L'Autorité des marchés financiers (AMF) n'a jamais frappé aussi fort dans un seul dossier. Hier (mercredi), 619 chefs d'accusation ont été déposés contre 24 conseillers pour avoir vendu illégalement aux investisseurs des fonds du groupe Mount Real.

L'Autorité des marchés financiers (AMF) n'a jamais frappé aussi fort dans un seul dossier. Hier (mercredi), 619 chefs d'accusation ont été déposés contre 24 conseillers pour avoir vendu illégalement aux investisseurs des fonds du groupe Mount Real.

Sur les conseils de ces 24 personnes, quelque 1600 investisseurs ont englouti 140 millions de dollars dans ce groupe aux multiples tentacules. À ce jour, l'essentiel de l'argent n'a pas été retrouvé et l'entreprise a déclaré faillite, le printemps dernier.

Selon l'AMF, les 24 conseillers ont commis diverses infractions à la Loi sur les valeurs mobilières, dont le fait d'avoir vendu des fonds sans permis, d'avoir aidé à vendre des fonds sans prospectus ou d'avoir fourni des informations fausses ou trompeuses aux investisseurs.

Ces conseillers sont poursuivis en Cour du Québec, chambre criminelle et pénale. Ils sont passibles d'amendes variant entre 1000 et 15 000 $ par chef d'accusation, pour un montant total de 4,2 millions de dollars.

Il s'agit du plus important volume d'accusations portées par l'AMF dans un même dossier.

Parmi les 24 personnes accusées dans le dossier Mount Real, mentionnons l'ex-président de Valeurs mobilières iForum, Yves Mechaka (31 infractions), de même que plusieurs autres représentants de iForum: William Marston (20 infractions), Francesco Iacono (40 infractions), Marc-André Froment (26 infractions) et Yves Tardif (86 infractions). Parmi les autres figurent Luigi Moro (50 infractions), de même que Roberto Milzi et Jaime Lao Wan Lian.

Les principales têtes dirigeantes du réseau Mount Real ne sont pas sur la liste. En particulier, Lino Matteo, Joseph Pettinichio et Andris Spura sont absents. L'AMF semble s'en tenir pour l'instant au réseau de distribution du groupe Mount Real, qui englobe les entreprises MRACS Management et Real Vest Investment.

«L'enquête suit son cours pour le dossier dans son ensemble», indique le porte-parole de l'AMF, Frédéric Alberro.

Entre autres, l'AMF est sur le point d'avoir accès à 150 caisses de documents entreposées au palais de justice de Montréal. Ces documents faisaient l'objet de contestation de la part de l'avocat de Mount Real, Michael Maloney, mais l'AMF a eu récemment gain de cause.

Parmi les 24 personnes, moins de 10 ne détenaient pas de permis pour vendre des valeurs mobilières. La plupart des autres continuent de pratiquer leur métier de conseiller en placements. Aux dernières nouvelles, Yves Mechaka s'était replacé à l'Industrielle Alliance et William Marston, chez Sovereign Capital.

L'AMF n'a pas le mandat de révoquer les permis des conseillers pour faute déontologique, le cas échéant. Cette tâche reviendrait entre autres à l'Association des courtiers en valeurs mobilières (ACCOVAM), dit M. Alberro.

«Mes clients plaident tous non coupables aux infractions dont ils sont accusés», a déclaré l'avocat John Bracaglia, qui défend huit des 24 accusés, dont William Marston. Globalement, l'AMF a porté 250 chefs d'accusation contre les huit clients de M. Bracaglia. Aucune accusation ne viserait l'information fausse ou trompeuse, affirme M. Bracaglia.

«Je trouve ces accusations affreuses. Mount Real était sous la supervision de l'AMF, à titre d'entreprise en Bourse. Si Mount Real faisait des activités illégales, pourquoi l'AMF n'a-t-elle pas arrêté la compagnie avant», plaide l'avocat.

L'AMF a mis le groupe Mount Real sous séquestre en novembre 2005, quelques mois après une enquête de La Presse. Jean Robillard, l'administrateur nommé par le gouvernement, a conclu que Mount Real était une coquille vide. L'entreprise a déclaré faillite au printemps 2006.

Comme pour n'importe quelle faillite, cinq inspecteurs ont été nommés parmi les créanciers de Mount Real, tous des investisseurs. Ils tentent de retracer l'argent et enquêtent sur l'affaire. Robert Blinn, l'un des inspecteurs, est perplexe devant les accusations de l'AMF.

«C'est dommage que l'AMF n'ait pas agi avant la faillite. Nous sommes encore à découvrir dans quelle mesure les conseillers savaient ce qui se passaient», a-t-il dit.

Robert Blinn avait investi 15 0000 $ dans le réseau de Mount Real. Son conseiller, William Marston, était un ami depuis 30 ans. Il l'avait incité à mettre tous ses oeufs dans le même panier, des entreprises du réseau de Mount Real.

Précisons que Mount Real est lié à une autre entreprise qui a fait l'objet d'un scandale: Norshield. Le PDG de Norshield, John Xanthoudakis, est l'un des fondateurs de Mount Real et en a été longtemps le principal actionnaire.

En octobre, la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario a déposé des accusations contre Norshield et trois de ses dirigeants, nommément John Xanthoudakis, Dale Smith et Peter Kefalas, les accusant de tromperie et de mauvaise foi, des comportements qui ont fait perdre à leurs investisseurs l'essentiel des 482 millions qu'ils ont investis. Norshield est cette firme qui avait géré les fonds de Cinar, aux Bahamas.

Pour l'instant, Norbourg dépasse Mount Real en ce qui a trait à l'importance des amendes. Le patron de Norbourg, Vincent Lacroix, a fait l'objet de 51 chefs d'accusations, chacun passible d'amende variant entre 20 000 $ et 5 millions.