Les syndiqués d'Olymel au Québec accueillent avec un brin de méfiance le mandat confié à l'avocat et ancien premier ministre Lucien Bouchard, qui doit se pencher sur la situation précaire de l'industrie porcine, plus particulièrement celle d'Olymel.

Les syndiqués d'Olymel au Québec accueillent avec un brin de méfiance le mandat confié à l'avocat et ancien premier ministre Lucien Bouchard, qui doit se pencher sur la situation précaire de l'industrie porcine, plus particulièrement celle d'Olymel.

En fait, ils craignent surtout qu'on leur demande à nouveau des concessions salariales ou au chapitre des conditions de travail.

Jusqu'ici, les représentants des syndiqués s'étaient faits plutôt discrets face à cette nomination, contrairement aux producteurs de porc et à l'Union des producteurs agricoles, qui y ont vu une lueur d'espoir et ont salué les talents de négociateur de M. Bouchard.

Mercredi dernier, le géant de l'agro-alimentaire Olymel a annoncé qu'il avait donné à l'ex-premier ministre le mandat "d'interpeller ses principaux partenaires" afin d'identifier les voies qui lui permettraient de renouer avec la rentabilité.

Olymel, qui détient 60 pour cent du marché québécois, est aux prises avec des difficultés financières. L'entreprise cherche donc à réorganiser ses activités, provoquant des grincements de dents chez ses syndiqués. Certains de ceux-ci ont déjà affronté des menaces de fermeture dans le passé et ont dû accepter des concessions salariales.

Olymel a des syndiqués à la CSN, à la FTQ ainsi qu'à la CSD, ce qui ne fera que compliquer encore davantage le dossier.

"Un peu curieux"

"C'est sûr qu'on ne refusera pas de le rencontrer", a lancé en entrevue Louis Bolduc, adjoint exécutif au directeur national des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce (TUAC-FTQ). "Mais si on le rencontre et que ça se résume à dire que pour être compétitif, on doit purger les conventions collectives et faire des coupures... L'entreprise n'a pas besoin d'un ex-premier ministre pour nous rencontrer."

M. Bolduc est catégorique: "Il n'y aura pas de concessions dans les conditions de travail ni dans les conditions de salaires. On a fait notre part. Il n'est pas question d'aller rencontrer M. Bouchard avec Olymel pour parler de concessions salariales ou de concessions dans les conditions de travail."

Il affirme demeurer quand même ouvert à ce qui pourrait être proposé. "Il ne faut jamais dire non avant d'avoir vu."

Il croit même que "l'apport de M. Bouchard peut être bénéfique pour l'industrie porcine au Québec", notamment s'il permet aux joueurs de dialoguer entre eux et de régler leurs problèmes d'approvisionnement.

Selon M. Bolduc, les principaux problèmes de l'industrie du porc ne sont pas les conditions de travail des syndiqués, mais la valeur du dollar canadien, le moratoire sur les porcheries et les problèmes d'approvisionnement.

Il trouve aussi "un peu curieux" le mandat de M. Bouchard, nommé par Olymel, mais qui semble vouloir déborder sur toute l'industrie porcine. "Je ne pense pas que c'est négatif, mais je me questionne. Ce qui me fatigue dans son mandat, c'est la question des conditions de travail. J'ai hâte de voir quelles sont ses intentions."

Les TUAC représentent 2200 syndiqués d'Olymel au Québec, 2000 en Alberta et 150 en Ontario.

Du côté de la CSN, qui compte aussi de nombreux syndiqués chez Olymel, on refusait de commenter la nomination de M. Bouchard. Il faut noter que la CSN et Olymel s'affrontent devant les tribunaux, la centrale syndicale ayant contesté la fermeture projetée de l'usine de Saint-Simon.

À la CSD, le président François Vaudreuil affirme que "le niveau d'inquiétude n'est pas très élevé" chez ses membres, ceux-ci travaillant dans les usines de charcuteries, un secteur d'activité moins touché par la réorganisation chez Olymel. M. Vaudreuil n'a pas voulu se prononcer sur le choix de M. Bouchard.

Plus tôt cette semaine, le président du syndicat de l'usine d'Olymel à Saint-Valérien, Patrick Cournoyer, avait confié sa méfiance au quotidien La Voix de l'Est. "Il y a anguille sous roche", avait-il opiné en apprenant la nomination de M. Bouchard. "A-t-il le pouvoir de réinventer quelque chose de neuf?"

M. Cournoyer voyait cependant un avantage politique dans le choix de l'ancien premier ministre comme avocat d'Olymel. "La campagne électorale approche. M. Charest veut bien paraître, alors M. Bouchard pourrait peut-être le convaincre d'aider l'industrie porcine."

Olymel a fait savoir que M. Bouchard n'accordait pas d'entrevue, venant tout juste d'être saisi du dossier.

Olymel, dont le chiffre d'affaires approche 2,5 milliards $, emploie 11 000 personnes dans les domaines de l'abattage, de la transformation et de la distribution de viandes de porc et de volaille.

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