Les employeurs seraient disposés désormais à mettre plus d'argent que nécessaire dans les caisses de retraite avant de prendre des congés de cotisation, si la loi reconnaît que les surplus leur appartiennent.

Les employeurs seraient disposés désormais à mettre plus d'argent que nécessaire dans les caisses de retraite avant de prendre des congés de cotisation, si la loi reconnaît que les surplus leur appartiennent.

Tant le Conseil du patronat (CPQ) que la Fédération des chambres de commerce (FCCQ) se sont montrés ouverts à cette avenue hier en commission parlementaire.

La ministre de l'Emploi et de la Sécurité sociale Michelle Courchesne a amorcé des consultations sur son projet de loi 30 qui modifie en profondeur les règles de financement et d'administration des régimes complémentaires de retraite.

Parmi ses dispositions, une irrite au plus haut point les employeurs. Elle prévoit la création d'une provision, qui pourrait excéder de 7 % la valeur des engagements du régime, avant que l'employeur puisse à nouveau prendre des congés de cotisation.

Selon le CPQ, cette provision aurait pour effet de rendre moins concurrentielles encore les entreprises dont la caisse de retraite est sous la surveillance de la Régie des rentes du Québec. Leurs rivales régies par les lois fédérales ou des autres provinces n'auraient pas cette obligation. Un peu plus du tiers seulement des participants à un régime de retraite au Québec sont couverts par la Régie. Plus on augmente les coûts d'un régime et plus les employeurs auront tendance à vouloir s'en défaire. Bref, au lieu de sécuriser les régimes, le projet 30 aurait pour effet d'accélérer leur disparition.

Mme Courchesne a fait valoir que la situation difficile des régimes de retraite n'est pas le seul fait de mauvais rendements boursiers en 2001 et 2002 et de la baisse des taux d'intérêt qui a gonflé la valeur du passif. " Il s'est quand même pris en même temps que les taux d'intérêt baissaient pour 2 milliards de congés de cotisation puis 1,4 milliard d'amélioration entre 2001 et 2003 ", a-t-elle précisé.

Au 31 août dernier, selon une enquête faite par Groupe-Conseil Aon, 77 % des régimes de retraite étaient encore en déficit de solvabilité.

" Une partie du membership pourrait être capable de vivre quand même avec l'idée d'une provision pour écart défavorable (PED) si on clarifie la question de l'asymétrie ", a finalement concédé Michel Kelly-Gagnon, président du CPQ.

Les employeurs déplorent qu'ils aient la responsabilité de combler les déficits sans pouvoir jouir des surplus. C'est ce qu'ils appellent l'asymétrie.

En vertu de la loi actuelle, s'il y a terminaison d'un régime, les surplus doivent être attribués aux participants actifs et retraités. La jurisprudence reconnaît le droit des employeurs aux surplus cependant durant la vie d'un régime, mais la création d'une PED aurait pour effet de retarder le moment où ils pourraient recommencer à prendre des congés de cotisation.

La FCCQ estime à plusieurs milliards l'argent que les employeurs devraient ainsi immobiliser dans les régimes de retraite au lieu d'investir dans des gains de productivité. Leur présidente Françoise Bertrand a quelque peu battu en retraite cependant quand la ministre la rappelé que la PED pourra se constituer à même des surplus et non par des cotisations supplémentaires, comme c'est le cas pour combler les déficits.

La Fédération des associations de retraités (FARQ) appuie pour sa part en bloc le projet 30. Ses représentants tiennent à la propriété des surplus en cas de terminaison. Ils veulent aussi voix au chapitre pour la distribution de surplus dans un contexte de continuité du régime ce qui serait un gain sur leur situation actuelle. L'enjeu, c'est la possibilité d'indexer leurs rentes.

Le projet 30 leur permet aussi à un participant d'obliger l'employeur à garantir leurs rentes chez un assureur ce qui pourrait représenter des coûts supplémentaires. En plus, il permet à un participant actif ou retraité de réclamer l'arbitrage en cas de différent sur le partage des surplus.

La ministre Courchesne a fait admettre aux retraités que, si le principe d'équité leur était reconnu, ils seraient moins désireux de transférer leurs rentes chez un assureur dont la gestion est reconnue plus coûteuse et moins performante.

Les consultations en commission parlementaire se poursuivront pendant encore cinq séances réparties d'ici le 31 octobre, ce qui rend peu probable l'adoption du projet 30 avant les Fêtes.

LES POINTS SAILLANTS DU PROJET 30> Création d'une provision pour écart défavorable avant la reprise des congés de cotisation.

> Taux de solvabilité minimal de 90 % préalable à toute bonification d'un régime.

> Possibilité pour l'employeur de combler jusqu'à 15%du passif par une lettre de crédit garantie.

> Reconnaissance du principe d'équité qui accorde aux retraités voix au chapitre sur le partage des surplus.

> Possibilité donnée aux participants d'obliger le régime à faire garantir leur rente par un assureur.

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