudra voir comment l'intérêt de l'industrie au complet va être considéré ", a dit hier à La Presse Affaires Vincent Breton, directeur général de Viandes DuBreton.

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