Jean Hébert a droit à la surprise de sa vie le 3 août 2005. Après quelques mois chez Norbourg, il décide de trouver ce qui se passe vraiment, constatant que des millions de dollars échappaient aux investisseurs.

Jean Hébert a droit à la surprise de sa vie le 3 août 2005. Après quelques mois chez Norbourg, il décide de trouver ce qui se passe vraiment, constatant que des millions de dollars échappaient aux investisseurs.

Le soir même, il rapporte à l'Équipe intégrée de la police des marchés financiers les informations trouvées à même l'historique d'un compte bancaire de Norbourg International.

C'est ce qui ressort de l'audience de mercredi avant-midi au palais de justice de Montréal, alors que le procès pénal de Vincent Lacroix redémarre devant le juge Claude Leblond, de la Cour du Québec.

L'histoire de Jean Hébert chez Norbourg commence en octobre 2004, quand il y est embauché à titre de vice-président à la conformité et aux projets spéciaux.

Ce comptable agréé avait déjà servi plusieurs entreprises auparavant, ayant été chef comptable chez Placements Tal de 1994 à 1997. Mais avant de passer à Norbourg, il a été analyste de fonds communs de placement pour l'Autorité des marchés financiers, soit de 1998 à 2004.

Approché par le vice-président aux Finances de Norbourg, Eric Asselin, il accepte un salaire annuel de 110 000 $ pour s'assurer que le fonctionnement des fonds communs est conforme aux objectifs recherchés et à la réglementation.

Questionné par Eric Downs, procureur de l'Autorité des marchés financiers, M. Hébert a souvent dit que le fonctionnement à l'interne de Norbourg «n'avait pas d'allure».

Ayant questionné à plusieurs reprises ses collègues sur la provenance de l'argent finançant les activités du groupe de Vincent Lacroix, il n'a jamais trouvé une réponse convenable. Il se demandait pourquoi certains rapports hebdomadaires du gardien de valeurs Northern Trust arrivaient souvent en retard, et pourquoi des écarts de valeurs pouvaient se présenter.

Pour Jean Hébert, quelque chose n'allait pas et c'est l'incident du 3 août 2005 qui l'illustre le mieux. À ce moment, il prenait la relève d'Eric Asselin à la vice-présidence des Finances, alors que M. Asselin planifiait d'aller vivre à Québec.

Vers 10h30, M. Hébert sort des bureaux de Norbourg situés au 615, René-Lévesque Ouest avec M. Asselin. Les deux hommes veulent choisir un cadeau pour la femme de M. Asselin alors qu'elle retourne aux études.

En marchant vers la Place Ville-Marie, Jean Hébert discute des budgets de Norbourg avec son collègue. Il demande d'où vient l'argent et s'inquiète du «robinet ouvert» des dépenses.

Jean Hébert se souvient d'avoir dit ces mots: «Vincent Lacroix ne peut injecter de l'argent tout le temps, nous nous en allions vers un gouffre financier.»

Eric Asselin demande si le financement de Norbourg se faisait à même les fonds communs mais M. Hébert refuse d'envisager cette possibilité. M. Asselin avance plutôt que la richesse du groupe provient de Norbourg International.

S'étant auparavant fait dire par le contrôleur financier Jean Cholette que «tu ne sauras pas ce qui se passe» chez Norbourg International, Jean Hébert décide d'en avoir le coeur net. En revenant au bureau, il obtient un accès au compte bancaire de cette société à la Banque de Montréal.

En fin de matinée, il consulte et imprime l'historique récent des transactions. Il constate des transferts d'argent à même les fonds Evolution appartenant aux investisseurs, notamment en juillet 2005. Il voit aussi un transfert de 6 M$ vers un compte bancaire appartenant à Vincent Lacroix le 22 juillet.

Jean Hébert est alarmé. «Ça ne devrait pas être transféré là, dit-il. L'argent de l'investisseur doit aller vers un compte en fiducie et non chez Norbourg International.»

Même si la rumeur dans les couloirs voulait que les 6 M$ aient servi à payer des impôts, le comptable était sous le choc.

«J'ai ressenti toutes sortes d'émotions, ajoute M. Hébert en réponse aux questions du procureur Eric Downs. Tu es choqué de voir cela, ça ne se peut pas, prendre l'argent du monde [de cette façon].

Eric Asselin lui demande ce qu'il faut faire. Jean Hébert veut rapporter le tout à l'Autorité des marchés financiers. M. Asselin rétorque que c'est une mauvaise idée car l'Équipe intégrée de la police des marchés financiers s'intéresse déjà à Norbourg.

M. Hébert décide donc de téléphoner à ce corps policier. Il rencontre les enquêteurs Patrick Marinelli et Danny Brisson en soirée, à son domicile. Vers 23h20, il signe une déclaration selon laquelle il a remis des preuves de son plein gré. Le 8 août, il fait une déclaration officielle pour dénoncer les pratiques constatées chez Norbourg.

Et du 9 au 25 août, date des perquisitions chez Norbourg, Jean Hébert dit avoir connu «des nuits blanches» et «des présences robotisées» dans le bureau de son employeur...